| 5 10 20 30 35 40 45 50 60 | Après avoir par mainctz jours visité Ceste fameuse et antique cité, Où tant d'honneur en pompe sumptueuse T'a esté faict, Princesse vertueuse, J'y ay trouvé que sa fondation Est chose estrange et d'admiration. Quant au surplus, ce qui en est surmonte Ce que loing d'elle au mieulx on en racompte: Et n'est possible à citadin mieulx faire Pour à ce corps et à l'oeil satisfaire. Que pleust à Dieu, ma tresillustre Dame, Qu'autant soigneux ilz fussent de leur âme. Certes leurs faictz quasi font assavoir Qu'une âme au corps ilz ne cuydent avoir: Ou s'ilz en ont, leur fantasie est telle, Qu'elle est ainsy comme le corps mortelle. Dont il s'ensuyt qu'ilz n'eslevent leurs yeulx Plus hault ne loing que ces terrestres lieux, Et que jamais espoir ne les convye Au grand festin de l'eternelle vie. Advient aussy que de l'amour du proche Jamais leur cueur partial ne s'aproche: Et si quelqu'un de l'offenser se garde, Crainte de peine et force l'en retarde. Mais où pourra trouver siege ne lieu L'amour du proche où l'on n'ayme point Dieu? Et comment peult prendre racine et croistre L'amour de Dieu, sans premier le congnoistre? J'ay des enfance entendu affermer Qu’il est besoing congnoistre avant qu’aymer. Les signes clers, qui dehors apparoissent Pour tesmoigner que Dieu point ne congnoissent: C’est qu’en esprit n’adorent nullement Luy, qui est seul esprit totallement, Ains par haulx chantz, par pompes & par mynes, Qui est (mon Dieu) ce que tu abhomines. Et sont encor les pouvres citoyens Pleins de l’erreur de leurs peres payens. Temples marbrins y font & y adorent Images peinctz, qu’à grandz despens ilz dorent: Et à leurs pieds, helas, sont gemissans Les pouvres nudz, palles & languissans. Ce sont, ce sont telles ymaiges vives Qui de ces grans despenses excessives Estre debv[r]oient aournées & parées, Et de nos yeulx les autres separées. Car l’Eternel les vives recommande. Et de fuir les mortes nous commande. Ne convient il en reprendre qu’iceulx? Helas, Madame, ilz ne sont pas tous seulz: De ceste erreur tant creue & foisonnée La Chrestienté est toute empoisonnée. Non toute, non: Le Seigneur regardant D’oeil de pitié ce monde caphardant, S’est faict congnoistre à une grand partie, Qui à luy seul est ores convertie. O Seigneur Dieu, faictz que le demourant Ne voyse pas les pierres adorant! C’est ung abus d’ydollastres sorty, Entre Chrestiens plusieurs foys amorty, Et remys sus tousjours par l’avarice De la paillarde & grande meretrice, Avec qui ont faict fornication Les roys de terre, & dont la potion Du vin public de son calice immonde A si longtemps enyvré tout le monde. | Après avoir par mainctz jours visité Ceste fameuse et antique cité, Où tant d'honneur en pompe sumptueuse T'a esté faict, Princesse vertueuse, J'y ay trouvé que sa fondation Est chose estrange et d'admiration. Quant au surplus, ce qui en est surmonte Ce que loing d'elle au mieulx on en racompte: Et n'est possible à citadin mieulx faire Pour à ce corps et à l'oeil satisfaire. Que pleust à Dieu, ma tresillustre Dame, Qu'autant soigneux ilz fussent de leur âme. Certes leurs faictz quasi font assavoir Qu'une âme au corps ilz ne cuydent avoir: Ou s'ilz en ont, leur fantasie est telle, Qu'elle est ainsy comme le corps mortelle. Dont il s'ensuyt qu'ilz n'eslevent leurs yeulx Plus hault ne loing que ces terrestres lieux, Et que jamais espoir ne les convye Au grand festin de l'eternelle vie. Advient aussy que de l'amour du proche Jamais leur cueur partial ne s'aproche: Et si quelqu'un de l'offenser se garde, Crainte de peine et force l'en retarde. Mais où pourra trouver siege ne lieu L'amour du proche où l'on n'ayme point Dieu? Et comment peult prendre racine et croistre L'amour de Dieu, sans premier le congnoistre? J'ay des enfance entendu affermer Qu’il est besoing congnoistre avant qu’aymer. Les signes clers, qui dehors apparoissent Pour tesmoigner que Dieu point ne congnoissent: C’est que par trop grans moyens & petitz laschent la bride à tous leurs appetitz Si que d’iceulx certes peu d’œuvres sortent sentans celluy duquel le nom ilz portent. D’avoir le nom de chrestiens ont pris cure, puis sont vivans à la loy d’Epicure, faisant yeulx, nez & oreilles jouyr De ce qu’on peult veoyr, sentir & ouyr Au gré des sens, & traictant ce corps comme Si la gisoit le dernier bien de l’homme. D’or & d’azur, de marbres blancs & noyrs Sont enrichis leurs temples & manoirs, D’art de painctures & medailles dorées, Sont à grant coust leurs maison decorées; Et à leurs pieds, helas, sont gemissans Les pouvres nudz, palles & languissans. Ce sont, ce sont telles medailles vives Qui de ces grans despenses excessives Deussent avoir parade & ornature, Ou pour le moins qu’en recreant Nature de leurs manoirs en ce point erigez N’en feussent moins les povres soulagez. |
