The Psalm poems of Clément Marot
- the texts -
* For more background information read the introduction or consult the chronological summary.
* The texts of all Marot's Psalm poems or paraphrases (versifications, but not always in stanzas) were published in two collections. When in 1543 they were published in one edition, the original order was maintained (30 Pss Trente Pseaulmes and 20 Pss Vingt Pseaulmes). Below I also retain this order, but to easily find each Psalm translated by Marot, here is the complete list in numerical order, with hyperlinks to the text:
Psalms: 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 22, 23, 24, 25, 32, 33, 36, 37, 38, 43, 45, 46, 50, 51, 72, 79, 86, 91, 101, 103, 104, 107, 110, 113, 114, 115, 118, 128, 130, 137, 138, 143, Canticle of Simeon (= 50th Psalm from the title)* Concerning the layout, I print them as they appeared in the first editions, using the text, edited by G. Defaux in 1992 (which is freely available on the internet, but in plain text. I restored the original indents and/or blank lines between stanzas). You will notice that in the last 20 Pss. there are some that have no stanzas at all but are lyrical or epic poems (just jump to it, take a quick look and return here). Defaux reproduced the - in his opinion - final edition of Marot's Oeuvres as published by Etienne Dolet in 1543/44. This explains the relatively old-fashioned orthography (mainly for etymological purposes). The same Defaux also published a separate critical edition of the Psalms in 1995 (reprinted in ?) based on the 1543 [Geneva] edition Cinquante Pseaumes de David, in which the orthography is progressive. Defaux's editions are not flawless but can serve to gain access to the texts. Some clarification about a number of peculiarities:
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The metrical indications above the Psalms like "à deux versetz pour couplet à chanter" [only in Roffet-1541 Trente Pseaulmes, and not above all Psalms] are not so mysterious as they look: they simply establish the link between the number of Bible verses ("versetz") versified, and the stanza ("couplet"). The cited example means that Marot translated two bible verses in one stanza. Occasionally one reads ''differentz de chant", signalling that the stanzas - or versified verses within one stanza - differ metrically. Very convenient for melody-composers.
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The appropriation-tips (Pseaulme propre pour...) are unique to the Paris-editions by Roffet, and only appear in the 30 Pss. Whether they are Marot's can be doubted. Sometimes they contain very ad hoc references, often only of topical interest (f.i. to the "christians captivated by the Turcs" - ps. 137)or almost unconnected with the real translation-interpretation offered by Marot (f.i. Ps. 2 "contre les juifs". This is traditional antijudaism which is not present in Marot's wording in the Argument). They seem to be derived from a manuscript version in which they are also present, often a little lenghtier (Ms. 2336, in BnF). The final Geneva edition of 1543 has no such appropriation tips at all.
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On the other hand, the Arguments above each Psalm, are standard for almost all editions. They are suppressed by Dolet, but continue to appear in other secular and ecclesial editions. They provide a summary of the content or an interpretational framework. Almost all of them are completely inspired y the Argumenta that precede the Psalms in Martin Bucer's 1529/1532 Psalms Commentary (Latin), used by Marot to solve textual and exegetical difficulties. Mostly Marot offers a condensed and syntactically "frenchified" translation of these Latin summaries.
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The text of the first official edition (1541 = 30 Pss) differs considerably from earlier clandestine prints and manuscripts. They also often differ (considerably less, but still) from the final edition of the same Psalms in 1543 (Geneva edition, supervised by Marot). Marot revised his own work continuously. The text below follows the final edition (Geneva) since that text became the standard text (the authorised versions) both in ecclesial and in (most) secular publications. Some interesting variants will be added, esp. because in the musical tradition one often finds older versions.
Trente Pseaulmes de David
mis en francoys, [selon la verite Hebraicque,] par Clement Marot, valet de chambre du Roy.

The Paris edition of the 50 Psalms (with the misleading title: 32 pseaulmes + 20 autres), Paris, Roffet, 1543.
<I
Pseaulme Premier, à deux versetz pour couplet à chanter
Beatus vir qui non abiit.
Argument: Ce pseaulme chante, que ceulx sont bien heureulx, qui regettans les meurs, et le conseil des maulvais, s'adonnent à congnoistre, et mettre à effect, la Loy de Dieu: et malheureux ceulx, qui font au contraire. Chose propre pour consoler les bons.
Qui au conseil des malings n'a esté,
Qui n'est au trac des pecheurs arresté,
Qui des mocqueurs au banc place n'a prise:
Mais nuict, et jour, la Loy contemple, et prise
De l'Eternel, et en est desireux:
Certainement cestuy là est heureux.
Et si sera semblable à l'arbrisseau
Planté au long d'ung clair courant ruisseau,
Et qui son fruict en sa saison apporte,
Duquel aussi la fueille ne chet morte:
Si qu'ung tel homme, et tout ce qu'il fera,
Tousjours heureux, et prospere sera.
Pas les pervers n'auront telles vertus:
Ainçoys seront semblables aux festus,
Et à la pouldre au gré du vent chassée.
Parquoy sera leur cause renversée
En jugement, et touts ces reprouvés
Au reng des bons ne seront point trouvés.
Car l'Eternel les justes congnoist bien,
Et est soingneux et d'eulx, et de leur bien:
Pourtant auront felicité, qui dure.
Et pour aultant qu'il n'a ne soing ne cure
Des mal vivants, le chemin qu'ilz tiendront,
Eulx, et leurs faicts, en ruyne viendront.
-- Ever noticed how cleverly
Marot organises the first verse,
saving the first biblical word (Beatus/heureux)
till the very end of this stanza.
II
Pseaulme Second, à deux coupletz differentz de chant, chascun couplet d'ung verset
Quare fremuerunt gentes.
Argument: Icy veoit on comment David, et son royaulme, sont vraye figure, et indubitable prophetie de Jesuchrist, et de son regne. Pseaulme propre contre les Juifs.
Pourquoy font bruyt, et s'assemblent les gens?
Quelle follie à murmurer les meine?
Pourquoy sont tant les peuples diligens
A mectre sus une entreprise vaine?
Bandez se sont les grands Roys de la terre,
Et les Primats ont bien tant presumé
De conspirer, et vouloir faire guerre
Touts contre Dieu, et son Roy bien aymé:
Disants entre eulx desrompons, et brisons
Touts les lyens dont lyer nous pretendent:
Au loing de nous jectons, et mesprisons
Le joug, lequel mectre sur nous s'attendent.
Mais cestuy là, qui les haultz cieulx habite,
Ne s'en fera que rire de là hault.
Le Toutpuissant de leur façon despite
Se mocquera: car d'eulx il ne luy chault.
Lors s'il luy plaist, parler à eulx viendra
En son courroux (plus qu'aultre espouventable)
Et touts ensemble estonnés les rendra,
En sa faveur terrible, et redoubtable.
Roys, dira il, d'où vient ceste entreprinse?
De mon vray Roy j'ay faict election,
Je l'ay sacré, sa couronne il a prinse
Sur mon tres sainct, et hault [mont] de Sion.
Et je (qui suis le Roy, qui luy ay pleu)
Racompteray sa sentence donnée:
C'est qu'il m'a dict: Tu es mon Filz esleu,
Engendré t'ay ceste heureuse journée.
Demande moy, et pour ton heritage
Subjects à toy touts peuples je rendray:
Et ton Empire aura cest advantage,
Que jusqu'aux bords du monde l'estendray.
Verge de fer en ta main porteras,
Pour les dompter, et les tenir en serre,
Et s'il te plaist, menu les briseras,
Aussi aisé, comme ung vaisseau de terre.
Maintenant donc, ô vous et Roys, et Princes,
Plus entenduz, et sages devenez:
Juges aussi de terres, et provinces,
Instruction à ceste heure prenez.
Du Seigneur Dieu serviteurs rendez vous,
Craignez son ire, et luy vueillez complaire:
Et d'estre à luy vous resjouyssez touts,
Ayants tousjours crainte de luy desplaire.
Faictes hommaige au Filz, qu'il vous envoye,
Que courroucé ne soit amerement:
Affin aussi que de vie, et de voye,
Ne periss[i]ez trop malheureusement.
Car tout acoup son courroux rigoreux
S'embrasera, qu'on ne s'en donra garde.
O combien lors ceulx là seront heureux,
Qui se seront mys en sa saulvegarde!
III
Pseaulme Troisieme à ung verset pour couplet à chanter
Domine, quid multiplicati sunt?
Argument: David assailly d'une grosse armée, s'estonne du commencement. Puis prend une si grande fiance en Dieu, qu'apres l'avoir imploré il s'asseure de la victoire. Pseaulme propre pour ung chef de guerre moins bien accompaigné que son ennemy.
O Seigneur, que de gens A nuyre diligens: Qui me troublent, et grievent! Mon Dieu, que d'ennemys, Qui aux champs se sont mys, Et contre moy s'eslevent!
Certes plusieurs j'en voy, Qui vont disant de moy Sa force est abolie: Plus ne trouve en son Dieu Secours en aulcun lieu: Mais c'est à eulx follie.
Car tu es mon tres seur Bouclier, et deffenseur, Et ma gloire esprouvée: C'est toy, à brief parler, Qui fais que puis aller Hault la test levée.
J'ay crié de ma voix Au Seigneur maintesfoys, Luy faisant ma complaincte: Et ne m'a repoulsé, Mais toujours exaulcé De sa Montaigne saincte.
|
Dont coucher m'en iray,
En seurté dormiray,
Sans craincte de mesgarde:
Puis me resveilleray,
Et sans peur veilleray,
Ayant Dieu pour ma garde.
Cent mil' hommes de front
Craindre ne me feront,
Encor qu'ilz l'entreprinssent,
Et que pour m'estonner,
Clorre, et environner,
De tous costés me vinssent.
Vien doncq', declaire toy
Pour moy mon Dieu, mon Roy,
Qui de buffes renverses
Mes ennemys mordants,
Et qui leur romps les dents
En leurs bouches perverses.
C'est de toy Dieu treshault,
De qui attendre fault
Vray secours, et deffense:
Car sur ton peuple estends
Tousjours en lieu, et temps,
Ta grand' beneficence.

Ps. 3, edition by Roffet, 1543
IV
Pseaulme Quatriesme à ung verset pour couplet à chanter
Cum invocarem, exaudivit me.
Argument: En la conspiration d'Abschalom, il invocque Dieu: reprent les princes d'Israel conspirans contre luy, les appelle à repentance: et conclud qu'il se trouve bien de se fier en Dieu. Pseaulme pour ung prince qu'on veult deposer de son throsne.
Quand je t'invocque, helas escoute,
O Dieu de ma cause, et raison,
Mon cueur serré, au large boute,
De ta pitié ne me reboute,
Mais exaulce mon oraison.
Jusques à quand gens inhumaines,
Ma gloire abbatre tascherez?
Jusques à quand emprinses vaines,
Sans fruict, et d'abusion pleines
Aymerez vous, et chercherez?
Sachez, puis qu'il le convient dire,
Que Dieu pour son Roy gracieux
Entre touts m'a voulu eslire:
Et si à luy crie, et souspire,
Il m'entendra de ses haults cieulx.
Tremblez doncques de telle chose,
Sans plus contre son vueil pecher:
Pensez en vous ce que propose,
Dessus voz licts, en chambre close,
Et cessez de plus me fascher.
Puis offrez juste sacrifice,
De cueur contrict, bien humblement,
Pour repentance d'ung tel vice:
Mectant au Seigneur Dieu propice
Voz fiancés entierement.
Plusieurs gens disent, qui sera ce,
Qui nous fera veoir force biens?
O Seigneur, par ta saincte grâce,
Vueilles la clarté de ta face
Eslever sur moy, et les miens.
Car plus de joye m'est donnée
Par ce moyen (ô Dieu tres hault)
Que n'ont ceulx qui ont grand' année
De froument, et bonne vinée,
D'huyles, et tout ce qu'il leur fault.
Si qu'en paix, et en seurté bonne
Coucheray, et reposeray.
Car Seigneur, ta bonté l'ordonne:
Et elle seulle espoir me donne,
Que seur, et seul regnant seray.
V
Pseaulme Cinquiesme à ung verset pour couplet à chanter
Verba mea auribus percipe.
Argument: David en exil ayant beaucoup souffert, et s'attendant souffrir d'advantaige, par les flatteurs qui estoient autour de Saül, dresse sa priere à Dieu, puis se console, quand il pense que le Seigneur a tousjours les maulvais en hayne, et qu'il favorise les bons. Pseaulme propre contre les calumniateurs.
Aux parolles que je veulx dire,
Plaise toy l'oreille prester,
Et à congnoistre t'arrester
Pourquoy mon cueur pense, et souspire,
Souverain Sire.
Entends à la voix tres ardante
De ma clameur mon Dieu, mon Roy,
Veu que tant seullement à toy
Ma supplication presente
J'offre, et presente.
Matin devant que jour il face,
S'il te plaist, tu m'exaulceras:
Car bien matin prié seras
De moy, levant au ciel la face,
Attendant grâce.
Tu es le vray Dieu, qui meschance
N'aymes point, ne malignité:
Et avec qui (en verité)
Malfaicteurs n'auront accointance,
Ne demourance.
Jamais le fol, et temeraire
N'ose apparoir devant tes yeulx:
Car tousjours te sont odieux
Ceulx, qui prennent plaisir à faire
Maulvais affaire.
Ta fureur pert, et extermine
Finablement touts les menteurs.
Quant aux meurtriers, et decepteurs,
Celluy qui terre, et ciel domine
Les abomine.
Mais moy, en la grand' bonté mainte,
Laquelle m'as faict savourer,
Iray encores t'adorer
En ton Temple, en ta maison saincte,
Dessoubs ta crainte.
Mon Dieu, guide moy, et convoye
Par ta bonté, que ne soys mys
Soubs la main de mes ennemys:
Et dresse devant moy ta voye,
Que ne forvoye.
Leur bouche rien de vray n'ameine,
Leur cueur est feint, faulx, et couvert,
Leur gosier ung sepulchre ouvert:
De flatterie faulse, et vaine
Leur langue est pleine.
O Dieu, monstre leur qu'ilz mesprennent:
Ce qu'ilz pensent faire deffaicts:
Chasse les, pour leurs grands meffaicts:
Car c'est contre toy qu'ilz se prennent,
Tant entreprennent!
Et que touts ceulx se resjouyssent,
Qui en toy ont espoir, et foy:
Joye auront sans fin dessoubs toy,
Avec ceulx qui ton Nom cherissent,
Et te beneissent.
Car de bien faire tu es large
A l'homme juste, ô vray Saulveur,
Et le couvres de ta faveur,
Tout ainsi comme d'une targe
Espesse, et large.
VI
Pseaulme Sixiesme, à ung verset pour couplet à chanter
Domine, ne in furore tuo arguas me.
Argument: David malade à l'extremité, a horreur de la mort, desire avant que mourir, glorifier encores le nom de Dieu: puis tout acoup se resjouyt de sa convalescence, et de la honte de ceulx qui s'attendent à sa mort. Pseaulme propre pour les malades.
Ne vueilles pas, ô Sire,
Me reprendre en ton ire,
Moy, qui t'ay irrité:
N'en ta fureur terrible
Me punir de l'horrible
Tourment, qu'ay merité.
Ains, Seigneur, vien estendre
Sur moy ta pitié tendre,
Car malade me sens.
Santé doncques me donne:
Car mon grand mal estonne
Touts mes os, et mes sens.
Et mon Esprit se trouble
Grandement, et au double,
En extreme soucy.
O Seigneur plein de grâce,
Jusques à quand sera ce,
Que me lairras ainsi?
Helas, Sire, retourne:
D'entour de moy destourne
Ce merveilleux esmoy.
Certes grande est ma faulte,
Mais, par ta bonté haulte,
De mourir garde moy.
Car en la mort cruelle
Il n'est de toy nouvelle,
Memoire, ne renom.
Qui penses tu, qui die,
Qui loue,et psalmodie
En la fosse ton Nom?
Toute nuict tant travaille,
Que lict, chalit, et paille,
En pleurs je fays noyer:
Et en eau' goutte à goutte
S'en va ma couche toute,
Par si fort larmoyer.
Mon oeil pleurant sans cesse
De despit, et destresse,
En ung grand trouble est mys:
Il est envieilly d'ire,
De veoir entour moy rire
Mes plus grands ennemys.
Sus, sus, arriere iniques,
Deslogez tyranniques,
De moy touts à la foys:
Car le Dieu debonnaire
De ma plaincte ordinaire
A bien ouy la voix.
Le Seigneur en arriere
N'a point mys ma priere,
Exaulcé m'a des cieulx:
Receu a ma demande
Et ce que luy demande
Accordé m'a, et mieulx.
Doncques honteux deviennent
Et pour vaincuz se tiennent
Mes adversaires touts.
Que chascun d'eulx s'eslongne
Subit, en grand' vergongne,
Puis que Dieu m'est si doulx.
VII
Pseaulme Septiesme à ung verset pour couplet à chanter
Domine Deus meus in te speravi.
Argument: Il prie d'estre preservé de la grande persecution de Saül, mect en avant son innocence, requiert le royaulme à luy promis, et confusion à ses adversaires. Finalement, il chante qu'ilz periront de leurs propres glaives, et en loue Dieu. Pseaulme pour ung prince qui en guerre a le droit pour soy.
Mon Dieu, j'ay en toy esperance:
Donne moy donc saulve asseurance
De tant d'ennemys inhumains,
Et fays, que ne tombe en leurs mains:
Affin que leur chef ne me gripe,
Et ne me desrompe, et dissipe,
Ainsi qu'ung Lyon devorant,
Sans que nul me soit secourant.
Mon Dieu, sur qui je me repose,
Si j'ay commys ce qu'il propose,
Si de luy faire ay projecté,
De ma main, tour de lascheté:
Si mal pour mal j'ay voulu faire
A cest ingrat, mais au contraire,
Si faict ne luy ay tour d'Amy,
Quoy qu'à tort me soit ennemy:
Je veulx, qu'il me poursuyve en guerre,
Qu'il m'attaigne, et rue par terre,
Soit de ma vye ruyneur,
Et mecte à neant mon honneur.
Leve toy donc, leve toy Sire
Sur mes ennemys en ton ire,
Veille pour moy, que je soys mys
Au droit, lequel tu m'a promys.
A grands trouppeaulx le peuple vienne
Autour de la Majesté tienne:
Soys pour la cause de nous deux
Hault eslevé au milieu d'eulx.
Là des peuples Dieu sera Juge.
Et alors, mon Dieu, mon refuge,
Juge moy en mon equité,
Et selon mon integrité.
La malice aux malings consomme
Et soustien le droict, et juste homme,
Toy juste Dieu, qui jusqu'au fons
Sondes les cueurs maulvais, et bons.
C'est Dieu, qui est mon asseurance,
Et mon pavoys: j'ay esperance
En luy, qui garde, et faict vainqueur
Ung chascun, qui est droict de cueur.
Dieu est le Juge veritable
De celluy qui est equitable,
Et de celluy, semblablement,
Qui l'irrite journellement.
Si celluy, qui tasche à me nuire
Ne se veult changer, et reduire,
Dieu viendra son glaive aguiser,
Et bander son arc, pour viser.
Desjà le grand Dieu des alarmes
Luy prepare mortelles armes:
Il faict dards propres, et servants
A poursuivre mes poursuivants.
Et l'aultre engendre chose vaine,
Ne conçoit que travail, et peine,
Pour enfanter (quoy qu'il en soit)
Le rebours de ce, qu'il pensoit.
