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Les deux petits tympans du narthex
Les chapiteaux
Notre propos n'est pas
de donner une interprétation aux multiples sculptures de la
basilique. Nombreuses sont les interprétations et il est
fortement recommandé de consulter les ouvrages sur le sujet.
Ceci n'est qu'un modeste guide qui permettra aux visiteurs de se
repérer dans cette multitude de merveilles.
Au centre, le christ en majesté est inscrit dans une mandorle.
L’auréole est crucifère. Il est assis sur un trône décoré de
constructions, la Jérusalem céleste. Le travail des plis,
admirable, en fait une des sculptures les plus abouties de
l’histoire lapidaire du moyen-âge. Les plis de la tunique sont
soulevés par un souffle inconnu traité par le sculpteur d'une
manière admirable. Harmonie, mouvement, délicatesse.
Des mains du Christ partent des rayons qui viennent se poser sur
les têtes des apôtres (voir détails plus loin) et symbolisent la
pentecôte. L’esprit saint apparaît sous les traits de la
colombe.
À gauche, cinq apôtres qui tiennent dans leurs mains des livres
ouverts. Ce sont les écritures avec lesquelles ils vont devoir
évangéliser le monde. Saint-Pierre, reconnaissable par ses
clefs, un personnage plus grand que l’on suppose être
Saint-Jean, le disciple préféré du Christ et derrière André,
peut-être Jacques le Majeur, puis Philippe et Thomas (mis à part
Pierre, il est toutefois difficile d'identifier les apôtres).
Les rayons qui se dirigent vers les auréoles et qui partent de
la main droite du Christ ont été surlignés.
Au-dessus, un ciel serein qui symbolise l’autorité salvatrice
(en opposition avec le ciel tourmenté de droite). Certains
interprêtent ces deux élément comme l'eau (à gauche) et l'air (à
droite).
À droite, six autres apôtres (deux groupes de trois) qui
tiennent des livres fermés. Selon certains, il s'agit de
Barthélémy et Mathieu, Jacques le mineur et Simon le Zélote,
Jude ainsi que Mathias, choisi après l’ascension pour remplacer
Judas. Mais tout le monde n'est pas d'accord. Il faut remarquer
les détails de la couverture des livres, les ferrures qui
décorent celui de droite, les systèmes de fermeture des livres
sur les autres. Là encore, les rayons qui se dirigent vers les
têtes des apôtres. Le ciel ici est un ciel d’orage, qui
symbolise le pouvoir de condamner... La disparité de qualité des
sculptures laisse supposer que plusieurs artistes ont collaboré
à cette oeuvre.
La frise du linteau
La lecture doit se faire en deux parties «L’antiquité sauvage» :
extrémité droite de la partie droite. Ce sont les peuples de la
terre que l’on veut évangéliser.
À droite, «Le peuple aux grandes oreilles» ces personnages à
grandes oreilles sont les panotii (connus par Pline l'Ancien).
Un couple et son enfant qui s’éveille et dont les oreilles sont
encore repliées sur le visage. Voir les petits points et les
plis internes des oreilles. L’homme désigne le tympan central.
Puis viennent «les pygmées». Petits, ils ont besoin d’une
échelle pour monter à cheval (connus par Pline l’Ancien et
représentant le continent africain)
Les géants, sans doute les macrobiens, originaires de l’Inde. Le
geste de leurs bras indique qu’ils viennent d’apercevoir le
Christ.
«Les peuples de la terre,
l’antiquité civilisée»
À gauche de la partie droite du linteau, «l’hommage des soldats
aux pieds de Pierre et Paul». Là se rassemblent grecs et
romains. Devant eux, Saint-Pierre (reconnaissable à sa clef) et
Saint-Paul (voir l'illustration plus haut des deux linteaux
entiers).
Romains : religion
et chose militaire. À droite, soldats en cote de maille et
fantassins. Ils s’avancent vers les apôtres, le premier, glaive
pointé vers le bas.
Linteau de gauche, partie extrême droite :
"Le cortège antique" : le taureau est amené au grand prêtre qui
tient la hache du sacrifice. Puis des hommes portant des piques,
et derrière eux procession d’hommes qui apportent des offrandes
: un seau (récipient de l’eau lustrale), un homme tient un
poisson, puis trois porteurs d'offrandes (une fiole, un gros
pain rond, un grand bol plein de fruits)
À gauche, «Les archers». D’abord, les Scythes, pieds nus,
archers fameux d’Asie Mineure ou allusion aux Parthes «à la
flèche insidieuse» représentent la vie sauvage des chasseurs qui
vivent en horde.