| 70 80 90 100 110 120 | Au residu, affin que ceste carte De son propos commancé ne s’escarte, Savoir te faiz, Princesse, que deçà Onques rommain empereur ne dressa Ordre publicq, s’il est bien regardé, Plus grand, plus rond, plus beau, ne myeulx gardé. Ce sont, pour vray, grands & saiges mondains, Meurs en conseil, d’executer soudains: Et ne voy rien en toutes leurs pollices De superflu, que pompes & delices. Tant en sont plains, que d’eulx peu d’œuvres sortent Sentans celuy duquel le nom ilz portent. D’avoir le nom de Chrestien ont prins cure, Puis sont vivans à la loy d’Epicure, Faisans yeulx, nez & oreilles jouyr De ce qu’on peult veoir, sentir & ouyr, Au gré des sens, & traictent ce corps comme Si là gisoit le dernier bien de l’homme. Mesmes parmy tant de plaisirs menus, Trop plus qu’ailleurs y triumphe Venus. Venus y est certes plu reverée Qu’au temps des Grecs, en l’isle Cytherée: Car mesme reng de reputation, De liberté & d’estimation, Y tient la femme esventée & publique, Comme la chaste, honnorable & pudique. Et sont enclins (ce disent) à aymer Venus, d’autant qu’elle est née de mer, Et que sur mer ilz ont naissance prise, Disant aussy qu’ilz ont basty Venise En mer, qui est de Venus l’heritage, Et que pourtant ilz luy doivent hommage. Voulà comment ce qui est deffendu Est par deçà permis & espandu. Si t'escriroys, Princesse, bien encores Des Juifz, des Turcs, des Arabes et Mores, Qu'on voit icy par trouppes chascun jour: Quel en est l'air, quel en est le sejour: De leurs palays et maisons autenticques, De leurs chevaulx de bronze tres anticques, De l'arcenal, chose digne de poix, De leurs canaulx, de leurs mulles de boys, Des murs salez dont leur cité est close, De leur grant place, et de maincte autre chose.. Mais j'auroys peur de t'ennuyer, et puis Tu l'as mieulx veu que escripre ne le puis. Je t'escriroys aussy plus amplement Du sage duc, et generalement Des beaulx vieillardz: mais ma Dame et maistresse, Tu les congnois, si font ilz ta haultesse. Ilz savent bien que tu es, sans mentir, Fille d'ung roy qui leur a faict sentir Le grand pouvoir de son fort bras vainqueur, Et la noblesse et bonté de son cueur. Parquoy clorray ma lettre mal aornée, Te suppliant, Princesse deux foys née, Te souvenir, tandis qu’icy me tien, De cestuy là que retiras pour tien Quand il fuyoit la fureur serpentine Des ennemys de la belle Christine. | Au residu, affin que ceste carte De son propos commancé ne s’escarte, Savoir te faiz, Princesse, que deçà Onques rommain empereur ne dressa Ordre publicq, s’il est bien regardé, Plus grand, plus rond, plus beau, ne myeulx gardé. Ce sont, pour vray, grands & saiges mondains, Meurs en conseil, d’executer soudains: Et ne voy rien en toutes leurs pollices De superflu, que pompes & delices. Mesmes parmy tant de plaisirs menus, Trop plus qu’ailleurs y triumphe Venus. Venus y est certes plu reverée Qu’au temps des Grecs, en l’isle Cytherée: Car mesme reng de reputation, 90 De liberté & d’estimation, Y tient la femme esventée & publique, Comme la chaste, honnorable & pudique. Et sont enclins (ce disent) à aymer Venus, d’autant qu’elle est née de mer, Et que sur mer ilz ont naissance prise, Disant aussy qu’ilz ont basty Venise En mer, qui est de Venus l’heritage, Et que pourtant ilz luy doivent hommage. Voulà comment ce qui est deffendu Est par deçà permis & espandu. Si t'escriroys, Princesse, bien encores Des Juifz, des Turcs, des Arabes et Mores, Qu'on voit icy par trouppes chascun jour: Quel en est l'air, quel en est le sejour: De leurs palays et maisons autenticques, De leurs chevaulx de bronze tres anticques, De l'arcenal, chose digne de poix, De leurs canaulx, de leurs mulles de boys, Des murs salez dont leur cité est close, De leur grant place, et de maincte autre chose.. Mais j'auroys peur de t'ennuyer, et puis Tu l'as mieulx veu que escripre ne le puis. Je t'escriroys aussy plus amplement Du sage duc, et generalement Des beaulx vieillardz: mais ma Dame et maistresse, Tu les congnois, si font ilz ta haultesse. Ilz savent bien que tu es, sans mentir, Fille d'ung roy qui leur a faict sentir Le grand pouvoir de son fort bras vainqueur, Et la noblesse et bonté de son cueur. Parquoy clorray ma lettre mal aornée, Te suppliant, Princesse deux foys née, Te souvenir, tandis qu’icy me tien, De cestuy là que retiras pour tien Quand il fuyoit la fureur de les ruses Des ennemys d’Apollo & des muses. |