A caver une grande fosse
Il met solicitude grosse:
Mais en la fosse qu'il fera
Luy mesmes il tresbuchera.
Le mal, qu'il me forge, et appreste
Retournera dessus sa teste:
Brief, je voy le mal qu'il commet
Luy descendre sur le sommet.
Dont louange au Seigneur je donne,
Pour sa Justice droicte, et bonne:
Et tant que terre hanteray,
Le nom du Treshault chanteray.
VIII
Pseaulme Huictiesme à ung verset pour couplet à chanter
Domine, Dominus noster, quam.
Argument: Avecques grande admiration, David celebre icy la merveilleuse puissance du createur de toutes choses, et la grande bonté dont il a daigné user envers l'homme, l'ayant faict tel qu'il est. Pseaulme que toute creature humaine devrait sçavoir et chanter.
O Nostre Dieu, et Seigneur amyable
Combien ton Nom est grand, et admirable,
Par tout ce val terrestre spacieux,
Qui ta puissance esleve sur les cieulx!
En tout se voit ta grand vertu parfaicte,
Jusqu'à la bouche aux enfants, qu'on allaicte,
Et rendz par là confuz, et abbatu
Tout ennemy, qui nie ta vertu.
Mais quand je voy, et contemple en courage
Tes cieulx, qui sont de tes doigts hault ouvrage,
Estoilles, Lune, et signes differents,
Que tu as faictz, et assis en leurs rengs.
Adonc je dy apart moy (ainsi comme
Tout esbahy) et qu'est ce que de l'homme?
D'avoir daigné de luy te souvenir,
Et de vouloir en ton soing le tenir?
Tu l'as faict tel, que plus il ne luy reste,
Fors estre Dieu: car tu l'as, quant au reste,
Abondamment de gloire environné,
Remply de biens, et d'honneur couronné.
Regner le fays sur les oeuvres tant belles
De tes deux mains, comme Seigneur d'icelles.
Tu as de vray, sans quelque exception,
My soubs ses piedz tout en subjection:
Brebis, et Boeufz, et leur peaulx, et leurs laines,
Touts les trouppeaulx des haultz montz, et des plaines,
En general, toutes bestes cerchants
A pasturer, par les boys, et les champs:
Oyseaulx de l'air, qui vollent, et qui chantent,
Poissons de mer, ceulx qui nagent, et hantent
Par les sentiers de mer, grands, et petits,
Tu les as touts à l'homme assubjectis.
O Nostre Dieu, et Seigneur amyable,
Comme à bon droict est grand, et admirable,
L'excellent bruyt de ton Nom precieux,
Par tout ce val terrestre spacieux!
IX
Pseaulme Neufviesme à ung verset pour couplet à chanter
Confitebor tibi Domine in toto corde meo.
Argument: C'est ung chant triumphal, par lequel David rend grâces à Dieu de certaine bataille qu'il gaigna, en laquelle mourut son principal ennemy (aulcuns estiment que ce fut Goliath): apres il magnifie la justice de Dieu, qui venge les siens en temps et lieu. Pseaulme propre pour un chef de guerre vaincueur.
De tout mon cueur t'exalteray
Seigneur, et si racompteray
Toutes tes oeuvres nonpareilles,
Qui sont dignes de grands merveilles.
En toy je me veulx resjouyr,
D'aultre soulas ne veulx jouyr:
O Treshault, je veulx en cantique
Celebrer ton Nom autentique:
Pource que par ta grand' vertu
Mon ennemy s'enfuyt battu,
Desconfit de corps, et courage,
Au seul regard de ton visage.
Car tu m'a esté si humain,
Que tu as prins ma cause en main,
Et t'es assis, pour mon refuse,
En chaire, comme juste Juge.
Tu as deffaict mes ennemys,
Le meschant en ruyne mys:
Pour tout jamais leur renommée
Tu as estainte, et consumée.
Or çà, ennemy cault, et fin,
As tu mys ton emprinse à fin?
As tu razé noz cités belles?
Leur nom est il mort avec elles?
Non, non: le Dieu, qui est là hault,
En regne, qui jamais ne fault,
Son Throsne a dressé tout propice
Pour faire raison, et justice.
Là jugera il justement
La terre ronde entierement,
Pesant les causes en droicture
De toute humaine creature.
Et Dieu la retraicte sera
Du paovre, qu'on pourchassera,
Voire sa retraicte opportune,
Au plus dur temps de sa fortune.
Dont ceulx, qui ton Nom congnoistront,
Leur asseurance en toy mectront:
Car Seigneur, qui à toy s'addonne,
Ta bonté point ne l'abandonne.
Chantez en exultation
Au Dieu, qui habite en Sion:
Noncez à gens de toutes guises
Ses oeuvres grandes, et exquises.
Car du sang des justes s'enquiert,
Luy en souvient, et le requiert:
Jamais la clameur il n'oublie
De l'affligé, qui le supplie.
Seigneur Dieu, ce disoys je en moy,
Voy par pitié, que j'ay d'esmoy
Par mes ennemys remplys d'ire,
Et du pas de mort me retire:
Affin qu'au milieu de l'enclos
De Sion, j'annonce ton los:
En demenant resjouyssance,
D'estre recoux par ta puissance.
Incontinent les malheureux,
Sont cheutz au piege faict par eulx:
Leur pied mesme s'est venu prendre
Au filé, qu'ilz ont osé tendre.
Ainsi est congneu l'immortel,
D'avoir faict ung jugement tel,
Que l'inique a senty l'oultrage,
Et le mal de son propre ouvrage.
Croyez, que tousjours les meschants
S'en iront à bas tresbuchants,
Et toutes ces gens insensées
Qui n'ont point Dieu en leurs pensées.
Mais l'homme paovre humilié
Ne sera jamais oublié:
Jamais de l'humble estant en peine,
L'esperance ne sera vaine.
Vien Seigneur, monstre ton effort,
Que l'homme ne soit le plus fort:
Ton pouvoir les gens venir face
En jugement devant ta face.
Seigneur Dieu, qui immortel es,
Tressaillir de crainte fay les:
Donne leur à congnoistre, comme
Nully d'entre eulx n'est rien, fors qu'homme.
X
Pseaulme Dixiesme à deux versetz pour couplet à chanter
Domine ut quid recessisti longe.
Argument: Icy les biens vivans se plaignent à Dieu que toutes manieres de meschantz regnent au monde, dont les povres et petits sont oppressez: et y sont descriptes les meschancetez dont envers eulx usent les mal vivans. Pseaulme propre pour le temps qui court.
Dont vient cela, Seigneur, je te supply,
Que loing de nous te tiens, les yeulx couverts?
Te caches tu, pour nous mectre en oubly?
Mesmes au temps, qui est dur, et divers?
Par leur orgueil sont ardants les pervers
A tourmenter l'humble, qui peu se prise:
Fais que sur eulx tombe leur entreprise.
Car le maling se vante, et se faict seur,
Qu'en ses desirs n'aura aulcun deffault:
Ne prisant rien que l'avare amasseur,
Et mesprisant l'Eternel de là hault.
Tant est il fier, que de Dieu ne luy chault:
Mais tout cela, qu'il pense en sa memoyre,
C'est Dieu n'est point, et si ne le veult croyre.
Tout ce qu'il fait tend à mal sans cesser,
De sa pensée est loing ton jugement:
Tant est enflé, qu'il cuyde renverser
Ses ennemys, à souffler seullement.
En son cueur dit: D'esbranler nullement
Garde je n'ay: car je sçay qu'en nul eage
Ne peult tomber sur moy aulcun dommage.
D'ung parler feint, plein de deception,
Le faulx parjure est tousjours embouché:
Dessoubs sa langue avec oppression,
Desir de nuyre est tousjours embusché.
Semble au brigand, qui sur les champs caché,
L'innocent tue en caverne secrette,
Et qui de l'oeil paovres passants aguette.
Aussi l'inique use du tour secret
Du Lyon cault en sa taniere, helas,
Pour attraper l'homme simple, et paovret,
Et l'engloutir, quand l'a prins en ses laqs.
Il faict le doulx, le marmiteux, le las:
Mais soubs cela, par sa force perverse,
Grand' quantité de paovres gens renverse.
Et dit encor, en son cueur vicieux,
Que Dieu ne veult la souvenance avoir
De tout cela: et qu'il couvre ses yeulx,
A celle fin de jamais n'en rien veoir.
Leve toy doncq, Seigneur, pour y pourveoir:
Haulse ta main dessus, je te supplie,
Et ceulx qui sont persecutés n'oublie.
Pourquoy irrite, et contemne en ses faicts
L'homme meschant le Dieu doulx, et humain?
En son cueur dit qu'enqueste tu n'en fais:
Mais tu vois bien son meffaict inhumain,
Et voyant tout prends les causes en main.
Voylà pourquoy s'appuye le debile
Sur toy, qui es le support du pupille.
Brise la force, et le bras plein d'exces
Du malfaicteur inique, et reprouvé:
Fais de ses maulx l'enqueste, et le proces,
Plus n'en sera par toy ung seul trouvé.
Lors à jamais, Roy de touts approuvé,
Regnera Dieu: et de sa terre saincte
Sera la race aux iniques estaincte.
O Seigneur doncq, s'il te plaist tu oyrras
Ton paovre peuple, en ceste aspre saison:
Et bon courage, et espoir luy donras,
Prestant l'oreille à son humble oraison:
Qui est de faire aux plus petits raison,
Droict aux foullés: si que l'homme de terre
Ne vienne plus leur faire peur ne guerre.
XI
Pseaulme Unziesme, à deux coupletz, différents de chant, chascun couplet d'ung verset
In Domino confido.
Argument: Il se complainct de ceulx qui le chassoyent de toute la terre d'Israel. Puis chante sa confiance en Dieu, et le jugement d'icelluy sur les bons, et sur les mauvais. Pseaulme consolatif pour ceulx qui sont en tribulation, et mis hors de grâce de leurs seigneurs.
Veu que du tout en Dieu mon cueur s'appuye,
Je m'esbahy, comment de vostre mont,
Plustost qu'oyseau dictes que je m'enfuye.
Vray est que l'arc les malings tendu m'ont,
Et sur la corde ont assis leurs sagettes,
Pour contre ceulx, qui de cueur justes sont,
Les descocher, jusques en leurs cachettes.
Mais on verra bien tost à neant mise
L'intention de telz malicieux,
Quel' faulte aussi a le juste commise?
Sachez que Dieu a son Palays aux cieulx:
Dessus son Throsne est l'Eternel Monarque:
Là hault assis, il voyt tout de ses yeulx,
Et son regard les humains note, et marque.
Tout il espreuve, et le juste il approuve:
Mais son cueur hayt, qui ayme extorsion,
Et l'homme en qui violence se trouve.
Pleuvoir fera feu de punition
Sur les malings, soulphre chaud, flamme ardente,
Vent fouldroyant: voylà la portion
De leur brevage, et leur paye evidente.
Car il est juste, et pource ayme justice:
Tournant tousjours par doulce affection
Vers l'homme droict son oeil doulx, et propice.
XII
Pseaulme Douziesme à ung verset pour couplet à chanter
Salvum me fac Domine.
Argument: il parle contre les flatteurs de la cour de Saül, qui par flatteries, dissimulations et arrogance, estoient molestes à chascun, et prie Dieu y donner ordre. Pseaulme pour tout peuple vexé de gouverneurs de princes.
Donne secours, Seigneur, il en est heure,
Car d'hommes droictz sommes touts desnués:
Entre les filz des hommes, ne demeure
Ung qui ayt foy, tant sont diminués.
Certes chascun, vanité, menteries,
A son prochain dit ordinairement:
Aux levres n'a l'homme, que flatteries,
Et disant l'ung, son cueur parle aultrement.
Dieu vueille doncq ces levres blandissantes
Tout à travers, pour jamais, inciser:
Pareillement ces langues arrogantes,
Qui bravement ne font que deviser.
Qui mesmement entre eulx ce propos tiennent:
Nous serons grands par noz langues su touts,
A nous, de droict, noz levres appartiennent,
Flattons, mentons: qui est maistre sur nous?
Pour l'affligé, pour les petits, qui crient,
Dit le Seigneur, ores me leveray:
Loing les mectray des langues, qui varient,
Et de leurs laqs chascun d'eulx saulveray.
Certes de Dieu la parolle se treuve
Parolle nette, et trespure est sa voix:
Ce n'est qu'argent affiné à l'espreuve,
Argent au feu espuré par sept foys.
Toy doncq, Seigneur, ta promesse, et tes hommes,
Garde, et maintiens par ta gratuité:
Et de ces gens dont tant molestés sommes,
Delivre nous à perpetuité.
Car les malings à grands trouppes cheminent
Deçà, delà, tout est plein d'inhumains,
Lors que d'iceulx les plus meschants dominent,
Et qu'eslevés sont entre les humains.
XIII
Pseaulme Treiziesme à ung verset pour couplet à chanter
Usquequo Domine oblivisceris.
Argument: Après plusieurs batailles perdues, il se plainct, de ce que Dieu tarde tant à le secourir: puis le prie luy donner la joye de victoire obtenue. Pseaulme pour chefz de guerre infortunez.
Jusques à quand as estably,
Seigneur, de me mectre en oubly?
Est ce à jamais? pour combien d'eage
Destourneras tu ton visage
De moy, las, d'angoisse remply?
Jusques à quand sera mon cueur
Veillant, conseillant, praticqueur,
Et plein de soucy ordinaire?
Jusques à quand mon adversaire
Sera il dessus moy vainqueur?
Regarde moy, mon Dieu puissant,
Responds à mon cueur gemissant,
Et mes yeulx troublés illumine:
Que mortel dormir ne domine
Dessus moy quasi perissant.
Que celluy, qui guerre me faict
Ne dye point, je l'ay deffaict:
Et que touts ceulx, qui tant me troublent,
Le plaisir qu'ilz ont ne redoublent,
Par me veoir tresbucher de faict.
En toy gist tout l'espoir de moy.
Par ton secours fais que l'esmoy
De mon cueur en plaisir se change.
Lors à Dieu chanteray louange:
Car de chanter j'auray de quoy.
XIV
Pseaulme quatorziesme à ung verset pour couplet à chanter
Dixit insipiens in corde suo.
Argument: Il dit que tout est plain d'infideles et ethniques, descript leur entendement corrompu: souhaicte et predict leur ruine et la delivrance du peuple de Dieu, par eulx devoré. Pseaulme contre les ennemis de Dieu et de ceulx qui l'ayment.
Le fol maling en son cueur dict, et croyt,
Que Dieu n'est point: et corrompt, et renverse
Ses meurs, sa vie, horribles faicts exerce:
Pas ung tout seul ne faict rien bon ne droict,
Ny ne vouldroit.
Dieu du hault ciel a regardé icy
Sur les humains, avecques diligence,
S'il en verroit quelcun d'intelligence,
Qui d'invocquer la divine mercy
Fust en soucy.
Mais tout bien veu a trouvé que chascun
A forvoyé, tenant chemins dammables
Ensemble touts sont faicts abominables:
Et n'est celluy, qui face bien aulcun,
Non jusqu'à ung.
N'ont ilz nul sens, touts ces pernicieux,
Qui font tout mal, et jamais ne se changent?
Qui comme pain mon paovre peuple mangent,
Et d'invocquer ne sont point soucieux
Le Dieu des cieulx?
Certainement [tant] esbahys seront,
Que sur le champ ilz trembleront de craincte:
Car l'Eternel, par sa faveur tressaincte,
Tiendra pour ceulx qui droicts se trouveront,
Et l'aymeront.
Ha malheureux, vous vous estudiez
A vous mocquer de l'intention bonne,
Que l'immortel au paovre affligé donne,
Pource qu'ilz sont sur luy touts appuyés,
Et en riez.
O qui, et quand de Syon sortira
Pour Israel secours en sa souffrance?
Quand Dieu mectra son peuple à delivrance,
De joye adoncq Israel jouyra,
Jacob rira.
XV
Pseaulme Quinziesme à ung verset pour couplet à chanter
Domine, quis habitabit.
Argument: Ce Pseulme chante de quelles meurs doivent estre ornez les vrays citoyens des cieulx. Pseaulme propre pour inciter à bien vivre.
Qui est ce qui conversera,
O Seigneur, en ton Tabernacle?
Et qui est celluy qui sera
Si heureux, que par grâce aura
Sur ton sainct Mont seur habitacle?
Ce sera celluy droictement
Qui va rondement en besongne:
Qui ne faict rien que justement,
Et dont la bouche appertement
Verité en son cueur tesmoigne:
Qui par sa langue point ne faict
Rapport, qui loz d'aultruy efface:
Qui à son prochain ne meffaict:
Qui aussi ne souffre de faict,
Qu'opprobre à son voysin on face:
Ce sera l'homme contemnant
Les vicieux: aussi qui prise
Ceulx, qui craignent le Dieu regnant:
Ce sera l'homme bien tenant
(Fust ce à son dam) la foy promise:
Qui à usure n'entendra:
Et qui si bien justice exerce,
Qui le droict d'aultruy ne vendra:
Que le charier ainsi vouldra,
Craindre ne fault, que jamais verse.
XVI
Pseaulme Dixneufviesme à ung verset pour couplet à chanter
Coeli enarrant gloriam Dei.
Argument: Il monstre, par le merveilleux ouvraige des cieulx, combien Dieu est puissant: loue et exalte la loy divine: et en fin prie le seigneur qu'il le preserve de peché, affin de luy estre agreable. Pseaulme pour faire contempler la puissance et bonté de Dieu.
Les cieulx, en chascun lieu;
La puissance de Dieu
Racomptent aux humains:
Ce grand entour espars
Nonce de toutes pars
L'ouvrage de ses mains.
Jour apres jour coulant
Du Seigneur va parlant
Par longue experience:
La nuict, suyvant la nuict,
Nous presche, et nous instruict
De sa grand'sapience.
Et n'y a nation,
Langue, prolation,
Tant soit d'estranges lieux,
Qui n'oyt bien le son,
La maniere, et façon
Du langage des cieulx.
Leur tour par tout s'estend,
Et leur propos s'entend
Jusques au bout du monde:
Dieux en eulx a posé
Palays bien composé
Au Soleil clair, et munde.
Dont il sort ainsi beau
Comme ung espoux nouveau
De son paré pourpris:
Semble ung grand prince à veoir,
S'esgayant pout avoir
D'une course le pris.
D'ung bout des cieulx il part,
Et attaint l'aultre part
En ung jour, tant est viste:
Oultre plus, n'y a rien
En ce val terrien
Qui sa chaleur evite.
La tresentiere Loy
De Dieu souverain Roy,
Vient l'âme restaurant:
Son tesmoignage seur,
Sapience en doulceur
Monstre à l'humble ignorant.
D'icelluy Roy des Roys
Les mandements sont droicts,
Et joye au cueur assignent:
Les Commandements sainctz
De Dieu sont purs, et sains,
Et les yeulx illuminent.
L'obeissance à luy
Est ung tressainct appuy
A perpetuité:
Dieu ne faict jugement,
Qui veritablement
Ne soit plein d'equité.
Ces choses sont encor
Plus desirables qu'or,
Fust ce fin or de touche:
Et en ung cueur sans fiel,
Sont plus doulces que miel,
Ne pain de miel en bouche.
Qui servir te vouldra,
Par ces poinctz apprendra
A ne se forvoyer:
Et en les observant,
En aura le servant
Grand, et riche loyer.