Entourant ce tympan, un premier arc de cercle ou fausse voussure
contenant huit caissons.
Les quatre du haut (deux à
gauche, deux à droite) «mondes lointains, mondes malades» qui
symbolisent les maux, tant mentaux que physiques qu’il va
falloir guérir.
Une nation à convertir, une maladie à guérir
Le premier caisson en haut à gauche, «la langue du muet
criera de joie, les oreilles des sourds s’ouvriront, les yeux
des aveugles se décilleront» : un aveugle (coiffure étonnante à
deux macarons) et son jeune guide, puis un sourd qui tend
l’oreille vers son compagnon et enfin deux cynocéphales,
personnages à tête de chien (Pline l’Ancien dit qu’ils habitent
la Cynocéphalie, province de l’inde) qui se tiennent la gorge,
ils sont muets. L’un des deux est prêt à se trancher la gorge
avec son épée.
Juste en dessous : deux scènes «combattre le péché d’impureté et
délivrer le possédé de sa folie»: un possédé que l’on reconnaît
à sa chevelure en bataille. À côté, des siamois, venu de
Cappadoce, réuni par le dos, presque nus et dans des poses qui
suggèrent la luxure. La soeur cherche à extraire une épine de
son pied. Au moyen-âge, le tireur d’épine était confondu avec un
Priape exhibant son anatomie.
Puis, le premier caisson en haut à droite : «le bossu se
redressera, toute infirmité sera guérie» montre un couple
affublé de groins de porc, dont l’odorat semble touché (attribué
au peuple éthiopien). L’homme baise la main de sa femme. Enfin,
un bossu dont le dos est caressé par le personnage en
arrière-plan.
En-dessous, trois infirmes atteints dans leurs membres,
«fortifier les mains affaiblies, affermir les genoux qui
chancellent» celui de droite se tient le genou blessé, le
second, appuyé sur une canne a un pied bot et le troisième dont
la main gauche est enveloppée dans son manteau a la maladie de
la main sèche (paralysée). On les rapproche de l’Asie
hellénistique (bonnet phrygien du premier, et haute béquille à
poignée rappelant le style ionique du personnage central.
Les quatre autres caissons : «Les impies et les justes»
En bas à droite, «gagner les magiciens au Christ» quatre
personnages à bonnets de mage, Patins montés sur hauts
talons, bâtons évasés en leur terminaison. Ils seraient
assyriens. L’un se tourne vers le centre du tympan, il est déjà
séduit.
Au-dessus, «fuir la vénalité» le personnage de gauche (un Perse
? ou un musulman ?) sort une bourse de sous son habit, il essaie
d’acheter l’autre personnage qui refuse de sa main tendue devant
lui. Ce dernier porterait l’arme employée au lancement du feu
grégeois par les soldats de Byzance. Son interlocuteur tente de
l’acheter. L’homme intègre refuse de vendre ce trésor à
l’ennemi. Il a les yeux tournés vers le Christ.
En bas à gauche
«Croire ou ne pas croire»
Le premier «au service de la parabole du Christ» : deux scribes
assis avec leurs tablettes et leurs rouleaux de parchemins sont
vraisemblablement deux évangélistes écrivant la bonne parole.
Au-dessus, «suivre ou repousser le Christ» Jéroboam et le
prophète : l’un tente d’amener l’autre vers le centre du tympan,
vers le Christ. L’autre se détourne et semble vouloir quitter le
tympan. Jéroboam a une main cachée sous une manche trop longue
(main sèche, ou paralysée). Il s’adonna à l’idolâtrie et fut
puni par Yahvé qui lui infligea une main sèche. Le prophète a le
bonnet cônique des juifs. Il montre le Christ et refuse de
suivre l’idolâtre.
La voussure extérieure :
alternance des signes du zodiaque et des travaux associés aux
saisons. L'année commence en bas à gauche et continue selon le
mouvement horaire.
Janvier
Un homme emmitouflé coupe un pain rond. Sur le pain se trouve
une marque triangulaire servant à distinguer les productions
familiales lors de la cuisson dans le four commun (sur le
dernier médaillon qui clôt l'année et qui fait pendant à
celui-ci, l'homme tient une coupe de vin). Du pain au vin. Il
fait froid.
Le verseau, signe d'air.
Février. Il fait toujours froid : deux hommes se chauffent
auprès d'un feu. L'un des hommes s'apprête à enlever un vêtement
certainement mouillé pour le faire sécher.