Mais où se trouvera
Qui ses faultes sçaura
Nombrer, penser, ne dire?
Las de tant de pechés,
Qui me sont touts cachés,
Purge moy, trescher Sire:
Aussi des grands forfaictz
Temerairement faictz,
Soit ton serf relasché,
Qu'ilz ne regnent en moy:
Si seray hors d'esmoy,
Et net de grand peché.
Ma bouche prononcer,
Ne mon cueur rien penser
Ne puisse, qui ne plaise
A toy, mon deffendeur,
Saulveur, et amendeur
De ma vie maulvaise.
XVII
Deus meus respice in me, quare dereliq.
Argument: Prophetie de Jesuchrist, en laquelle David chante d'entrée sa basse et honteuse dejection: puis l'exaltation et l'estendue de son royaulme jusques aux fins de la terre, et la perpetuelle durée d'icelluy. Pseaulme propre pour chanter à la passion du redempteur.
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu laissé,
Loing de secours, d'ennuy tant oppressé,
Et long du cry, que je t'ay addressé
En ma complaincte?
De jour, mon Dieu, je t'invocque sans faincte,
Et toutesfoys ne respond ta voix saincte:
De nuict aussi, et n'ay, de quoy estaincte
Soit ma clameur.
Helas, tu es le Sainct, et la tremeur,
Et d'Israel le resident bonheur,
Là où t'a pleu que ton los, et honneur
On chante, et prise.
Noz Peres ont leur fiance en toy mise,
Leur confiance ilz ont sur toy assise:
Et tu les as de captifz, en franchise
Tousjours boutés.
A toy criants, d'ennuy furent ostés,
Esperé ont en tes sainctes bontés,
Et ont receu, sans estre reboutés,
Ta grâce prompte.
Mais moy, je suis ung verm, qui rien ne monte,
Et non plus homme, ains des hommes la honte:
Et plus ne sers que de fable, et de compte
Au peuple bas.
Chascun qui voit comme ainsi tu m'abas,
De moy se mocque, et y prend ses esbas:
Me font la mouë: et puis hault, et puis bas,
Hochent la teste.
Puis vont disant: Il s'appuye, et s'arreste
Du tout sur Dieu, et luy faict sa requeste:
Donc qu'il le saulve, et que secours luy preste,
S'il l'ayme tant.
Si m'as tu mys hors du ventre pourtant:
Causes d'espoir tu me fus apportant:
Des que j'estoys les mammelles tetant
De ma nourrice.
Et qui plus est, sortant de la matrice,
Me recueillit ta saincte Main tutrice,
Et te monstras estre mon Dieu propice
Des que fus né.
Ne te tien donc de moy si destourné:
Car le peril m'a de pres adjourné:
Et n'est aulcun par qui me soit donné
Secours ne grâce.
Maint gros Taureau m'environne, et menace:
Les gros Taureaux de Basan terre grasse,
Pour m'assieger m'ont suivy à la trace
En me pressant:
Et tout ainsi qu'ung Lyon ravissant,
Apres la proye en fureur rugissant,
Ilz ont ouvert dessus moy languissant
Leur gueule gloute.
Las, ma vertu comme eau' s'escoule toute,
N'ay os qui n'ayt la joincture dissoulte:
Et comme cire en moy fond goutte à goutte
Mon cueur fasché.
D'humeur je suis comme tuylle asseiché:
Mon palais est à ma langue attaché:
Tu m'as faict prest d'estre au tumbeau couché,
Reduict en cendre.
Car circuy m'ont les chiens pour me prendre:
La faulse trouppe est venue m'offendre,
Venue elle est me transpercer, et fendre
Mes piedz, et mains.
Compter je puis mes os du plus au moins:
Ce que voyants les cruelz inhumains,
Touts resjouys me jectent regards maints,
Avec risée.
Jà ma despouille entre eulx ont divisée:
Entre eulx desjà ma robbe deposée
Ilz ont au sort hazardeux exposée,
A qui l'aura.
Seigneur, ta main donc ne s'eslongnera:
Ains par pitié secours me donnera:
Et s'il te plaist, elle se hastera,
Mon Dieu, ma force:
Saulve de glaive, et de mortelle estorce,
Mon âme, helas, que de perdre on s'efforce:
Delivre la, que du Chien ne soit morse,
Chien enragé.
Du Leonin gosier encouragé
Delivre moy: responds à l'affligé,
Qui est par grands Licornes assiegé
Des cornes d'elles.
Si compteray à mes freres fideles
Ton Nom treshault: tes vertus immortelles
Diray parmy les assemblées belles,
Parlant ainsi:
Vous craignants Dieu, confessez le sans si:
Filz de Jacob, exaltez sa Mercy:
Crains le tousjours toy d'Israel aussi,
La race entiere:
Car rebouté n'a l'humble en sa priere,
Ne destourné de luy sa Face arriere:
S'il a crié, sa bonté singuliere
L'axaulcé.
Ainsi ton los par moy sera haulsé
En grande trouppe: et mon voeu jà dressé
Rendray, devant le bon peuple amassé,
Qui te craint, Sire.
Là mangeront les paovres à suffire,
Beneira Dieu, qui Dieu craint, et desire,
O vous ceulx là, sans fin (je le puis dire)
Voz cueurs vivront.
Cela pensant, touts se convertiront
Les boutz du monde, et à Dieu serviront:
Brief, toutes gens leurs genoulx fleschiront
En ta presence.
Car ilz sçauront qu'à la divine essence
Seulle appartient Regne, et magnificence:
Dont sur les gens seras par excellence
Roy conquerant.
Gras, et repeuz te viendront adorant:
Voire le maigre à la fossé courant,
Et dont la vie est hors de restaurant,
Te donna gloire.
Puis leurs enfants à te servir, et croire
S'enclineront: et en tout territoyre
De filz en filz il sera faict memoyre
Du Toutpuissant.
Tousjours viendra quelcun d'entre eulx yssant,
Lequel au peuple à l'advenir naissant,
Ira par tout ta bonté annonçant
Sur moy notoyre.
XVIII
Pseaulme Vingtquatriesme à deux versetz pour couplet à chanter
Domini est terra, et plenitudo.
Argument: David feit ce Pseaulme pour dire quand on ameneroit l'arche où habitoit la divinité, dedans le temple que Salomon devoit faire. Et est ledict Pseaulme propre pour chanter à la consecration d'ung nouveau temple.
La terre au Seigneur appartient,
Tout ce qu'en sa rondeur contient,
Et ceulx qui habitent en elle.
Sur mer fondement luy donna,
L'enrichit, et l'environna
De maint riviere tresbelle.
Mais sa Montaigne est ung sainct lieu:
Qui viendra doncq au Mont de Dieu?
Qui est ce, qui là tiendra place?
L'homme de mains, et cueur lavé,
En vanités non eslevé,
Et qui n'a juré en fallace.
L'homme tel, Dieu le beneira:
Dieu son saulveur le munira
De misericorde, et clemence.
Telle est la generation
Cherchant, cherchant d'affection
Du Dieu de Jacob la presence.
Haulsez voz testes grands portaulx,
Huys eternelz, tenez vous haultz,
Si entrera le Roy de gloire.
Qui est ce Roy tant glorieux?
C'est le fort Dieu victorieux,
Le plus fort qu'en guerre on peult croire.
Haulsez voz testes grands portaulx,
Huys eternelz tenez vous haultz,
Si entrera le Roy de gloire.
Qui est ce Roy tant glorieux?
Le Dieu d'armes victorieux,
C'est luy, qui est le Roy de gloire.
XIX
Pseaulme Trentedeuxiesme à ung verset pour couplet à chanter
Beati quorum remissae sunt iniquit.
Argument: David puny par maladie, pour son peché, chante que heureux sont ceulx qui par leur couple ne tumbent point en l'inconvenient où il est: confesse son peché: Dieu luy pardonne: enhorte les mauvais à bien vivre et lesbons à se resjouyr. Pseaulme pour quiconques pense le mal qu'il ha, venir de son peché.
O bien heureux celluy dont les commises
Transgressions, sont par grâce remises:
Duquel aussi les iniques pechés
Devant son Dieu sont couverts, et cachés.
O combien plein de bonheur je repute
L'homme, à qui Dieu son peché point n'impute:
Et en l'Esprit duquel n'habite point
D'hypocrisie, et de fraude ung seul poinct.
Durant mon mal, soit que vinse à me taire,
Las de crier: soit que me prinse à braire,
Et à gemir tout le jour sans cesser,
Mes os n'ont faict que fondre, et s'abaisser.
Car jour et nuict ta main dure ay sentie,
Par mon peché, sur moy appesantie:
Si que l'humeur de moy ainsit traicté,
Sembloit du tout seicheresse d'esté.
Mais mo peché je t'ay declairé, Sire,
Caché ne l'ay: et n'ay sceu si tost dire,
Il fault à Dieu confesser mon meffaict,
Que ta bonté vray pardon ne m'ait faict.
Pour ceste cause, à heure propre, et bonne,
Te requerra toute saincte personne:
Et quand de maulx ung deluge courroit,
D'icelle adonc approcher ne pourroit.
C'est toy qui es mon Fort, et ma retraicte:
C'est toy qui fais qu'ennuy mal ne me traicte:
C'est toy pa qui à touts coups m'est livré
De quoy chanter, par me veoir delivré.
Vien çà chascun, je te veulx faire entendre,
Et te monstrer la voye, où tu doibs tendre,
En ayant l'oeil droit dessus toy planté,
Pour t'addresser, comme experimenté.
Ne sois semblable au cheval, et la mule,
Qui n'ont en eulx intelligence nulle:
Pour les garder de mordre, tu refreins
Leurs dentz, et gueule, avecques mors, et freins.
L'homme endurcy sera dompté de mesmes,
Par maulx sans nombre, et par douleurs extresmes.
Mais qui en Dieu mectra tout son appuy,
Par grand' doulceur sera traité de luy.
Or ayez donc de plaisir jouyssance:
Et touts en Dieu prenez resjouyssance
Justes humains: menez joye orendroict
Chascun de vous, qui avez le cueur droict.
XX
Pseaulme Trenteseptiesme à deux versetz pour couplet à chanter
Noli aemulari in malignantibus.
Argument: Affin que les bons se s'esbahissent de veoir prosperer les mauvais, David chante que toutes choses viendront à souhaict à ceulx qui ayment et craignent Dieu. Et que ceulx qui n'en font compte (combien qu'ilz semblent florir pour quelque temps) seront en fin deracinez. Pseaulme pour consoler les pauvres bien vivantz.
Ne sois fasché si durant ceste vie
Souvent tu voys prosperer les meschants,
Et des malings aux biens ne porte envie:
Car en ruine à la fin tresbuschants,
Seront fauschés comme foin, en peu d'heure,
Et seicheront comme l'herbe des champs.
En Dieu te fie, à bien faire labeure:
La terre auras pour habitation,
Et jouyras de rente vraye, et seure.
En Dieu sera ta delectation:
Et des souhaitz, que ton cueur vouldra faire,
Te donnera pleine fruition.
Remects en Dieu et toy, et ton affaire,
En luy te fie: et il accomplira
Ce que tu veulx accomplir, et parfaire.
Ta preud'hommie en veue il produira,
Comme le jour, si que ta vie bonne,
Comme ung midy par tout resplendira.
Laisse Dieu faire, attends le, et ne te donne
Soucy aulcun, regret, ne desplaisir
Du prosperant, qui à fraude s'addonne.
Si dueil en as, vueilles t'en dessaisir:
Et de te joindre à eulx n'aye courage,
Pour faire mal, et suyvre leur desir:
Car il cherra sur les malins orage.
Mais ceulx qui Dieu attendront constamment,
Possederont la terre en heritage.
Le faulx fauldra si tost, et tellement,
Que quand sa place yras chercher, et querre,
N'y trouveras la trace seullement.
Mais les benings heriteront la terre,
Et y auront, sans moleste d'aultruy,
Tout le plaisir que l'homme sçauroit querre.
Il est certain que tout mal, et ennuy,
L'homme pervers au bien vivant machine,
Et par fureur grince les dents sur luy:
Mais ce pendant la majesté divine
Ryt du meschant: car de ses yeulx ouverts
Voyt bien venir le jour de sa ruine.
Tirer leur glaive on verra les pervers,
Et bander l'arc, pour l'humble, et paovre battre,
Et [touts] les bons ruer morts à l'envers:
Mais leur cousteau sera pour les combattre,
Et percera leur cueur, tant soit il cault,
Verront leur arc aussi rompre, et abbattre.
Certes le peu de l'homme juste, vault
Mille foys mieulx, que la riche abondance
D'ung mal vivant, tant soit eslevé hault.
Car du meschant le bras, et la puissance
Seront rompuz: mais le Dieu supernel
Sera des bons tousjours la soustenance.
Il voyt, et sçait par ung soing paternel,
Les jours de ceulx qui ont vie innocente:
Et d'iceulx est l'heritage eternel.
Point ne seront frustrés de leur attente
Au maulvais temps: et si seront saoulés
Aux plus longs jours de famine dolente.
Mais les malings periront desolés:
Et n'aymants Dieu, s'en yront en fumée,
Ou deviendront comme gresse escoulés.
Leur main sera d'emprunter affamée,
Sans pouvroi rendre: et les justes auront
Dequoy monstrer charité enflammée:
Car les beneits de Dieu possederont
Finablement terre pleine de gresse:
Et les mauldicts en paovreté cherront.
Dieu touts les pas du vertueux addresse,
Et au chemin qu'il veult suyvre, et tenir,
Donne faveur, et l'unist, et le dresse.
Si de tomber ne se peult contenir,
D'estre froissé ne luy fault avoir craincte:
Car Dieu viendra la main luy soustenir.
J'ay esté jeune, et vieillesse ay attaincte,
Et n'ay point veu le juste abandonner,
Ne ses enfants mendier par contraincte:
Ains chascun jour ne faire que donner,
Prester, nourrir: et si voyt on sa race
Accroistre en heur, et en biens foisonner.
Fuy doncq le mal, suy le bien à la trace:
Et de durer à perpetuité
Le Seigneur Dieu te donnera la grâce.
Car il ne perd (tant il ayme equité)
Nul de ses bons, ilz ont garde eternelle:
Mais il destruict les filz d'iniquité.
Les biens vivants en joye solennelle
Possederont la terre, qui produyt,
Et à jamais habiteront en elle.
Du bien vivant la bouche rien n'istruict
Que sapience: et sa langue n'expose
Rien, qui ne soit tres juste, et plein de fruict:
Car en son cueur la Loy de Dieu repose.
Parquoy son pied ne sera point glissant,
Quelcque chemin que tirer il propose.
Il est bien vray, que l'inique puissant
Le juste espie: et pour à mort le mectre
Par tout le quiert comme ung loup ravissant.
Mais en sa main Dieu ne vouldra permectre
Qu'il soit submys, ne le veoir condamner,
Quand à justice il se viendra submectre.
Dieu doncq attends, vueille en luy cheminer:
Hault te mectra sur la terre seconde,
Et les malings verras exterminer.
J'ay veu l'inique enflé, et craint au monde,
Qui s'estendant grand, et hault verdissoit,
Comme ung laurier, qui en rameaulx abonde
Puis repassant par où il fleurissoit,
N'y estoit plus, et le cherchay à force:
Mais ne le sceu trouver en lieu qui soit.
Garde de nuyre, à veoir le droict t'efforce:
Car l'homme tel en fin, pour son loyer
Aura repos, loing d'ennuy, et divorce.
Mais touts fauldront les prompts à forvoyer:
Et des nuysants tout le dernier salaire,
Sera que Dieu les viendra fouldroyer.
Que diray plus? Dieu est le salutaire
Des bien vivants: c'est celluy qui sera
Tousjours leur force au temps dur, et contraire.
Les secourant, il les delivrera:
Les delivrant, garde il en vouldra faire,
Pource qu'en luy chascun d'eulx espoir a.
XXI
Pseaulme Trentehuictiesme à ung verset pour couplet à chanter
Domine, ne in furore tuo arguas me.
Argument: David ayant la peste, ou quelque aultre hulcere en la cuisse, se plainct fort à Dieu de la vehemence de son mal, du deffault de ses amys, de la cruaulté de ses ennemys, et implore l'ayde de Dieu. Pseaulme propre pour tous pauvres hulcerez.
Las, en ta fureur aigue
Ne m'argue
De mon faict, Dieu tout puissant:
Ton ardeur ung peu retire,
N'en ton ire
Ne me punys languissant.
Car tes flesches descochées
Sont fischées
Bien fort en moy sans mentir:
Et as voulu (dont j'endure)
Ta main dure
Dessus moy appesantir.
Je n'ay sur moy chair ne veine
Qui soit saine,
Par l'ire en quoy je t'ay mys:
Mes os n'ont de repos ferme
Jour ne terme,
Par les maulx que j'ay commys.
Car les peines de mes faultes
Sont si haultes
Qu'elles surmontent mon chef:
Ce m'est ung faix importable
Qui m'accable,
Tant croist sur moy ce meschef.
Mes cicatrices puantes
Sont fluantes
De sang de corruption:
Las, par ma folle sottie
M'est sortie
Toute ceste infection.
Tant me faict mon mal la guerre,
Que vers terre
Suis courbé totallement:
Avec triste, et noyre mine
Je chemine
Tout en pleurs journellement.
Car mes cuisses, et mes aines
Sont jà pleines
Du mal dont suis tourmenté:
Tellement qu'en ma chair toute
N'y a goutte
D'apparence de santé.
Je, qui souloys estre habile,
Suis debile,
Cassé de corps, pieds, et mains:
Si que de la douleur forte
Qu'au cueur porte,
Je jecte cris inhumains.
Or tout ce que je desire,
Trescher Sire,
Tu le voys clair, et ouvert:
Le souspir de ma pensée
Transpercée
Ne t'est caché ne couvert.
Le cueur me bat à oultrance:
Ma puissance
M'a delaissé tout perclus:
Et de mes yeulx la lumiere
Coustumiere,
Voyre mes yeulx, je n'ay plus.
Les plus grands amys que j'aye,
De ma playe
Sont vis à vis, sans grand soing:
Et (hors mys toutes reproches)
Mes plus proches
La regardent de bien loing.
Ceulx, qui à ma mort s'attendent,
Leurs laqs tendent:
D'aultres voulants me grever,
Mille maulx de moy recensent,
Et ne pensent
Que fraudes pour m'achever.
Et je, comme n'oyant goutte,
Les escoute.
Leur cueur ont beau descouvrir:
Je suis là, comme une souche,
Sans ma bouche
Non plus qu'ung muet ouvrir.
Je suis devenu, en somme,
Comme ung homme
Du tout sourd, et qui n'oyt point,
Et qui n'a, quand on le picque
De replicque
Dedans sa bouche ung seul poinct.
Mais avecques esperance,
L'asseurance
De ton bon secours j'attends,
Et ainsi mon Dieu, mon pere,
Que j'espere,
Tu me repondras à temps.
Je le dy, et si t'en prie
Qu'on ne rie
De mon malheureux esmoy:
Car des qu'ung peu mon pied glisse,
Leur malice
S'esjouyt du mal de moy.
Vien doncq, car je suis en voye
Qu'on me voye
Clocher trop honteusement:
Pource que la grand' destresse
Qui m'oppresse
Me poursuyt incessamment.
Las apart moy, avec honte,
Je racompte
Mon trop inique forfaict,
Je resve, je me tourmente,
Je lamente
Pour le peché que j'ay faict.
Et tandis mes adversaires,
Et contraires,
Sont vifs, et fortifiés:
Ceulx, qui m'ont sans cause aulcune
En rancune,
Sont creuz, et multipliés.
Touts encontre moy se bandent,
Et me rendent
Pour le bien, l'iniquité:
Et de leur hayne la source,
Ce fut pource
Que je suivoye equié.
Seigneur Dieu ne m'abandonne,
Moy personne
Deschassé d'ung chascun.
Loing de moy la grâce tienne
Ne se tienne,
D'ailleurs n'ay espoir aulcun.
Vien, et approche toy doncques,
Vien, si oncques
De tes enfants te chalut:
De me secourir te haste:
Je me gaste,
Seigneur Dieu de mon salut.
XXII
Miserere mei Deus, secundum magnam misericordiam tuam.
Argument: Apres la mort de Urie, David congnoissant son peché, demande pardon à Dieu, et qu'il luy envoie son esperit, pour le garder de plus pescher: s'offre à instruire les autres, et prie pour Hierusalem, qui est la vraye eglise. Pseaulme propre pour quiconques se sent griefvement avoir offensé Dieu.
Misericorde au paovre vicieux,
Dieu tout puissant, selon ta grand' clemence.
Use à ce coup de ta bonté immense,
Pour effacer mon faict pernicieux.
Lave moy, Sire, et relave bien fort,
De ma commise iniquité maulvaise:
Et du peché, qui m'a rendu si ord,
Me nettoyer d'eaue de grâce te plaise.
Car de regret mon cueur vyt en esmoy,
Congnoissant, las, ma grand' faulte presente:
Et qui pis est, mon peché se presente
Incessamment noyr, et laid devant moy.
En ta presence à toy seul j'ay forfaict:
Si qu'en donnant arrest pour me deffaire,
Jugé seras avoir justement faict,
Et vaincras ceulx qui diront du contraire.
Helas je sçay, et si l'ay tousjours sceu,
Qu'iniquité print avec moy naissance:
J'ay d'aultre part certaine congnoissance
Qu'avec peché ma mere m'a conceu.
Je sçay aussi que tu aymes de faict
Vraye equité dedans la conscience:
Ce que n'ay heu, moy à qui tu a faict
Veoir les secretz de ta grand' Sapience.
D'ysoppe doncq par toy purgé seray:
Lors me verray plus net que chose nulle.
Tu laveras ma trop noyre macule:
Lors en blancheur la neige passeray.
Tu me feras joye, et liesse ouyr,
Me revelant ma grâce enterinée:
Lors sentiray croistre, et se resjouyr
Mes os, ma force, et vertu declinée.
Tu as heu l'oeil assez sur mes forfaictz:
Destourne d'eulx ta courroucée Face:
Et te supply non seullement efface
Ce mien peché, mais touts ceulx que j'ay faictz.
O Createur, te plaise en moy créer
Ung cueur tout pur, une vie nouvelle
Et pour encor te pouvoir aggréer,
Le vray Esprit dedans moy renouvelle.
De ton regard je ne soys reculé:
Et te supply, pour finir mon martyre,
Ton sainct Esprit de mon cueur ne retire,
Quand tu l'auras en moy renouvellé.
Redonne moy la liesse, que prit
En ton salut mon cueur jadis infirme:
Et ne m'ostant ce libre, et franc Esprit,
En icelluy pour jamais me confirme.
Lors seullement ne suivray tes sentiers,
Mais les feray aux iniques apprendre:
Si que pecheurs à toy se viendront rendre,
Et se vouldront convertir vouluntiers.
O Dieu, ô Dieu de ma salvation,
Delivre moy de ce mien sanglant vice:
Et lors ma bouche en exultation
Chantera hault ta bonté, et justice.
Ha Seigneur Dieu, ouvre mes levres doncq,
Rien bon n'en sort, quand moymesme les ouvre:
Mais si ta main pour les ouvrir y ouvre,
J'annonceray tes louanges adoncq.
Si tu vouloys sacrifice mortel,
De Boucz, et Boeufz, et compte tu en feisses,
Je l'eusse offert: mais en Temple n'Autel,
Ne te sont point plaisants telz sacrifices.
Le sacrifice aggreable, et bien pris
De l'Eternel, c'est une âme dolente,
Ung cueur submys, une âme penitente,
Ceulx là, Seigneur, ne te sont à mespris.
Traicte Sion en ta benignité,
O Seigneur Dieu: et par tout fortifie
Jerusalem ta treshumble cité,
Ses murs aussi en brief temps edifie.
Adoncq auras de cueurs bien disposés
Oblations telles que tu demandes:
Adoncq les Boeufz, ainsi que tu commandes,
Sur ton Autel seront mys, et posés.
XXIII
Benedic anima mea Domino, et omnia.
Argument: Il chante les grandes et diverses bontez de Dieu envers les hommes, puis invite, et eulx, et toutes choses créées à luy donner louenges, et gloire. Pseaulme qui enseigne à congnoistre Dieu et soy mesmes.
Sus louez Dieu mon âme en toute chose,
Et tout cela, qui dedans moy repose,
Louez son Nom tressainct, et accomply:
Presente à Dieu louanges, et services,
O toy mon âme: et tant de benefices
Qu'en as receu ne les metz en oubly:
Ains le beneis, luy qui de pleine grâce
Toutes tes grands iniquités efface,
Et te guerit de toute infirmité.
Luy, qui rachepte, et retire ta vie
D'entre les dentz de mort pleine d'envie,
T'environnant de sa benignité:
Luy, qui de biens, à souhait, et largesse,
Emplit ta bouche en faisant ta jeunesse
Renouveller, comme à l'Aigle royal.
C'est le Seigneur, qui tousjours se recorde
Rendre le droict, par sa misericorde,
Aux oppressés, tant est Juge loyal.
A Moyses, de peur qu'on ne forvoye,
Manifester voulut sa droicte voye,
Et aux Enfantz d'Israel ses haultz faictz.
C'est le Seigneur enclin à pitié doulce,
Prompt à mercy, et qui tard se courrouce:
C'est en bonté le parfaict des parfaictz.
Il est bien vray, quand par nostre inconstance
Nous l'offensons, qu'il nous menace, et tance:
Mais point ne tient son cueur incessamment,
Selon noz maulx point ne nous faict: mais certes
Il est si doulx, que selon noz dessertes
Ne nous veult pas rendre le chastiment.
Car à chacun, qui craint luy faire faulte,
La bonté sienne il demonstre aussi haulte
Comme sont haultz sur la terre les cieulx:
Aussi loing qu'est la part Orientalle
De l'Occident, à la distance esgalle
Loing de nous met touts nos faictz vicieux.
Comme aux Enfants est piteux ung bon pere,
Ainsi (pour vray)à qui luy obtempere,
Le Seigneur est de doulce affection:
Car il congnoist dequoy sont faictz les hommes,
Il sçayt tresbien, helas, que nous ne sommes
Rien, sinon pouldre, et putrefaction.
A herbe, et foin semblent les jours de l'homme:
Par quelcque temps il fleurit, ainsi comme
La fleur des champs, qui nutriment reçoit.
Puis en sentant d'ung froid vent la venue,
Tourne à neant, tant que plus n'est congneue
Du lieu auquel n'agueres fleurissoit.
Mais la mercy de Dieu est eternelle
A qui le craint: et trouveront en elle
Les filz des filz justice, et grand' bonté:
J'entends ceulx là qui son contract observent,
Et qui sa Loy en memoyre reservent,
Pour accomplir sa saincte voulunté.
Dieu a basty (sans qui bransle, n'empire)
Son Throsne aux cieulx: et dessoubs son Empire
Touts aultres sont et submys, et ployés.
Or louez Dieu Anges de vertu grande,
Anges de luy, qui tout ce qu'il commande
Faictes si tost que parler vous l'oyez.
Beneissez Dieu tout son bel exercite,
Ministres siens, qui de son vueil licite
Executer ne fustes oncq oyseux.
Touts ses haultz faictz en chascun sien Royaulme
Beneissez Dieu: et pour clorre mon Pseaulme,
Louez le aussi mon âme avecques eulx.
XXIV
Benedic anima mea Domino, Domine Deus.
Argument: C'est ung cantique beau par excellence, auquel David celebre et glorifie Dieu de la creation, et gratieux gouvernement de toutes choses. Pseaulme pour congnoistre amplement la puissance de Dieu.
Sus, sus, mon âme, il te fault dire bien
De l'Eternel. O mon vray Dieu, combien
Ta grandeur est excellente, et notoyre!
Tu es vestu de splendeur, et de gloire:
Tu es vestu de splendeur proprement,
Ne plus ne moins que d'ung accoustrement:
Pour pavillon, qui d'ung tel Roy soit digne,
Tu tendz le ciel, ainsi qu'une courtine.
Lambrissé d'eaux est ton palais vousté,
En lieu de char sur la nue es porté:
Et les fortz ventz, qui parmy l'air souspirent,
Ton chariot, avec leurs aesles, tirent.
Des ventz aussi diligents, et legers
Fays tes heraults, postes, et messagers:
Et fouldre, et feu, fort promptz à ton service,
Sont les sergents de ta haulte justice.
Tu a assis la terre rondement
Par contrepoys, sur son vray fondement:
Si qu'à jamais sera ferme en son estre,
Sans se mouvoir n'a dextre n'a senestre.
Au paravant, de profonde, et grand'eau
Couverte estoit, ainsi que d'ung manteau:
Et les grands eaux faisoyent toutes à l'heure
Dessus les montz leur arrest, et demeure:
Mais aussi tost que les vouluz tencer,
Bien tost les feis de partir s'advancer:
Et à ta voix, qu'on oyt tonner en terre,
Toutes de peur s'enfuyrent grand' erre.
Montaignes lors vindrent à se dresser:
Pareillement les vaulx à s'abaisser,
En se rendant droict à la propre place
Que tu leur as estably de ta grâce.
Ainsi la mer bornas, par tel compas
Que son limite elle ne pourra pas
Oultrepasser: et feis ce beau chef d'oeuvre,
Affin que plus la terre elle ne coeuvre.
Tu feis descendre aux vallées les eaux:
Sortir y feis fontaines, et ruysseaux;
Qui vont coulant, et passent, et murmurent
Entre les montz, qui les plaines emmurent.
Et c'est affin que les bestes des champs
Puissent leur soif estre là estanchants,
Beuvants à gré toutes de ces breuvaiges,
Toutes, je dy, jusqu'aux Asnes saulvaiges.
Dessus, et pres de ces ruysseaux courants,
Les oyselletz du ciel sont demourants,
Qui du milieu des fueilles, et des branches,
Font resonner leurs voix nettes, et franches.
De tes haultz lieux, par art aultre qu'humain,
Les montz pierreux arrouses de ta main:
Si que la terre est toute saoule, et pleine
Du fruict venant de ton labeur sans peine.
Car ce faisant, tu fays par montz, et vaulx
Germer le foin, pour Jumentz, et Chevaulx.
L'herbe, à servir l'humaine creature,
Luy produisant de la terre pasture:
Le vin, pour estre au cueur joye, et confort,
Le pain aussi, pour l'homme rendre fort:
Semblablement l'huile, affin qu'il en face
Plus reluysante, et joyeuse sa face.
Tes arbres vertz prennent accroissement,
O Seigneur Dieu, les Cedres mesmement
Du mont Liban, que ta bonté supresme,
Sans artifice, a plantés elle mesme.
Là font leurs nidz (car il te plaist ainsi)
Les passereaux, et les passes aussi:
De l'aultre part, sur haultz sapins besongne,
Et y bastit sa maison la Cygoigne.
Par ta bonté les montz droictz, et haultains,
Sont le refuge aux Chevres, et aux Dains:
Et aux Connilz, et Lievres, qui vont viste,
Les rochers creux sont ordonnés pour giste.
Que diray plus? la claire Lune feis,
Pour nous marquer les moys, et jours prefix:
Et le Soleil, des qu'il leve, et esclaire,
De son coucher a congnoissance claire.
Apres en l'air les tenebres espars:
Et lors se faict la nuict de toutes pars,
Durant laquelle, aux champs sort toute beste
Hors des forestz, pour se jecter en queste.
Les Lyonceaulx mesmes lors sont yssants
Hors de leurs creux, bruyants, et rugissants
Apres la proye, affin d'avoir pasture
De toy, Seigneur, qui sçays leur nourriture:
Puis aussi tost que le Soleil faict jour,
A grands trouppeaulx revont en leur sejour:
Là où touts coys se veaultrent, et reposent,
Et en partir tout le long du jour n'osent.
Adoncques sort l'homme sans nul danger,
S'en va tout droict à son oeuvre renger,
Et au labeur, soit de champ, soit de prée,
Soit de jardin, jusques à la vesprée.
O Seigneur Dieu, que tes oeuvres divers
Sont merveilleux, par le monde univers!
O que tu as tout faict par grand' sagesse!
Brief, la terre est plein de ta largesse.
Quant à la grande, et spacieuse mer,
On ne sçauroit ne nombrer, ne nommer
Les animaulx, qui vont nageant illecques,
Moyens, petits, et de bien grands avecques.
En ceste mer, navires vont errant:
Puis la Balaine, horrible monstre, et grand,
Y as formé, qui bien à l'aise y noue,
Et à son gré par les undes se joue.
Touts animaulx à toy vont à recours,
Les yeulx au ciel: affin que le secours
De ta bonté à repaistre leur donne,
Quand le besoing, et le temps s'y addonne.
Incontinent que tu leur fays ce bien
De le donner, ilz le prennent tresbien:
Ta large main n'est pas plustost ouverte
Que de touts biens planté leur est offerte.
Des que ta Face, et tes yeulx sont tournés
Arriere d'eulx, ilz sont touts estonnés.
Si leur Esprit tu retires, ilz meurent,
Et en leur pouldre ilz revont, et demeurent.
Si ton esprit derechef tu transmetz,
En telle vie adoncques les remetz,
Que paravant: et de bestes nouvelles,
En ung moment, la terre renouvelles.
Or soit tousjours regnant, et fleurissant
La Majesté du Seigneur toutpuissant:
Plaise au Seigneur prendre resjouyssance
Aux oeuvres faictz par sa haulte puissance.
Le Seigneur dy, qui faict horriblement
Terre trembler, d'ung regard seullement:
Voire qui faict (tant peu les sache attaindre)
Les plus haultz montz d'ahan suer, et craindre.
Quant est à moy, tant que vivant seray,
Au Seigneur Dieu chanter ne cesseray:
A mon vray Dieu plein de magnificence
Psalmes feray, tant que j'auray essence.
Si le supply; qu'en propos, et en son,
Luy soit plaisante, et doulce ma chanson:
S'ainsi advient, retirez vous tristesse,
Car en Dieu seul m'esjouiray sans cesse.
De terre soyent infideles exclus,
Et les pervers, si bien qu'il n'en soit plus.
Sus, sus, mon cueur, Dieu où tout bien abonde
Te fault louer, louez le tout monde.
XXV
Laudate pueri, Dominum.
Argument: Il invite à louer Dieu, de ce qu'il regarde, gouverne et mue toutes choses selon sa prudence, tousjours eslevant les humbles, et restablissant les miserables. Pseaulme pour consoler les povres et les femmes steriles.
Enfants, qui le Seigneur servez,
Louez le, et son Nom eslevez,
Louez son Nom, et sa haultesse:
Soit presché, soit faict solennel
Le Nom du Seigneur eternel,
Par tout, en ce temps, et sans cesse.
D'Orient jusqu'en Occident
Doibt estre le loz evident
Du Seigneur, et sa renommée:
Sur toutes gens le Dieu des Dieux
Est exalté, et sur les cieulx
S'esleve sa gloyre estimée.
Qui est pareil à nostre Dieu,
Lequel faict sa demeure au lieu
Le plus hault, que l'on sçauroit querre?
Et puis en bas veult devaller,
Pour toutes choses speculer,
Qui se font au ciel, et en terre?
Le paovre sur terre gisant
Il esleve en l'authorisant,
Et le tire hors de la boue,
Pour le colloquer aux honneurs
Des seigneurs, j'entends des seigneurs
Du peuple, que sien il advoue.
C'est luy qui remplit à foison
De tres beaulx enfants la maison
De la femme, qui est sterile:
Et luy faict joye recevoir,
Quand d'impuissante à concepvoir,
Se voyt d'enfants mere fertile.
XXVI
In exitu Israel de Aegypto.
Argument: De la delivrance d'Israel hors d'Egypte, et succinctement, des principaulx miracles, que Dieu feit pour cela.
Quand Israel hors d'Egypte sortit,
Et la maison de Jacob se partit
D'entre le peuple estrange:
Juda fut faict la grand' gloyre de Dieu,
Et Dieu se feit Prince du peuple Hebrieu,
Prince de grand' louange.
La mer le veit, qui s'enfuyt soubdain,
Et contremont l'eaue du fleuve Jourdain
Retourner fut contrainte.
Comme moutons montaignes ont sailly,
Et si en ont les coustaux tressailly,
Comme aigneletz en crainte.
Qu'avoys tu mer, à t'enfuyr soubdain?
Pourquoy amont l'eaue du fleuve Jourdain
Retourner fus contrainte?
Pourquoy avez monts en moutons sailly?
Pourquoy coustaux en avez tressailly,
Comme aigneletz en crainte?
Devant la face au Seigneur, qui tout peult,
Devant le Dieu de Jacob, quand il veult,
Terre trembla craintifve.
Je dy le Dieu, le Dieu convertissant
La pierre en lac, et le rocher puissant
En fontaine d'eaue vifve.
XXVII
Non nobis, Domine, non nobis, sed.
Argument: Il prie Dieu, vouloir (pour sa gloire) si bien traicter son peuple, qu'il congnoisse qu'il est le seul Dieu. Et que les Idoles des Gentilz ne sont rien qu'ouvrages d'hommes. Pseaulme contre les Idolâtres.
Non point à nous, non point à nous, Seigneur,
Mais à ton Nom donne gloyre, et honneur,
Pour ta grand' bonté seure.
Pourquoy diroyent les gens, en se mocquant,
Où est ce Dieu, qu'ilz vont tant invocquant,
Où est il à ceste heure?
Certainement nostre Dieu tout parfaict
Reside aux cieulx: et de là hault il faict
Tout ce qu'il veult en somme.
Mais ce qu'adore une si mal gent,
Idoles sont, faictes d'or, et d'argent,
Ouvrage de main d'homme.
Bouche elles ont, sans parler ne mouvoir:
Elles ont yeulx, et ne sçauroyent rien veoir,
C'est une chose morte:
Oreilles ont, et ne sçauroyent ouyr:
Elles ont nez, et ne sçauroyent jouyr
D'odeur doulce, ne forte:
Elles ont mains, ne pouvants rien toucher:
Elles ont pieds, et ne sçavent marcher:
Gosier, et point ne crient.
Telz, et pareilz sont touts ceulx, qui les font,
Et ceulx lesquelz à leurs recours s'en vont,
Et touts ceulx qui s'y fient.
Toy Israel, arreste ton espoir
Sur le Seigneur, c'est ta force, et pouvoir,
Bouclier, et saulvegarde.
Maison d'Aaron, arreste ton espoir
Sur le Seigneur, c'est ta force, et pouvoir,
Lequel te saulve, et garde.
Qui craignez Dieu, arrestez vostre espoir
Sur tel Seigneur, car c'est vostre pouvoir,
Soubs qui l'ennemy tremble.