Les poissons, l'un nu et l'autre recouvert d'écailles.
Mars, un homme taille la vigne
Le bélier. Il a une queue de poisson (idem pour le taureau et le
sagittaire). Ictus, poisson, acronyme de Iésu Christos Theau
Sôter, jésus christ fils de dieu sauveur, était le signe de
reconnaissance des premiers chrétiens.
Avril, c'est l'éclosion des bourgeons. Un berger courbe les
branches de l'arbre pour nourrir ses chèvres.
Le taureau a également une queue de poisson (voir ci-dessus).
Mai, mois de la guerre : un homme s'appuie sur son bouclier. La
nature explose. L'allégorie du printemps s'intercale et
exécute une danse "bachique".
Le printemps : le jeune homme saisit les fruits de la
connaissance
Les gémeaux enlacés et dont les pieds gauche et droit se
touchent
Juin: un paysan coupe l'herbe avec sa faux.
Le cancer à la queue enroulée en spirale. Ici, le cancer n'est
pas représenté par un crabe, mais plutôt par une écrevisse car
ce signe est aussi appelé "écrevisse" au moyen-âge.
Les
quatre figures centrales ou trois médaillons et demi. Ces quatre
médaillons interrompent le cycle de l'année. Le demi médaillon à
gauche. La grue, la tête en bas, a donné lieu à de nombreuses
interprétations, dont la moins convaincante est qu'elle sert à
occuper un espace resté vacant. Le médaillon central, l'homme a
accompli son cycle. Il est enroulé à l'envers. À sa gauche, le
chien est enroulé par le devant et à sa droite, la sirène
s'enroule sur le côté. Pour en savoir plus, se reporter à la
bibliographie en fin d'article.Le nombre de 3 1/2. Dans la
bible, ce nombre est souvent cité : le parvis du temple est
livré aux nations qui le foulent pendant 42 mois (3 fois 1/2
douze mois, soit trois ans 1/2), 1260 jours, soit trois fois 1/2
360, et à ... "un temps, deux temps et la moitié d'un temps"
correspondant à un temps d'épreuve. Etc.
L'oiseau, le but à atteindre, le chien l'animalité
spiritualisée, la sirène l'inconscient féminin et l'homme, qui
accède à son but après avoir parcouru son chemin initiatique.
Juillet: le paysan fait des gerbes de blé. C'est le temps de la
maturité.
Le lion. Il domine un animal à tête humaine défigurée par un
rictus
Août : le paysan bat le blé avec son fléau qui déborde sur le
médaillon précédent.
La vierge est représentée nue sous un manteau ouvert. Ce n'est
certes pas la vierge Marie. Serait-ce Isis ?
Septembre c'est le temps de remiser le blé dans une huche
La balance. Le personnage qui tient la balance est déséquilibré.
La chevelure est surprenante, toute en flammes.
Octobre, on récolte le raisin. Après le pain de la connaissance,
le vin de l'esprit.
Le scorpion est curieux, un dromadaire à six pattes
Novembre, on tue le cochon
Le sagittaire, centaure mi-homme mi-cheval. Chevelure et
ceinture de feu (le sagittaire est signe de feu). La flèche est
dirigée vers le genou en équerre du Christ
Décembre est symbolisé par une jeune femme montée sur les
épaules d'un vieil homme : c'est la nouvelle année qui monte sur
l'année passée. L'homme meurt à son état ancien pour renaître
meilleur.
Le capricorne a aussi une queue de poisson
Le cycle est clos par un médaillon représentant un homme en
habit festif. C'est le convive d'une fête célébrant la naissance
du Christ et la nouvelle année.
Inscription latine : "omnibus in membri designat imago
decembris"
De nombreuses têtes furent coupées... vandalisées par les
révolutionnaires qui décidément aimaient décapiter. Heureusement
pour nous et pour l'art en général, leurs échelles n'étaient pas
assez grandes... C'est le linteau qui a le plus souffert, à
portée de main des coupeurs de têtes.
Enfin, dernier petit clin d'oeil : dans la dernière voussure
faite d'ornements floraux se cache, à la hauteur du verseau, un
petit acrobate :
Bibliographie :
La Madeleine de Vézelay -
Voyage initiatique par Jean-Claude Mondet chez
Dervy
Vézelay - Livre de pierre par
Véronique Rouchon Mouilleron, photographies de Daniel Faure chez
Flammarion
Le patrimoine de la
basilique de Vézelay -Flohic Éditions
Pour voir les deux petits tympans du narthex, c'est ici