Le Seigneur Dieu de nous souvenir a:
Plus que jamais Israel beneira,
Les filz d'Aaron ensemble.
A touts, qui sont de l'offenser craintifs,
Grands biens a faicts, depuis les plus petits.
Jusqu'à ceulx de grand' eage.
Les biens, et dons, que pour vous faicts il a,
Il fera croistre à vous, et à ceulx là
De vostre parentage.
Car favoris estes, et bien aymés
Du grand Seigneur, qui les cieulx a formés,
Et terre confinée.
Le Seigneur s'est reservé seullement
Les cieulx pour soy: la terre entierement
Aux hommes a donnée.
O Seigneur Dieu, l'homme par mort transi
Ne dit ton loz, ne quiconques aussi
En la fosse devalle:
Mais nous vivants, par tout, où nous irons,
De bouche, et cueur le Seigneur beneirons,
Sans fin, sans intervalle.
XXVIII
De profundis clamavi ad te Domine
Argument: Affectueuse priere de celluy, qui par son peché a beaucoup d'adversitez, et toutesfois, par esperance ferme se promect obtenir de Dieu remission de ses pechez, et delivrance de ses maulx. Pseaulme propre pour tous ceulx qui font penitence.
Du fond de ma pensée,
Au fond de touts ennuys,
A toy s'est addressée
Ma clameur jours, et nuycts.
Entends ma voix plaintive,
Seigneur, il est saison,
Ton oreille ententive
Soit à mon oraison.
Si ta rigueur expresse
En noz pechés tu tiens,
Seigneur, Seigneur, qui est ce,
Qui demourra des tiens?
Or n'es tu point severe,
Mais propice à mercy:
C'est pourquoy on revere
Toy, et ta Loy aussi.
En Dieu je me console,
Mon âme si attend,
En sa ferme parolle
Tout mon espoir s'estend:
Mon âme à Dieu regarde
Matin, et sans sejour,
Plus matin, que la garde
Assise au poinct du jour.
Qu'Israel en Dieu fonde
Hardyment son appuy:
Car en Dieu grâce abonde,
Et secours est en luy:
C'est celluy qui sans doubte
Israel jectera
Hors d'iniquité toute,
Et le racheptera.
XXIX
Super flumina Babylonis.
Argument: C'est le cantique des prestres, Levites, et chantres sacrez de Hierusalem, captifz en Babylone. Pseaulme propre pour les Chrestiens prisonniers en Turquie.
Estants assis aux rives aquaticques
De Babylon, pleurions melancholicques,
Nous souvenant du pays de Sion:
Et au milieu de l'habitation,
Où de regret tant de pleurs espandismes,
Aux saules vertz noz harpes nous pendismes.
Lors ceulx, qui là captifz nous emmenarent,
De les sonner fort nous importunarent,
Et de Syon les chansons reciter:
Las dismes nous, qui pourroit inciter
Noz tristes cueurs à chanter la louange
De nostre Dieu, en une terre estrange?
Or toutesfoys, puisse oublier ma dextre
L'art de harper, avant qu'on te voye estre
Hierusalem, hors de mon souvenir:
Ma langue puisse à mon palays tenir
Si je t'oublie, et si jamais ay joye,
Tant que premier ta delivrance j'oye.
Mais doncq Seigneur, en ta memoyre imprime
Les filz d'Edom, qui sur Hierosolyme
Crioyent au jour que l'on la destruysoit:
Souvienne toy que chascun d'eulx disoit,
A sac, à sac, qu'elle soit embrasée,
Et jusqu'au pied des fondements rasée.
Aussi sera Babylon mise en cendre:
Et tresheureux, qui te sçaura bien rendre
Le mal dont trop de pres nous vient toucher:
Heureux celluy, qui viendra arracher
Les tiens enfants d'entre tes mains impures,
Pour les froisser contre les pierres dures.
XXX
Pseaulme Cent quarante et troisiesme
Domine exaudi orationem meam, auribus percipe.
Argument: C'est la priere qu'il feit, quand par craincte de Saül il se cacha en une fosse, où il s'attendoit d'estre pris, dont il estoit en grande angoisse. Pseaulme propre à ceulx qui sont prisonniers pour la foy.
Seigneur Dieu, oy l'oraison mienne:
Jusqu'à tes oreilles parvienne
Mon humble supplication:
Selon la vraye mercy tienne
Responds moy en affliction.
Avec ton serviteur n'estrive;
Et en plein jugement n'arrive,
Pour ses offenses luy prouver:
Car devant toy homme qui vive,
Juste ne se pourra trouver.
Las, mon ennemy m'a faict guerre,
A prosterné ma vie en terre:
Encor ne luy est pas assez,
En obscure fosse m'enserre,
Comme ceulx, qui sont trespassés.
Dont mon âme ainsi empressée,
De douleur se trouve oppressée,
Cuydant que m'as abandonné:
J'en sens dedans moy ma pensée
Troublée, et mon cueur estonné.
En ceste fosse obscure, et noyre,
Des jours passés j'ay heu memoyre:
Là j'ay tes oeuvres medités,
Et pour confort consolatoyre,
Les faicts de tes mains recités.
Là dedans à toy je souspire,
A toy je tends mes mains, ô Sire,
Et mon âme en sa grand'clameur
A soif de toy, et te desire,
Comme seiche terre l'humeur.
Haste toy, soys moy secourable,
L'esprit me fault, de moy damnable
Ne cache ton visage beau:
Aultrement je m'en voys semblable
A ceulx qu'on devalle au tumbeau.
Fais moy doncq ouyr de bonne heure
Ta grâce, car en toy m'asseure:
Et du chemin, que tenir doy,
Donne m'en congnoissance seure,
Car j'ay levé mon cueur à toy.
O Seigneur Dieu, mon esperance,
Donne moy pleine delivrance
De mes poursuyvants ennemys,
Puis que chés toy, pour asseurance,
Je me suis à refuge mys.
Enseigne moy comme il fault faire
Pour bien ta voulunté parfaire,
Car tu es mon vray Dieu entier:
Fais que ton esprit debonnaire
Me guide, et meine au droict sentier.
O Seigneur, en qui je me fie,
Restaure moy, et vivifie,
Pour ton Nom craint, et redoubté:
Retire de langueur ma vie,
Pour monstrer ta juste bonté.
Touts les ennemys qui m'assaillent,
Fais par ta mercy qu'ilz deffaillent:
Et rends confonduz, et destruicts
Touts ceulx qui ma vie travaillent,
Car ton humble serviteur suis.
Fin
* La mort n'y mord *
Vingt Pseaulmes
nouvellement mis en Françoys, & envoyés au Roy, par Clement Marot

Beginning of Psalm 18 in
the Geneva edition of Jean Girard, 1543
I
Diligam te Domine.
Argument: Hymne tresexcellent lequel David chanta au seigneur Dieu apres qu'il l'eut rendu paisible et victorieux sur Saul et sur tous ses autres ennemys, prophetisant de Jesuchrist en la conclusion du pseaulme.
Je t'aymeray en toute obeyssance, Tant que vivray, ô mon Dieu, ma puissance. Dieu, c'est mon roc, mon rempar hault, et seur, C'est ma rençon, c'est mon fort deffenseur, En luy seul gist ma fiance parfaicte, C'est mon pavoys, mes armes, ma retraicte: Quand je l'exalte, et prie en ferme foy, Soubdain recoux des ennemys me voy. Dangers de mort ung jour m'environnarent, Et grands torrents de malings m'estonnarent. J'estoys bien pres du sepulchre venu, Et des filés de la Mort prevenu: Ainsi pressé, soubdain j'invocque, et prie Le Toutpuissant, hault à mon Dieu je crie: Mon cry au ciel jusqu'à luy penetra, Si que ma voix en son oreille entra. Incontinent tremblarent les Campaignes: Les fondements des plus haultes Montaignes Touts esbranlés, s'esmeurent grandement: Car il estoit courroucé ardamment. En ses naseaulx luy monta la fumée, Feu aspre yssoit de sa bouche allumée, Si enflambé en son couraige estoit, Qu'ardants charbons de toutes pars jectoit. Baissa le Ciel, de descendre print cure, Ayant soubz piedz une brouée obscure: Monté estoit sur ung Esprit mouvent, Volloit guindé sur les aeles du vent, Et se cachoit dedans les noires Nues, Pour Tabernacle autour de luy tendues. En fin rendit, par sa grande clarté, Ce gros amas de Nues escarté, Gresles jectant, et charbons vifz en terre, Au ciel menoit l'Eternel grand tonnerre, L'Altitonant sa voix grosse hors mist, Et gresle, et feu sur la terre transmist: Lança ses Dards, rompit toutes leurs bandes, Doubla l'esclair, leur donna frayeurs grandes. A ta menace, et du fort vent poulsé Par toy, Seigneur, en ce poinct courroucé, Furent canaulx desnués de leur unde, Et descouvertz les fondements du Monde. Sa main d'enhault icy bas me tendit, Et hors des eaux sain, et sauf me rendit: Me recourut des puissants, et haulsaires (Et plus que moy renforcés) adversaires. A mes dangers, il preveut, et prevint: Quand il fut temps secours de Dieu me vint, Me mist au large, et si feit entreprise De me garder, car il me favorise. Or m'a rendu selon mon equité, Et de mes mains selon la purité, Car du Seigneur j'avoys suivy la voye, Ne revolté mon cueur de luy n'avoye: Ains tousjours heu devant l'oeil touts ses ditz, Sans rejecter ung seul de ses editz. Si qu'envers luy entier en tout affaire Me suis monstré, me gardant de mal faire. Or m'a rendu selon mon equité, Et de mes mains selon la purité. Certes, Seigneur, qui sçais telles mes oeuvres, Au bon tresbon, pur au pur, te descoeuvres: Tu es entier, à qui entier sera, Et defaillant, à qui failly aura. Les humbles vivre en ta garde tu laisses, Et les sourcilz des braves tu rabaisses, Aussi mon Dieu, ma Lanterne allumas, Et esclairé en tenebres tu m'as, Par toy donnay à travers la bataille, Mon Dieu devant, je saultay la muraille. C'est l'Eternel, qui entier est trouvé, Son parler est, comme au feu, esprouvé, C'est ung bouclier de forte resistance Pour touts ceulx là, qui ont en luy fiance. Mais qui est Dieu, sinon le supernel? Ou qui est fort, si ce n'est l'Eternel? De hardiesse, et force il m'environne, Et seure voye à mes emprises donne: Mes piedz à ceulx des Chevreulz faict esgaulx, Pour monter lieux difficiles, et haultz: Ma main par luy aux armes est apprise, Si que du bras ung Arc d'acier je brise. De ton secours l'escu m'a apporté, Et m'a ta dextre au besoing supporté, Ta grand' bonté, où mon espoir mectoye, M'a faict plus grand encor' que je n'estoye: Preparer vins mon chemin soubz mes pas, Dont mes talons glissants ne furent pas: Car ennemys sceu poursuyvre, et attaindre, Et ne revins sans du tout les estaindre: Durer n'on peu, tant bien les ay secoux, Ains à mes piedz tresbucharent de coups: Circuy m'as de belliqueuse force, Ployant soubz moy, qui m'envahir s'efforce, Tu me monstras le doz des ennemys, Et mes hayneux j'ay en ruine mys: Ilz ont crié, n'ont heu secours quelconques, Mesmes à Dieu, et ne les ouyt oncques, Comme la pouldre au vent les ay rendus, Et comme fange en la place estendus. Delivré m'as du mutin populaire, Et t'a pleu chef des nations me faire, Voyre le peuple, à moy peuple incongnu, Soubz mon renom obeir m'est venu: Maintz estrangers par servile contraincte M'ont faict honneur d'obeyssance faincte, Maintz estrangers redoubtants mes effortz, Espouventés, ont tremblé en leurs fortz. Vive mon Dieu, à mon saulveur soit gloyre, Exalté soit le Dieu de ma victoyre, Qui m'a donné pouvoir de me venger, Et qui soubz moy les peuples faict renger: Me garentit qu'ennemys ne me grevent, M'esleve hault sur touts ceulx qui s'eslevent Encontre moy, me delivrant à plain De l'homme ayant le cueur d'oultrage plein. Pourtant, mon Dieu, parmy les gens estranges Te beneiray, en chantant tes louanges: Ce Dieu, je dy, qui magnificquement Saulva son Roy, et qui unicquement David, son oingt, traicte en grande clemence: Traictant, de mesme, à jamais sa semence.
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Ps. 18 from the Oeuvres printed by Dolet, 1543
II
Dominus regit me, et nihil
Argument: Il chante les biens et la felicité qu'il a et d'une merveilleuse fiance se promet que dieu duquel ce bien luy vient le traictera tousjours de mesmes.
Mon Dieu me paist soubs sa puissance haulte,
C'est mon berger, de rien je n'auray faulte.
En tect bien seur, joignant les beaulx herbages,
Coucher me faict, me meine aux clairs rivages,
Traicte ma vie en doulceur treshumaine,
Et pour son Nom, par droicts sentiers me meine
Si seurement, que quand au val viendroye
D'umbre de mort, rien de mal ne craindroye,
Car avec moy tu es à chascune heure:
Puis ta houlette, et conduicte m'asseure.
Tu enrichys de vivres necessaires
Ma table, aux yeulx de touts mes adversaires.
Tu oings mon chef d'huyles, et senteurs bonnes,
Et jusqu'aux bords pleine tasse me donnes,
Voyre, et feras que ceste faveur tienne,
Tant que vivray compaignie me tienne,
Si que tousjours de faire ay esperance
En la maison du Seigneur demourance.
III
Ad te Domine levavi animam
Argument: Icy l'homme pressé de ses pechez et de la malice de ses ennemys prie le Seigneur Dieu pour soy et generalement pour tout le peuple.
A Toy, mon Dieu, mon cueur monte,
En Toy mon espoir ay mys,
Fais que je ne tombe à honte,
Au gré de mes ennemys.
Honte n'auront voyrement
Ceulx qui dessus toy s'appuyent,
Mais bien ceulx qui durement
Et sans cause les ennuyent.
Le chemin que tu nous dresses
Fays moy congnoistre, Seigneur,
De tes sentes, et addresses
Vueilles moy estre enseigneur.
Achemine moy au cours
De ta verité patente,
Comme Dieu de mon secours,
Où j'ay chascun jour attente.
De tes bontés te recorde,
Metz en memoyre, et estends
Ceste grand' misericorde,
Dont usé a de tout temps.
Oublye la mauvaistié
De l'orde jeunesse mienne,
De moy, selon ta pitié,
Par ta bonté te souvienne.
Dieu est bon, et veritable,
L'a esté, et le sera,
Parquoy en voye equitable
Les pecheurs raddressera.
Les humbles fera venir
A vie juste, et decente,
Aux humbles fera tenir
L'Eternel sa droicte sente.
Bonté, seurté, souvenance,
Ce sont de Dieu les sentiers,
A ceulx, qui sa convenance
Gardent bien, et vouluntiers.
Helas Seigneur tout parfaict,
Pour l'amour de ton Nom mesme,
Pardonne moy mon forfaict,
Car c'est ung forfaict extresme.
Quel homme c'est, à vray dire,
Qui en Dieu son desir a,
Du chemin qu'il doibt eslire
L'Eternel l'advertira.
A repos parmy ses biens
Vivra son cueur en grand' eage,
Puis auront les Enfants siens
La terre pour heritage.
Dieu faict son secret paroistre
A ceulx qui l'ont en honneur,
Et leur monstre, et faict congnoistre
De son contract la teneur.
Quant à moy, yeulx, et espritz
En tout temps à Dieu je tourne,
Car mes piedz, quand ilz sont pris,
Du filé tire, et destourne.
Jecte doncq sur moy ta veuë,
Prens de moy compassion,
Personne suis despourveuë,
Seulle, et en affliction.
Jà mon cueur sent empirer,
Et augmenter ses destresses,
Las, vueille moy retirer
De ces miennes grands oppresses.
Tourne à mon tourment ta face,
Voy ma peine, et mon soucy,
Et touts mes pechés efface,
Qui sont cause de cecy.
Voy mes ennemys, qui sont
Non seullement grosse bande,
Mais qui sur moy certes ont
Hayne furieuse, et grande.
Preserve de leur embusche
Ma vie, et delivre moy,
Qu'à honte je ne tresbuche,
Puis que j'ay espoir en toy.
Que ma simple integrité
(Comme à l'ung des tiens) me serve,
Et de toute adversité
Israel tire, et conserve.
IV
Exultate justi in Domino, rectos
Argument: C'est ung bel hymne auquel le prophete invite d'entrée à celebrer le tout puissant: puis chante que tout est plein de sa bonté, recite ses merveilles, admonneste les princes de ne se fier en leurs forces et que dieu assiste à ceulx qui les reverent: puis invoque sa bonté.
Resveillez vous chascun fidele,
Menez en Dieu joye orendroit,
Louange est tresseante, et belle
En la bouche de l'homme droit:
Sur la doulce harpe
Pendue en escharpe
Le Seigneur louez,
De Luz, d'Espinettes,
Sainctes chansonnettes
A son Nom jouez.
Chantez de luy par melodie,
Nouveau vers, nouvelle chanson,
Et que bien on la psalmodie,
A haulte voix, et plaisant son.
Car ce que Dieu mande,
Qu'il dit et commande,
Est juste, et parfaict:
Tout ce qu'il propose,
Qu'il faict, et dispose,
A fiance est faict.
Il ayme d'amour souveraine,
Que droit regne, et justice ayt lieu:
Quand tout est dit, la terre est pleine
De la grande bonté de Dieu.
Dieu par sa Parolle
Forma chascun pole,
Et Ciel precieux,
Du vent de sa bouche
Feit ce qui attouche
Et orne les cieulx.
Il a les grands eaux amassées
En la mer, comme en ung vaisseau,
Aux abysmes les a mussées,
Comme ung thresor en ung monceau.
Que la terre toute
Ce grand Dieu redoubte,
Qui feit tout de rien:
Qu'il n'y ait personne,
Qui ne s'en estonne,
Au val terrien.
Car toute chose qu'il a dite
A esté faicte promptement,
L'obeyssance aussi subite
A esté, que le mandement.
Le conseil, l'emprise
Des gens il desbrise,
Et mect à l'envers:
Vaines, et cassées
Il rend les pensées
Des peuples divers.
Mais la divine providence
Son conseil sçait perpetuer,
Ce que son cueur une foys pense,
Dure à jamais, sans se muer.
O gent bienheurée,
Qui, toute asseurée,
Pour son Dieu le tient:
Heureux le lignage,
Que Dieu en partage
Choysit, et retient.
Le Seigneur Eternel regarde
Icy bas du plus hault des cieulx:
Dessus les humains il prend garde,
Et les voit touts devant ses yeulx.
De son Throsne stable,
Paisible, equitable,
Ses clairs yeulx aussi
Jusqu'au fons visitent
Touts ceulx qui habitent
En ce monde icy.
Car luy seul, sans aultruy puissance,
Forma leurs cueurs, telz qu'ilz les ont:
C'est luy seul qui a congnoissance
Quelles toutes leurs oeuvres sont.
Nombre de gensd'armes,
En assaultz n'alarmes,
Ne saulvent le Roy:
Bras ny halebarde,
L'homme fort ne garde,
De mortel desroy.
Celluy se trompe, qui cuyde estre
Saulvé par cheval bon, et fort:
Ce n'est point par sa force adextre,
Que l'homme eschappe ung dur effort.
Mais l'oeil de Dieu veille
Sur ceulx, à merveille,
Qui de voulunté
Craintifz le reverent:
Qui aussi esperent
En sa grand' bonté.
Affin que leur vie il delivre,
Quand la Mort les menacera:
Et qu'il leur donne de quoy vivre
Au temps, que famine sera.
Que doncques nostre âme
L'Eternel reclame,
S'attendant à luy.
Il est nostre addresse,
Nostre forteresse,
Pavoys, et appuy.
Et par luy grand' resjouyssance
Dedans noz cueurs tousjours aurons,
Pourveu qu'en la haulte puissance
De son Nom sainct nous esperons.
Or ta bonté grande
Dessus nous s'espande,
Nostre Dieu, et Roy,
Tout ainsi qu'entente,
Espoir, et attente
Nous avons en toy.
V
Dixit injustus, ut delinquat in semetipso
Argument: Il s'esmerveille de la grand bonté de Dieu, laquelle est si espandue par tout que mesmes les mauvais s'en sentent: puis chante que les esleuz la sentent singulierement sur tous comme par benediction et prie Dieu la continuer plus longuement à ceulx qui le congnoissent et le garder de la violence des mauvais desquelz il predit aussi la ruine.
Du maling les faictz vicieux
Me disent que devant ses yeulx
N'a point de Dieu la crainte:
Car tant se plaist en son erreur,
Que l'avoir en hayne, et horreur,
C'est bien force, et contraincte.
Son parler est nuysant, et fin:
Doctrine va fuyant, affin
De jamais bien ne faire.
Songe en son lict meschanceté:
Au chemin tors est arresté:
A nul mal n'est contraire.
O Seigneur, ta benignité
Touche aux cieulx, et ta verité
Dresse aux Nues la teste.
Tes jugements semblent haultz monts,
Ung abysme tes actes bons,
Tu gardes homme, et beste.
O que tes grâces nobles sont
Aux hommes, qui confiance ont
En l'ombre de tes aesles!
De tes biens saoules leurs desirs,
Et au fleuve de tes plaisirs,
Pour boyre les appelles.
Car source de vie en toy gist,
Et ta clarté nous eslargist
Ce qu'avons de lumiere.
Continue, ô Dieu tout puissant,
A tout cueur droict te congnoissant,
Ta bonté coustumiere.
Que le pied de l'homme inhumain
De moy n'approche, et que sa main
Ne m'ebranle ne greve.
C'est faict, les iniques cherront,
Et repoulsés tresbucheront;
Sans qu'ung d'eulx se releve.
VI
Deus, Deus meus, ad te [This is the incipit of Vulgate Psalm 62 (LXII). The error is probably Marot's, since it is copied always afterwards. The correct incipit of Psalm 43 (XLII) is “Iudica me Deus.” BTW: notice the dyslectic potential of the Roman numerals].
Argument: Il prie estre delivré de ceulx qui avoient conjuré avec Absalon affin qu'il puisse à bon escient publier les louanges de Dieu en la saincte congregation.
Revenge moy, prends la querelle
De moy, Seigneur, par ta mercy,
Contre la gent faulse, et cruelle:
De l'homme, remply de cautelle,
Et en sa malice endurcy,
Delivre moy aussi.
Las, mon Dieu, tu es ma puissance,
Pourquoy t'enfuys, me reboutant?
Pourquoy permectz qu'en desplaisance
Je chemine, soubz la nuysance
De mon adversaire, qui tant
Me va persecutant?
A ce coup ta lumière luyse,
Et ta Foy veritable tien,
Chascune d'elles me conduyse
En ton sainct Mont, et m'introduyse
Jusqu'au Tabernacle tien,
Avecq humble maintien.
Là dedans prendray hardiesse
D'aller de Dieu jusqu'à l'autel,
Au Dieu de ma joye, et liesse,
Et sur la harpe chanteresse
Confesseray qu'il n'est Dieu tel
Que toy, Dieu immortel.
Mon cueur, pourquoy t'esbahys ores?
Pourquoy te debatz dedans moy?
Attends le Dieu que tu adores,
Car grâces luy rendray encores,
Dont il m'aura mys hors d'esmoy,
Comme mon Dieu, et Roy.
VII
Eructavit cor meum verbum bonum
Argument: C'est le chant nuptial de Jesuchrist et de son eglise soubz la figure de Salomon et de sa principale femme, fille de Pharaon.
Propos exquis fault que de mon cueur sorte,
Car du Roy veulx dire Chanson, de sorte
Qu'à ceste foys ma langue mieulx dira
Qu'un Scribe prompt de plume n'escrira.
Le mieulx formé tu es d'humaine race,
En ton parler gist merveilleuse grâce:
Parquoy Dieu faict que toute nation
Sans fin te loue en benediction.
O le plus fort que rencontrer on puisse,
Accoustre, et ceintz sur ta robuste cuisse
Ton glaive aigu, qui est la resplendeur,
Et l'ornement de Royalle grandeur.
Entre en ton Char, triumphe à la bonne heure
En grand honneur, puis qu'avecq toy demeure
Verité, Foy, Justice, et cueur humain,
Veoir te feras de grands choses ta main.
Tes Dards luysants, et tes Sagettes belles
Poignantes sont: les cueurs à toy rebelles
Seront au vif d'icelles transpercés,
Et dessoubz toy les peuples renversés.
O divin Roy, ton Throsne venerable
C'est un hault Throsne, à jamais perdurable:
Le Sceptre aussi de ton Regne puissant,
C'est d'equité le Sceptre fleurissant.
Iniquité tu hays, aymant justice,
Pour ces raisons, Dieu, ton Seigneur propice,
Sur tes consors t'ayant le plus à gré,
D'huyle de joye odorant t'a sacré.
De tes habits les plys ne sentent qu'Ambre,
Et Musc, et Myrrhe, en allant de ta Chambre
Hors ton Palays d'yvoire, hault et fier,
Là où chascun te vient gratifier.
Avecq toy sont filles de Roys bien nées,
De tes presents moult precieux ornées,
Et la nouvelle Espouse à ton costé,
Qui d'or d'Ophir couronne sa beaulté.
Escoute fille en beaulté nonpareille,
Entends à moy, et me preste l'oreille:
Il te convient ton peuple familier,
Et la maison de ton pere oublier.
Car nostre Roy, nostre souverain Sire,
Moult ardamment ta grand' beaulté desire
D'oresnavant ton Seigneur il sera,
Et de toy humble obeyssance aura.
Peuples de Tyr, peuples pleins de richesses,
D'honneur, et dons te feront grands largesses,
Ce ne sera de la Fille du Roy,
Soubz manteau d'or, sinon tout noble arroy.
D'habits brodés richement atournée,
Elle sera devers le Roy menée,
Avecq le train des Vierges, la suyvants,
Et de ses plus prochaines, la servants.
Pleines de joye, et d'ennuy exemptées,
Au Roy seront ensemble presentées:
Elles, et toy, en triumphe, et bonheur,
L'yrez trouver en son Palays d'honneur.
Ne plainds doncq point de laisser pere, et mere:
Car en lieu d'eulx, mariage prospere
Te produyra beaulx, et nobles enfants,
Que tu feras par tout Roys triumphants.
Quant est de moy, à ton Nom, et ta gloyre
Feray escriptz d'eternelle memoyre,
Et par lesquelz les gens, à l'advenir,
Sans fin vouldront te chanter, et benir.
VIII
Deus noster refugium, et virtus
Argument: Les bons chantent icy quelle fiance et seureté ilz ont en tous perilz ayans Dieu pour leur garde.
Des qu'adversité nous offense,
Dieu nous est appuy, et deffense,
Au besoing l'avons esprouvé,
Et grand secours en luy trouvé:
Dont plus n'aurons crainte ne doubte,
Et deust trembler la terre toute,
Et les Montaignes abysmer
Au milieu de la haulte mer.
Voyre deussent les eaux profondes
Bruyre, escumer, enfler leurs undes,
Et par leur superbe pouvoir
Rochers, et Montaignes mouvoir.
Au temps de tourmente si fiere,
Les ruysseaux de nostre riviere
Resjouyront la grand' cité,
Lieu tressainct de la deité.
Il est certain qu'au milieu d'elle
Dieu faict sa demeure eternelle,
Rien esbranler ne la pourra,
Car Dieu prompt secours luy donra.
Trouppes de gens sur nous coururent,
Meuz contre noz Royaulmes furent,
Du bruyt des voix tout l'air fendoit,
Et soubz eulx la terre fondoit.
Mais pour nous, en ces durs alarmes,
A esté le grand Dieu des armes.
Le Dieu de Jacob, c'est ung Fort
Pour nous, encontre tout effort.
Venez, contemplez en vous mesmes
Du Seigneur les actes supresmes,
Et ces lieux terrestres voyez,
Comment il les a nettoyés.
Il a estaint cruelle guerre,
Par tout, jusqu'aux fins de la terre,
Brisé Lances, rompu les Arcs,
Et par feu les Chariotz ards.
Cessez, dit il, et congnoissance
Ayez de ma haulte puissance,
Dieu suis, j'ay exaltation
Sur toute terre, et nation.
Conclusion, le Dieu des armes
Des nostres est en touts alarmes:
Le Dieu de Jacob, c'est ung Fort
Pour nous encontre tout effort.
IX
Deus deorum dominus locutus est
Argument: Il prophetise comment Dieu debvoit appeller à soy toutes nations par l'evangille et ne demander aux siens pour tous sacrifices sinon confession et predication de sa bonté, detestant ceulx qui se vantent d'observer sa religion sans que leur cueur soit touché de zele ne d'amour en luy.
Le Dieu, le fort, l'Eternel parlera,
Et hault, et clair la terre appellera,
De l'Orient jusques à l'Occident.
Devers Syon Dieu clair, et evident
Apparoistra, orné de beaulté toute:
Nostre grand Dieu viendra, n'en faictes doubte,
Ayant ung feu devorant devant luy,
D'ung vehement tourbillon circuy.
Lors huchera et terre, et ciel luysant,
Pour juger là tout son peuple, en disant:
Assemblez moy mes sainctz, qui par fiance
Sacrifiants ont prins mon alliance,
(Et vous les cieulx, direz en tout endroit
Son jugement, car Dieu est Juge droit)
Entends mon peuple, et à toy parleray,
Ton Dieu je suis, rien ne te celeray:
Par moy reprins ne seras des offrandes
Qu'en sacrifice ay voulu que me rendes,
Je n'ay besoing prendre en nulle saison
Bouc de tes parcs, ne Boeuf de ta maison:
Touts animaulx des boys sont de mes biens,
Mille trouppeaulx en mille monts sont miens,
Miens je congnoys les Oyseaulx des montaignes,
Et Seigneur suis du bestail des campaignes:
Si j'avoys faim, je ne t'en diroys rien,
Car à moy est le monde, et tout son bien.
Suis je mangeur de chair de gros Taureaux?
Ou boy je le sang de Boucz, ou de Chevreaux?
A l'Eternel louange sacrifie,
Au Souverain rends tes voeux, et t'y fie:
Invocque moy, quand oppressé seras,
Lors t'aideray, puis honneur m'en feras.
Aussi dira l'Eternel au meschant,
Pourquoy va tu mes editz tant preschant,
Et prens ma Loy en ta bouche maline,
Veu que tu as en hayne discipline,
Et que mes dictz jectes, et ne reçoys?
Si ung larron d'adventure apperçoys,
Avecq luy cours: car aultant que luy vaux,
T'accompaignant de paillards, et ribaux:
Ta bouche metz à mal, et mesdisances,
Ta langue brasse et fraudes, et nuisances,
Causant assis pour ton prochain blasmer,
Et pour ton frere, ou cousin diffamer:
Tu fays ces maulx, et ce pendant que riens
Je ne t'en dy, tu m'estimes, et tiens
Semblable à toy: mais, quoy que tard le face,
T'en reprendray quelcque jour à ta face.
Or entendez cela, je vous supply,
Vous, qui mectez l'Eternel en oubly,
Que sans secours ne soyez tous deffaictz.
Sacrifiant louange, honneur me fays,
Dit le Seigneur, et qui tient ceste voye,
Doubter ne fault que mon salut ne voye.
X
Deus judicium tuum regi da
Argument: Il prie que le regne de Dieu advienne par Jesuchrist prophetisant l'estendue, l'equité, felicité et longue durée d'icelluy regne, le tout soubz la figure de celluy de Salomon.
Tes jugements, Dieu veritable,
Baille au Roy pour regner,
Vueilles ta justice equitable
Au filz du Roy donner.
Il tiendra ton peuple en justice,
Chassant iniquité:
A tes paovres sera propice,
Leur gardant equité.
Les peuples verront aux montaignes
La paix croistre, et meurir,
Et par coustaux, et par campaignes,
La justice fleurir.
Ceulx du peuple, estants en destresse,
L'auront pour deffenseur:
Les paovres gardera d'oppresse,
Reboutant l'oppresseur.
Aussi ung chascun, et chascune,
O Roy, t'honnorera,
Sans fin, tant que Soleil, et Lune,
Au monde esclairera.
Il vient comme pluye agreable
Tombant sur prés fauchés,
Et comme rosée amiable
Sur les terroirs sechés:
Luy regnant, fleuriront par voye
Les bons, et gracieux
En longue paix, tant qu'on ne voye
De Lune plus aux cieulx.
De l'une mer large, et profonde
Jusques à l'aultre mer,
D'Euphrates, jusqu'au bout du monde,
Roy se fera nommer.
Ethiopes viendront grand erre
Se cliner devant luy,
Ses hayneux baiseront la terre,
A l'honneur d'icelluy.
Roys d'Isles, et de la mer creuse,
Viendront à luy presents,
Et Roys d'Arabie l'heureuse,
Pour luy faire presents.
Touts aultres Roys viendront, sans doubte,
A luy s'humilier,
Et le vouldra nation toute
Servir, et supplier.
Car delivrance il donra bonne
Au paovre à luy pleurant,
Et au chetif, qui n'a personne,
Qui luy soit secourant.
Aux calamiteux, et pleurables,
Sera doulx, et piteux,
Saulvant les vies miserables
Des paovres souffreteux.
Les gardera de violence,
Et dol pernicieux,
Ayant leur sang, par sa clemence,
Moult cher, et precieux.
Chascun vivra, l'Or Arabicque
A touts departira,
Dont, sans fin, Roy tant magnificque,
Par tout on beneira.
De peu de grains, force blé: somme,
Les espis chascun an
Sur les monts bruyront en l'air, comme
Les arbres de Liban.
Fleurira la tourbe civile
Des bourgeoys, et marchants,
Multipliants dedans la ville,
Comme herbe par les champs.
Sans fin bruyra le Nom, et gloyre
De ce Roy nompareil,
De son renom sera memoyre
Tant qu'y aura Soleil.
Toutes nations, asseurées
Soubz Roy tant valeureux,
S'en yront vantant bienheurées,
Et le diront heureux.
Dieu, le Dieu des Israelites,
Qui sans secours d'aulcun
Faict des merveilles non petites
Soit loué de chascun.
De sa gloyre tresaccomplie
Soit loué le renom,
Soit toute la terre remplie
Du hault loz de son Nom.
Amen.
XI
Deus venerunt gentes in haereditatem tuam
Argument: Il se complainct de la calamité advenue en Hierusalem par Antichus contre lequel il demande aussi l'ayde de Dieu.
Les gens entrés sont en ton heritage,
Ilz ont pollu, Seigneur, par leur oultrage,
Ton Temple sainct, Hierusalem destruicte,
Si qu'en monceaulx de pierres l'ont reduicte.
Ilz ont baillé les corps
De tes serviteurs morts
Aux Corbeaux, pour les paistre:
La chair des bien vivants
Aux animaulx suyvants
Boys, et plaine champestre.
Entour la ville, où fut ce dur esclandre,
Las, on a veu le sang d'iceulx espandre,
Ainsi comme eau' jectée à l'adventure,
Sans que vivant leur donnast sepulture.
Ceulx, qui noz voysins sont,
En opprobre nous ont,
Nous mocquent, nous despitent:
Ores sommes blasmés,
Et par ceulx diffamés
Qui entour nous habitent.
Helas, Seigneur, jusques à quand sera ce?
Nous tiendra tu pour jamais hors de grâce?
Ton ire ainsi embrasée, ardra elle,
Comme une grand' flambe perpetuelle?
Tes indignations
Espands sur nations
Qui n'ont ta congnoissance:
Ce mal viendroit appoint
Aux Royaulmes, qui point
N'invocquent ta puissance.
Car ceulx là ont toute presques estaincte
Du bon Jacob la posterité saincte,
Et en desert totallement tournée
La demourance à luy par toy donnée.
Las, ne nous ramentoy
Les vieulx maulx contre toy
Perpetrés à grands sommes:
Haste toy, vienne avant
Ta bonté, nous saulvant,
Car moult affligés sommes.
Assiste nous, nostre Dieu secourable,
Pour l'honneur hault de ton Nom venerable:
Delivre nous, soys piteux, et paisible
En noz pechés, pour ta gloyre indicible.
Qu'on ne die au milieu
Des gens, où est leur Dieu?
Ains punis leurs offenses,
Vueilles de toutes pars
Des tiens le sang espars
Venger, en noz presences.
Des prisonniers le gemissement vienne
Jusques au ciel, en la presence tienne:
Les condamnés, et ceulx qui jà se meurent,
Fays que vivants par ton pouvoir demeurent.
A noz voysins aussi
En leur sein endurcy,
Sept foys vueilles leur rendre
Le blasme, et deshonneur
Que contre toy, Seigneur,
Ont osé entreprendre.
Et nous alors ton vray peuple, et tes hommes,
Et qui trouppeau de ta pasture sommes,
Te chanterons par siecles innombrables,
De filz en filz preschant tes faictz louables.
XII
Inclina Domine aurem tuam, et ex
Argument: David requiert à Dieu premierement qu'il le face vivre sans peché, secondement qu'il l'asseure de ses ennemys, luy donnant vie heureuse: puis racompte la puissance et bonté de Dieu jà manifestée et qu'il doibt encores manifester à luy et aux autres.
Mon Dieu, preste moy l'oreille,
Par ta bonté nompareille:
Responds moy, car plus n'en puis,
Tant paovre, et affligé suis.
Garde, je te pry, ma vie,
Car de bien faire ay envie:
Mon Dieu, garde ton servant,
En l'espoir de toy vivant.
Las, de faire te recorde
Faveur, et misericorde
A moy, qui tant humblement
T'invocque journellement.
Et donne liesse à l'âme
Du serf, qui seigneur te clame,
Car mon cueur, ô Dieu des Dieux,
J'esleve à toy jusqu'aux cieulx.
A toy mon cueur se transporte,
Car tu es de bonne sorte,
Et à ceulx pleins de secours,
Qui à toy vont à recours.
Doncques la priere mienne
A tes oreilles parvienne.
Entends, car il est saison,
La voix de mon oraison.
Des qu'angoisse me tourmente,
A toy je crie, et lamente,
Pource qu'à ma triste voix
Tu responds souventesfoys.
Il n'est Dieu à toy semblable,
Ny à toy accomparable,
Ne qui se sceust usiter
A tes oeuvres imiter.
Toute humaine creature,
Qui de toy a prins facture
Viendra te glorifier,
Et ton Nom magnifier.
Car tu es grand à merveilles,
Et fays choses nompareilles:
Aussi as tu l'honneur tel,
D'estre seul Dieu immortel.
Mon Dieu, monstre moy tes voyes,
Affin qu'aller droict me voyes,
Et sur tout, mon cueur non fainct
Puisse craindre ton Nom sainct.
Mon Seigneur Dieu, ta haultesse
Je veulx celebrer sans cesse,
Et ton sainct Nom je pretends
Glorifier en tout temps.
Car tu as à moy indigne
Monstré grand' bonté benigne,
Tirant ma vie du bort
Du bas Tumbeau de la mort.
Mon Dieu, les pervers m'assaillent,
A grands trouppes sur moy saillent,
Et cherchent à mort me veoir,
Sans à toy regard avoir.
Mais tu es Dieu pitoyable,
Prompt à mercy, et ployable,
Tardif à estre irrité,
Et de grand' fidelité.
En pitié doncq me regarde,
Baille ta force, et ta garde,
Au foyble serviteur tien,
Et ton esclave soustien.
Quelcque bon signe me donne,
Qui mes ennemys estonne,
Quand verront que toy, Saulveur,
Me presteras ta faveur.
XIII
Qui habitat in adjutorio altissimi
Argument: Le prophete chante en quelle seureté vit et de combien de maulx est exempté celluy qui d'une ferme fiance se soubmet du tout à Dieu.
Qui en la garde du hault Dieu
Pour jamais se retire,
En umbre bonne, et en fort lieu
Retiré se peult dire.
Concluz doncq en l'entendement,
Dieu est ma garde seure,
Ma haulte tour, et fondement,
Sur lequel je m'asseure:
Car du subtil laqs des chasseurs,
Et de toute l'oultrance
Des pestiferes oppresseurs,
Te donra delivrance.
De ses plumes te couvrira,
Seur seras soubz son aesle,
Sa deffense te servira
De targe, et de rondelle,
Si que de nuict ne craindras point
Chose qui espouvante,
Ne dard ne sagette qui poingt,
De jour en l'air vollante.
N'aulcune peste cheminant
Lors qu'en tenebres sommes,
Ne mal soubdain exterminant
En plein midy les hommes.
Quant à ta dextre il en cherroit
Mille, et mille à senestre,
Leur mal de toy n'approcheroit,
Quelcque mal que puisse estre:
Ains, sans effroy, devant tes yeulx
Tu les verras deffaire,
Regardant les pernicieux
Recevoir leur salaire.
Et tout, pour avoir dict à Dieu,
Tu es la garde mienne,
Et d'avoir mis en si hault lieu
La confiance tienne.
Malheur ne te viendra chercher,
Tien le pour chose vraye,
Et de ta maison approcher
Ne pourra nulle playe.
Car il fera commandement
A ses Anges tresdignes,
De te garder songneusement,
Quelcque part que chemines.
Par leurs mains seras soubzlevé,
Affin que d'adventure
Ton pied ne choppe, et soit grevé
Contre la pierre dure.
Sur Lyonceaux, et sur Aspics,
Sur Lyons pleins de rage,
Et sur Dragons, qui vallent pis,
Marcheras sans dommage.
Car voicy, que Dieu dict de toy
D'ardante amour m'honnore:
Garder, et secourir le doy,
Car mon Nom il adore.
S'il m'invocque, l'exaulceray:
Aussi pour le deffendre
En mal temps avecq luy seray:
A son bien veulx entendre,
Et faire de ses ans le cours
Tout à son desir croistre:
En effect, quel est mon secours
Je luy feray congnoistre.
XIV
Misericordiam, et judicium cantabo
Argument: David n'estant encores roy paisible, promet à Dieu, des qu'il le sera, faire l'office d'ung bon prince, c'est assavoir vivre sans faire tort, estre rigoreux aux mauvais et eslever les gens de bien.
Vouloir m'est prins de mectre en escripture
Psalme, parlant de bonté, et droicture,
Et si le veulx à toy, mon Dieu, chanter,
Et presenter.
Tenir je veulx la voye non nuysible,
Quand viendras tu me rendre Roy paisible?
D'ung cueur tout pur conduiray ma maison,
Avecq raison.
Rien de maulvais y veoir n'auray envie,
Car je hay trop les meschants, et leur vie,
Ung seul d'entre eulx autour de moy adjoinct
Ne sera point.
Tout cueur ayant pensée desloyalle,
Deslogera hors de ma Court Royalle,
Et le nuysant n'y sera bien venu,
Non pas congnu.
Qui par mesdire apart son prochain greve,
Qui a cueur gros, et les sourcilz esleve,
L'ung mectray bas, l'aultre souffrir, pour vray,
Je ne pourray.
Mes yeulx seront fort diligents à querre
Les habitants fideles de la terre,
Pour estre à moy: qui droicte voye yra,
Me servira.
Qui s'estudie à user de fallace,
En ma maison point ne trouvera place:
De moy n'aura mensonger, ne baveur,
Bien, ne faveur.
Ains du pays chasseray de bonne heure
Touts les meschants, tant qu'ung seul n'y demeure,
Pour du seigneur nettoyer la cité
D'iniquité.
XV
Confitemini Domino; quoniam bonus
Argument: Le Psalmiste dit que toutes afflictions viennent et s'en vont par volunté divine et allegue sur ce les perilz et calamitez des errans aux desertz, des prisonniers, des malades et des agitez sur la mer, la requeste qu'ilz font à Dieu, comment ilz l'obtiennent, comment ilz en rendent grâces et comment Dieu tient toutes choses en sa main et les change comme il luy plaist.
Donnez au Seigneur gloyre,
Il est doulx, et clement,
Et sa bonté notoyre
Dure eternellement.
Ceulx qu'il a racheptés,
Qu'ilz chantent sa haultesse,
Et ceulx qu'il a jectés
Hors de la main d'oppresse.
Les ramassant ensemble
D'Orient, d'Occident,
De l'Aquilon qui tremble,
Et du Midy ardent.
Si d'aventure errants
Par les deserts se treuvent,
Demourance querants,
Et que trouver n'en peuvent:
Et si l'aspre famine
Et la soif sans liqueur
Les travaille, et leur mine
Et le corps, et le cueur:
Pourveu qu'à tel besoing
Criants, à Dieu lamentent,
Subit il les mect loing
Des maulx, qui les tourmentent.
Et droict chemin passable
Leur monstre, et faict tenir,
Pour en ville habitable
Les faire parvenir.
Lors de Dieu vont chantant
Les bontés nompareilles,
Cà, et là racomptant
Aux hommes ses merveilles.
D'avoir l'âme assouvie,
Qui de soif languissoit,
Saoulant de biens la vie,
Qui de faim perissoit.
Ceulx qui sont resserrés
En tenebres mortelles,
Enchesnés, enferrés,
Et souffrants peines telles,
Pour avoir la Parolle
De Dieu, mise à despris,
Et tenant pour frivolle
Son conseil de hault pris,
Quand par tourments leurs cueurs
Humiliés demeurent,
Abbatuz de langueurs,
Sans que nulz les sequeurent.
Pourveu qu'à Dieu s'addressent,
L'appellants au besoing,
Touts les maulx qui les pressent,
Il les renvoye au loing.
Des prisons les mect hors,
Mortelles, et obscures,
Rompant leurs lyens forts,
Cordes, et chesnes dures.
Les bontés nompareilles
De Dieu lors vont chantant,
Cà, et là ses merveilles
Aux hommes racomptant.
D'avoir jusqu'aux courreaux
Brisé d'arain les portes,
Et de fer les barreaux
Rompu de ses mains fortes.
Les folz, qui les supplices
Sentent de leurs pechés,
Et qui sont par leurs vices
Malades, assechés,
Dont le cueur, tout repas
Et viande abhomine,
Et qui sont pres du pas
De la mort, qui les mine,
Pourveu qu'à Dieu s'addressent,
L'appellants au besoing,
Touts les maulx qui les pressent
Il les renvoye au loing.
D'un seul mot qu'[il] transmet
Leur donne santé telle,
Que du tout hors les met
De ruyne mortelle.
Les bontés nompareilles
De Dieu lors vont chantant,
Cà, et là ses merveilles
Aux hommes racomptant.
A Dieu d'ardant desir
Louange sacrifient,
Et avecq grand plaisir
Ses oeuvres magnifient.
Ceulx qui dedans gallées
Dessus la mer s'en vont,
Et en grands eaux sallées
Mainte trafficque font:
Ceux là voyent de Dieu
Les oeuvres merveilleuses,
Sur le profond milieu
Des vagues perilleuses.
Le vent, s'il luy commande,
Souffle tempestueux,
Et s'enfle en la mer grande
Le flot impetueux:
Lors montent au ciel hault,
Puis aux gouffres descendent,
Et d'effroy, peu s'en fault
Que les âmes ne rendent.
Chancellent en yvrongne,
Troublés du branlement,
Tout leur sens les eslongne,
Perdent l'entendement.
Mais si à tel besoing
Criants, à Dieu lamentent,
Subit il les mect loing
Des maulx qui les tourmentent.
Faict au vent de tempeste
Sa fureur rabaisser,
Faict que la mer s'arreste,
Et ses undes cesser.
L'orage retiré,
Chascun joye demeine,
Et au port desiré
Le Seigneur Dieu les meine.
Les bontés nompareilles
De Dieu lors vont chantant,
Cà, et là ses merveilles
Aux hommes racomptant.
Parmy le peuple bas
Le surhaulsent en gloyre,
Et ne le taisent pas
Des grands au consistoyre.
Luy, qui les eaux profondes
En desert convertit,
Et les sources des undes
Asseche, et divertit.
Luy, qui steriles faict
Terres grasses, et belles,
Et tout pour le forfaict
Des habitants d'icelles.
Qui desertz d'humeur vuydes
Convertit en grands eaux,
Et lieux secz, et arides,
En sources, et ruisseaux.
Et qui là faict venir
Ceulx qui de faim languissent,
Lesquelz, pour s'y tenir,
Des Villes y bastissent:
Y semer champs se peinent,
Et vignes y planter,
Qui touts les ans ameinent
Fruict, pour les sustenter.
Là, les fortune en biens,
Les croist, les continue,
Et leur bestail en riens
Il ne leur diminue.
Puis descroissent de nombre,
Viennent à rarité,
Par maulx, et par encombre,
Et par sterilité.
Riches, nobles, et grands,
Mesprisés il renvoye,
Par deserts lieux errants,
Où n'a chemin, ne voye.
Et esleve, et delivre
Le paovre hors d'ennuy,
Et force gens faict vivre,
Comme ung trouppeau, soubs luy.
Ce voyant, ont aux cueurs
Les justes joye enclose,
Et de Dieu les mocqueurs
S'en vont la bouche close.
Qui a sens, et prudence,
Garde à cecy prendra:
Lors la grande clemence
Du Seigneur entendra.
XVI
Dixit Dominus Domino meo
Argument: Il chante le regne de Christ lequel commença en Sion et de là pervint jusques aux fins de la terre et continuera jusques à ce que Christ soit adoré universellement et que de ses ennemys il ayt fait son marchepied.
L'Omnipotent à mon Seigneur, et maistre
A dit ce mot: A ma dextre te sieds,
Tant que j'auray renversé, et faict estre
Tes ennemys le scabeau de tes pieds.
Le sceptre fort de ton puissant Empire
En fin sera loing de Syon transmys
Par l'Eternel, lequel te viendra dire:
Regne au milieu de touts tes ennemys.
De son bon gré ta gent bien disposée,
Au jour tressainct de ton sacre courra:
Et aussi dru qu'au matin chet rosée,
Naistre en tes filz ta jeunesse on verra.
Car l'Eternel, sans muer de courage,
A de toy seul dit, et juré avec:
Grand Prebstre, et Roy, tu seras en tout eagé,
Ensuyvant l'ordre au bon Melchisedec.
A ton bras droict Dieu ton Seigneur, et Pere,
T'assistera aux belliqueux arroys,
Là, où pour toy, au jour de sa colere,
Rompra la teste à Princes, et à Roys.
Sur les Gentilz exercera justice,
Remplira tout de corps morts envahis,
Et frappera, pour le dernier supplice,
Le chef regnant sur beaulcoup de pays.
Puis, en passant au milieu de la plaine,
Des grands ruisseaux de sang s'abbruvera.
Par ce moyen, ayant victoire pleine,
La teste hault, tout joyeulx, levera.
XVII
Confitemini Domino, quoniam
Argument: C'est ung hymne par lequel David delivré de tous maulx et eslevé Roy sur tout Israel, rendit publicquement grâces à Dieu au tabernacle de l'alliance, là où d'ung grand cueur il celebra la bonté dont il avoit usé envers luy et là se monstre clairement figure de Jesuchrist.
Rendez à Dieu louange, et gloire,
Car il est bening, et clement.
Qui plus est, sa bonté notoire
Dure perpetuellement.
Qu'Israel ores se recorde
De chanter solennellement,
Que sa grande misericorde
Dure perpetuellement.
La maison d'Aaron ancienne
Vienne tout hault presentement
Confesser que la bonté sienne
Dure perpetuellement.
Touts ceulx qui du seigneur ont crainte,
Viennent aussi chanter comment
Sa bonte pitoyable, et saincte,
Dure perpetuellement.
Ainsi que j'estoys en destresse,
En invocquant sa Majesté,
Il m'ouyt, et de ceste presse
Me mist au large, à saulveté.
Le tout puissant, qui m'ouyt plaindre,
Mon party tousjours tenir veult,
Qu'ay je doncq que faire de craindre
Tout ce que l'homme faire peult?
De mon costé il se retire
Avecq ceulx qui me sont amys:
Ainsi, cela que je desire
Je verray en mes ennemys.
Mieulx vault avoir en Dieu fiance
Qu'en l'homme, qui est moins que riens:
Mieulx vault avoir en Dieu fiance
Qu'aux Princes, et grands terriens.
Beaulcoup de gens, c'est chose seure,
M'assiegearent de touts costés:
Au nom de Dieu, ce dy je à l'heure,
Ilz seront par moy reboutés.
Ilz m'avoyent enclos par grand' ire,
Enclos m'avoyent touts mutinés:
Au nom de Dieu, ce vins je à dire,
Ilz seront par moy ruinés.
Ilz m'avoyent enclos comme abeilles,
Et furent, les folz, et haultains,
Au nom du grand Dieu des merveilles,
Comme feu d'espines estainds.
Tu as, importun adversaire,
Rudement contre moy couru,
Pour du tout tresbucher me faire,
Mais l'Eternel m'a secouru.
Le Toutpuissant, c'est ma puissance,
C'est l'argument, c'est le discours
De mes vers pleins d'esjouyssance,
C'est de luy que j'ay heu secours.
Aux maisons de mon peuple juste
On n'oyt rien que joye, et confort,
On chante, on dit, le bras robuste
Du Seigneur a faict grand effort.
De l'Eternel la main adextre
S'est eslevée à ceste foys,
Dieu a faict vertu par sa dextre,
Telle est du bon peuple la voix.
Arriere ennemys, et envie,
Car la mort point ne sentiray,
Ainçoys demoureray en vie,
Et les faicts du Seigneur diray.
Chastié m'a, je le confesse,
Chastié m'a, puny, battu,
Mais point n'a voulu sa haultesse
Que par mort je fusse abattu.
Ouvrez moy les grands portes belles
Du sainct Temple aux justes voué,
Affin que j'entre par icelles
Et que Dieu soit par moy loué.
Ces grands portes sumptueuses
Sont les portes du Seigeur Dieu:
Les justes gens, et vertueuses,
Peuvent passer tout au milieu.
Là diray ta gloyre supreme,
Là par moy seras celebré,
Car en adversité extreme
Exaulcé m'as, et delivré.
La pierre par ceulx rejectée
Qui du bastiment ont le soing,
A esté assise, et plantée
Au plus hault du principal coing.
Cela, c'est une oeuvre celeste,
Faicte, pour vray, du Dieu des dieux,
Et ung miracle manifeste,
Lequel se presente à noz yeulx.
La voicy l'heureuse journée
Que Dieu a faicte à plein desir,
Par nous soit joye demenée,
Et prenons en elle plaisir.
Or te prions, Dieu nostre Pere,
En ta garde à ce coup nous tien,
Et en fortune si prospere
D'orenavant nous entretien.
Beneit soit qui au Nom tresdigne
Du Seigneur est venu icy:
O vous, de la maison divine,
Nous vous beneissons touts aussi.
Dieu est puissant, doulx, et propice,
Et nous donra lumiere à gré:
Lyez le boeuf du sacrifice
Aux cornes de l'autel sacré.
Tu es le seul Dieu que j'honnore,
Aussi sans fin te chanteray:
Tu es le seul Dieu que j'adore,
Aussi sans fin t'exalteray.
Rendez à Dieu louange, et gloyre,
Car il est bening, et clement.
Qui plus est, sa bonté notoyre
Dure perpetuellement.
XVIII
Beati omnes, qui timent Dominum
Argument: Il dit que ceulx qui vrayment craignent et ayment Dieu sont heureux soit en public soit en privé.
Bienheureux est quiconques
Sert à Dieu vouluntiers,
Et ne se lassa oncques
De suyvre ses sentiers.
Du labeur que sçays faire
Vivras commodement,
Et yra ton affaire
Bien, et heureusement.
Quant à l'heur de ta ligne,
Ta femme en ta maison
Sera comme une vigne,
Portant fruict à foison.
Et autour de la table
Seront tes enfants beaulx,
Comme ung reng delectable
D'oliviers touts nouveaulx.
Ce sont les benefices
Dont seras jouyssant
Celluy qui, fuyant vices,
Craindra le Toutpuissant.
De Syon Dieu sublime
Te fera tant de bien,
De veoir Hierosolyme
En tes jours aller bien.
Et verras de ta race
Double posterité,
Et sur Israel grâce,
Paix, et felicité.
XIX
Pseaulme Cent trentehuictiesme
Confitebor tibi Domine in toto corde
Argument: Il celebre la bonté de Dieu qui l'avoit retiré de tous perilz et heureusement eslevé en dignité royale: puis chante qu'il en rendra grâces à Dieu et que mesmes tous autres Roys luy en donneront louange: se promet aussi qu'à l'advenir le secours de Dieu ne luy fauldra point.
Il fault que de touts mes Espritz
Ton loz, et pris
J'exalte, et prise.
Devant les grands me presenter,
Pour te chanter,
J'ay faict emprise.
En ton Sainct Temple adoreray,
Celebreray
Ta renommée,
Pour l'amour de ta grand' bonté
Et feaulté
Tant estimée.
Car tu as faict ton Nom moult grand
En te monstrant
Vray en parolles:
Des que je crie, tu m'entends.
Quand il est temps
Mon cueur consoles.
Dont les Roys de chascun pays
Moult esbahys
T'ont loué, Sire,
Apres qu'ilz ont congneu que c'est
Ung vray arrest
Que de ton dire.
Et de Dieu, ainsi que je fays,
Chantent les faictz
A sa memoyre,
Confessants que du Toutpuissant
Resplendissant
Grande est la gloyre.
De veoir si bas tout ce qu'il fault
De son plus hault
Throne celeste,
Et de ce qu'estant si loingtain,
Grand, et haultain,
Se manifeste.
Si au milieu d'adversité
Suis agité,
Vif me preserves,
Sur mes ennemys inhumains
Jectes les mains,
Et me conserves.
Et parferas mon cas tout seur,
Car ta doulceur
Jamais n'abaisses:
Ce qu'une foys as commencé,
Et advancé,
Tu ne delaisses.
XX
Luc II
Nunc dimittis servum tuum Domine
Or laisses, Createur,
En paix ton serviteur
Ensuyvant ta promesse:
Puis que mes yeulx ont heu
Ce credit d'avoir veu
De ton Salut l'addresse.
Salut mys au devant
De ton peuple vivant,
Pour l'ouyr, et le croyre:
Ressourse des petitz,
Lumiere des Gentilz,
Et d'Israel la gloyre.
Fin des vingt Psalmes derniers, traduitz par Clement Marot: comprins le Cantique de Simeon.
Pseaulme Premier, à deux versetz pour couplet à chanter
Beatus vir qui non abiit.
Argument: Ce pseaulme chante, que ceulx sont bien heureulx, qui regettans les meurs, et le conseil des maulvais, s'adonnent à congnoistre, et mettre à effect, la Loy de Dieu: et malheureux ceulx, qui font au contraire. Chose propre pour consoler les bons.
Qui au conseil des malings n'a esté,
Qui n'est au trac des pecheurs arresté,
Qui des mocqueurs au banc place n'a prise:
Mais nuict, et jour, la Loy contemple, et prise
De l'Eternel, et en est desireux:
Certainement cestuy là est heureux.
Et si sera semblable à l'arbrisseau
Planté au long d'ung clair courant ruisseau,
Et qui son fruict en sa saison apporte,
Duquel aussi la fueille ne chet morte:
Si qu'ung tel homme, et tout ce qu'il fera,
Tousjours heureux, et prospere sera.
Pas les pervers n'auront telles vertus:
Ainçoys seront semblables aux festus,
Et à la pouldre au gré du vent chassée.
Parquoy sera leur cause renversée
En jugement, et touts ces reprouvés
Au reng des bons ne seront point trouvés.
Car l'Eternel les justes congnoist bien,
Et est soingneux et d'eulx, et de leur bien:
Pourtant auront felicité, qui dure.
Et pour aultant qu'il n'a ne soing ne cure
Des mal vivants, le chemin qu'ilz tiendront,
Eulx, et leurs faicts, en ruyne viendront.
-- Ever noticed how cleverly Marot organises the first verse,
saving the first biblical word (Beatus/heureux)
till the very end of this stanza.
II
Pseaulme Second, à deux coupletz differentz de chant, chascun couplet d'ung verset
Quare fremuerunt gentes.
Argument: Icy veoit on comment David, et son royaulme, sont vraye figure, et indubitable prophetie de Jesuchrist, et de son regne. Pseaulme propre contre les Juifs.
Pourquoy font bruyt, et s'assemblent les gens?
Quelle follie à murmurer les meine?
Pourquoy sont tant les peuples diligens
A mectre sus une entreprise vaine?
Bandez se sont les grands Roys de la terre,
Et les Primats ont bien tant presumé
De conspirer, et vouloir faire guerre
Touts contre Dieu, et son Roy bien aymé:
Disants entre eulx desrompons, et brisons
Touts les lyens dont lyer nous pretendent:
Au loing de nous jectons, et mesprisons
Le joug, lequel mectre sur nous s'attendent.
Mais cestuy là, qui les haultz cieulx habite,
Ne s'en fera que rire de là hault.
Le Toutpuissant de leur façon despite
Se mocquera: car d'eulx il ne luy chault.
Lors s'il luy plaist, parler à eulx viendra
En son courroux (plus qu'aultre espouventable)
Et touts ensemble estonnés les rendra,
En sa faveur terrible, et redoubtable.
Roys, dira il, d'où vient ceste entreprinse?
De mon vray Roy j'ay faict election,
Je l'ay sacré, sa couronne il a prinse
Sur mon tres sainct, et hault [mont] de Sion.
Et je (qui suis le Roy, qui luy ay pleu)
Racompteray sa sentence donnée:
C'est qu'il m'a dict: Tu es mon Filz esleu,
Engendré t'ay ceste heureuse journée.
Demande moy, et pour ton heritage
Subjects à toy touts peuples je rendray:
Et ton Empire aura cest advantage,
Que jusqu'aux bords du monde l'estendray.
Verge de fer en ta main porteras,
Pour les dompter, et les tenir en serre,
Et s'il te plaist, menu les briseras,
Aussi aisé, comme ung vaisseau de terre.
Maintenant donc, ô vous et Roys, et Princes,
Plus entenduz, et sages devenez:
Juges aussi de terres, et provinces,
Instruction à ceste heure prenez.
Du Seigneur Dieu serviteurs rendez vous,
Craignez son ire, et luy vueillez complaire:
Et d'estre à luy vous resjouyssez touts,
Ayants tousjours crainte de luy desplaire.
Faictes hommaige au Filz, qu'il vous envoye,
Que courroucé ne soit amerement:
Affin aussi que de vie, et de voye,
Ne periss[i]ez trop malheureusement.
Car tout acoup son courroux rigoreux
S'embrasera, qu'on ne s'en donra garde.
O combien lors ceulx là seront heureux,
Qui se seront mys en sa saulvegarde!
III
Pseaulme Troisieme à ung verset pour couplet à chanter
Domine, quid multiplicati sunt?
Argument: David assailly d'une grosse armée, s'estonne du commencement. Puis prend une si grande fiance en Dieu, qu'apres l'avoir imploré il s'asseure de la victoire. Pseaulme propre pour ung chef de guerre moins bien accompaigné que son ennemy.
O Seigneur, que de gens A nuyre diligens: Qui me troublent, et grievent! Mon Dieu, que d'ennemys, Qui aux champs se sont mys, Et contre moy s'eslevent! Certes plusieurs j'en voy, Qui vont disant de moy Sa force est abolie: Plus ne trouve en son Dieu Secours en aulcun lieu: Mais c'est à eulx follie. Car tu es mon tres seur Bouclier, et deffenseur, Et ma gloire esprouvée: C'est toy, à brief parler, Qui fais que puis aller Hault la test levée. J'ay crié de ma voix Au Seigneur maintesfoys, Luy faisant ma complaincte: Et ne m'a repoulsé, Mais toujours exaulcé De sa Montaigne saincte. |
Dont coucher m'en iray,
En seurté dormiray,
Sans craincte de mesgarde:
Puis me resveilleray,
Et sans peur veilleray,
Ayant Dieu pour ma garde.
Cent mil' hommes de front
Craindre ne me feront,
Encor qu'ilz l'entreprinssent,
Et que pour m'estonner,
Clorre, et environner,
De tous costés me vinssent.
Vien doncq', declaire toy
Pour moy mon Dieu, mon Roy,
Qui de buffes renverses
Mes ennemys mordants,
Et qui leur romps les dents
En leurs bouches perverses.
C'est de toy Dieu treshault,
De qui attendre fault
Vray secours, et deffense:
Car sur ton peuple estends
Tousjours en lieu, et temps,
Ta grand' beneficence.

Ps. 3, edition by Roffet, 1543
IV
Pseaulme Quatriesme à ung verset pour couplet à chanter
Cum invocarem, exaudivit me.
Argument: En la conspiration d'Abschalom, il invocque Dieu: reprent les princes d'Israel conspirans contre luy, les appelle à repentance: et conclud qu'il se trouve bien de se fier en Dieu. Pseaulme pour ung prince qu'on veult deposer de son throsne.
Quand je t'invocque, helas escoute,
O Dieu de ma cause, et raison,
Mon cueur serré, au large boute,
De ta pitié ne me reboute,
Mais exaulce mon oraison.
Jusques à quand gens inhumaines,
Ma gloire abbatre tascherez?
Jusques à quand emprinses vaines,
Sans fruict, et d'abusion pleines
Aymerez vous, et chercherez?
Sachez, puis qu'il le convient dire,
Que Dieu pour son Roy gracieux
Entre touts m'a voulu eslire:
Et si à luy crie, et souspire,
Il m'entendra de ses haults cieulx.
Tremblez doncques de telle chose,
Sans plus contre son vueil pecher:
Pensez en vous ce que propose,
Dessus voz licts, en chambre close,
Et cessez de plus me fascher.
Puis offrez juste sacrifice,
De cueur contrict, bien humblement,
Pour repentance d'ung tel vice:
Mectant au Seigneur Dieu propice
Voz fiancés entierement.
Plusieurs gens disent, qui sera ce,
Qui nous fera veoir force biens?
O Seigneur, par ta saincte grâce,
Vueilles la clarté de ta face
Eslever sur moy, et les miens.
Car plus de joye m'est donnée
Par ce moyen (ô Dieu tres hault)
Que n'ont ceulx qui ont grand' année
De froument, et bonne vinée,
D'huyles, et tout ce qu'il leur fault.
Si qu'en paix, et en seurté bonne
Coucheray, et reposeray.
Car Seigneur, ta bonté l'ordonne:
Et elle seulle espoir me donne,
Que seur, et seul regnant seray.
V
Pseaulme Cinquiesme à ung verset pour couplet à chanter
Verba mea auribus percipe.
Argument: David en exil ayant beaucoup souffert, et s'attendant souffrir d'advantaige, par les flatteurs qui estoient autour de Saül, dresse sa priere à Dieu, puis se console, quand il pense que le Seigneur a tousjours les maulvais en hayne, et qu'il favorise les bons. Pseaulme propre contre les calumniateurs.
Aux parolles que je veulx dire,
Plaise toy l'oreille prester,
Et à congnoistre t'arrester
Pourquoy mon cueur pense, et souspire,
Souverain Sire.
Entends à la voix tres ardante
De ma clameur mon Dieu, mon Roy,
Veu que tant seullement à toy
Ma supplication presente
J'offre, et presente.
Matin devant que jour il face,
S'il te plaist, tu m'exaulceras:
Car bien matin prié seras
De moy, levant au ciel la face,
Attendant grâce.
Tu es le vray Dieu, qui meschance
N'aymes point, ne malignité:
Et avec qui (en verité)
Malfaicteurs n'auront accointance,
Ne demourance.
Jamais le fol, et temeraire
N'ose apparoir devant tes yeulx:
Car tousjours te sont odieux
Ceulx, qui prennent plaisir à faire
Maulvais affaire.
Ta fureur pert, et extermine
Finablement touts les menteurs.
Quant aux meurtriers, et decepteurs,
Celluy qui terre, et ciel domine
Les abomine.
Mais moy, en la grand' bonté mainte,
Laquelle m'as faict savourer,
Iray encores t'adorer
En ton Temple, en ta maison saincte,
Dessoubs ta crainte.
Mon Dieu, guide moy, et convoye
Par ta bonté, que ne soys mys
Soubs la main de mes ennemys:
Et dresse devant moy ta voye,
Que ne forvoye.
Leur bouche rien de vray n'ameine,
Leur cueur est feint, faulx, et couvert,
Leur gosier ung sepulchre ouvert:
De flatterie faulse, et vaine
Leur langue est pleine.
O Dieu, monstre leur qu'ilz mesprennent:
Ce qu'ilz pensent faire deffaicts:
Chasse les, pour leurs grands meffaicts:
Car c'est contre toy qu'ilz se prennent,
Tant entreprennent!
Et que touts ceulx se resjouyssent,
Qui en toy ont espoir, et foy:
Joye auront sans fin dessoubs toy,
Avec ceulx qui ton Nom cherissent,
Et te beneissent.
Car de bien faire tu es large
A l'homme juste, ô vray Saulveur,
Et le couvres de ta faveur,
Tout ainsi comme d'une targe
Espesse, et large.
VI
Pseaulme Sixiesme, à ung verset pour couplet à chanter
Domine, ne in furore tuo arguas me.
Argument: David malade à l'extremité, a horreur de la mort, desire avant que mourir, glorifier encores le nom de Dieu: puis tout acoup se resjouyt de sa convalescence, et de la honte de ceulx qui s'attendent à sa mort. Pseaulme propre pour les malades.
Ne vueilles pas, ô Sire,
Me reprendre en ton ire,
Moy, qui t'ay irrité:
N'en ta fureur terrible
Me punir de l'horrible
Tourment, qu'ay merité.
Ains, Seigneur, vien estendre
Sur moy ta pitié tendre,
Car malade me sens.
Santé doncques me donne:
Car mon grand mal estonne
Touts mes os, et mes sens.
Et mon Esprit se trouble
Grandement, et au double,
En extreme soucy.
O Seigneur plein de grâce,
Jusques à quand sera ce,
Que me lairras ainsi?
Helas, Sire, retourne:
D'entour de moy destourne
Ce merveilleux esmoy.
Certes grande est ma faulte,
Mais, par ta bonté haulte,
De mourir garde moy.
Car en la mort cruelle
Il n'est de toy nouvelle,
Memoire, ne renom.
Qui penses tu, qui die,
Qui loue,et psalmodie
En la fosse ton Nom?
Toute nuict tant travaille,
Que lict, chalit, et paille,
En pleurs je fays noyer:
Et en eau' goutte à goutte
S'en va ma couche toute,
Par si fort larmoyer.
Mon oeil pleurant sans cesse
De despit, et destresse,
En ung grand trouble est mys:
Il est envieilly d'ire,
De veoir entour moy rire
Mes plus grands ennemys.
Sus, sus, arriere iniques,
Deslogez tyranniques,
De moy touts à la foys:
Car le Dieu debonnaire
De ma plaincte ordinaire
A bien ouy la voix.
Le Seigneur en arriere
N'a point mys ma priere,
Exaulcé m'a des cieulx:
Receu a ma demande
Et ce que luy demande
Accordé m'a, et mieulx.
Doncques honteux deviennent
Et pour vaincuz se tiennent
Mes adversaires touts.
Que chascun d'eulx s'eslongne
Subit, en grand' vergongne,
Puis que Dieu m'est si doulx.
VII
Pseaulme Septiesme à ung verset pour couplet à chanter
Domine Deus meus in te speravi.
Argument: Il prie d'estre preservé de la grande persecution de Saül, mect en avant son innocence, requiert le royaulme à luy promis, et confusion à ses adversaires. Finalement, il chante qu'ilz periront de leurs propres glaives, et en loue Dieu. Pseaulme pour ung prince qui en guerre a le droit pour soy.
Mon Dieu, j'ay en toy esperance:
Donne moy donc saulve asseurance
De tant d'ennemys inhumains,
Et fays, que ne tombe en leurs mains:
Affin que leur chef ne me gripe,
Et ne me desrompe, et dissipe,
Ainsi qu'ung Lyon devorant,
Sans que nul me soit secourant.
Mon Dieu, sur qui je me repose,
Si j'ay commys ce qu'il propose,
Si de luy faire ay projecté,
De ma main, tour de lascheté:
Si mal pour mal j'ay voulu faire
A cest ingrat, mais au contraire,
Si faict ne luy ay tour d'Amy,
Quoy qu'à tort me soit ennemy:
Je veulx, qu'il me poursuyve en guerre,
Qu'il m'attaigne, et rue par terre,
Soit de ma vye ruyneur,
Et mecte à neant mon honneur.
Leve toy donc, leve toy Sire
Sur mes ennemys en ton ire,
Veille pour moy, que je soys mys
Au droit, lequel tu m'a promys.
A grands trouppeaulx le peuple vienne
Autour de la Majesté tienne:
Soys pour la cause de nous deux
Hault eslevé au milieu d'eulx.
Là des peuples Dieu sera Juge.
Et alors, mon Dieu, mon refuge,
Juge moy en mon equité,
Et selon mon integrité.
La malice aux malings consomme
Et soustien le droict, et juste homme,
Toy juste Dieu, qui jusqu'au fons
Sondes les cueurs maulvais, et bons.
C'est Dieu, qui est mon asseurance,
Et mon pavoys: j'ay esperance
En luy, qui garde, et faict vainqueur
Ung chascun, qui est droict de cueur.
Dieu est le Juge veritable
De celluy qui est equitable,
Et de celluy, semblablement,
Qui l'irrite journellement.
Si celluy, qui tasche à me nuire
Ne se veult changer, et reduire,
Dieu viendra son glaive aguiser,
Et bander son arc, pour viser.
Desjà le grand Dieu des alarmes
Luy prepare mortelles armes:
Il faict dards propres, et servants
A poursuivre mes poursuivants.
Et l'aultre engendre chose vaine,
Ne conçoit que travail, et peine,
Pour enfanter (quoy qu'il en soit)
Le rebours de ce, qu'il pensoit.
A caver une grande fosse
Il met solicitude grosse:
Mais en la fosse qu'il fera
Luy mesmes il tresbuchera.
Le mal, qu'il me forge, et appreste
Retournera dessus sa teste:
Brief, je voy le mal qu'il commet
Luy descendre sur le sommet.
Dont louange au Seigneur je donne,
Pour sa Justice droicte, et bonne:
Et tant que terre hanteray,
Le nom du Treshault chanteray.
VIII
Pseaulme Huictiesme à ung verset pour couplet à chanter
Domine, Dominus noster, quam.
Argument: Avecques grande admiration, David celebre icy la merveilleuse puissance du createur de toutes choses, et la grande bonté dont il a daigné user envers l'homme, l'ayant faict tel qu'il est. Pseaulme que toute creature humaine devrait sçavoir et chanter.
O Nostre Dieu, et Seigneur amyable
Combien ton Nom est grand, et admirable,
Par tout ce val terrestre spacieux,
Qui ta puissance esleve sur les cieulx!
En tout se voit ta grand vertu parfaicte,
Jusqu'à la bouche aux enfants, qu'on allaicte,
Et rendz par là confuz, et abbatu
Tout ennemy, qui nie ta vertu.
Mais quand je voy, et contemple en courage
Tes cieulx, qui sont de tes doigts hault ouvrage,
Estoilles, Lune, et signes differents,
Que tu as faictz, et assis en leurs rengs.
Adonc je dy apart moy (ainsi comme
Tout esbahy) et qu'est ce que de l'homme?
D'avoir daigné de luy te souvenir,
Et de vouloir en ton soing le tenir?
Tu l'as faict tel, que plus il ne luy reste,
Fors estre Dieu: car tu l'as, quant au reste,
Abondamment de gloire environné,
Remply de biens, et d'honneur couronné.
Regner le fays sur les oeuvres tant belles
De tes deux mains, comme Seigneur d'icelles.
Tu as de vray, sans quelque exception,
My soubs ses piedz tout en subjection:
Brebis, et Boeufz, et leur peaulx, et leurs laines,
Touts les trouppeaulx des haultz montz, et des plaines,
En general, toutes bestes cerchants
A pasturer, par les boys, et les champs:
Oyseaulx de l'air, qui vollent, et qui chantent,
Poissons de mer, ceulx qui nagent, et hantent
Par les sentiers de mer, grands, et petits,
Tu les as touts à l'homme assubjectis.
O Nostre Dieu, et Seigneur amyable,
Comme à bon droict est grand, et admirable,
L'excellent bruyt de ton Nom precieux,
Par tout ce val terrestre spacieux!
IX
Pseaulme Neufviesme à ung verset pour couplet à chanter
Confitebor tibi Domine in toto corde meo.
Argument: C'est ung chant triumphal, par lequel David rend grâces à Dieu de certaine bataille qu'il gaigna, en laquelle mourut son principal ennemy (aulcuns estiment que ce fut Goliath): apres il magnifie la justice de Dieu, qui venge les siens en temps et lieu. Pseaulme propre pour un chef de guerre vaincueur.
De tout mon cueur t'exalteray
Seigneur, et si racompteray
Toutes tes oeuvres nonpareilles,
Qui sont dignes de grands merveilles.
En toy je me veulx resjouyr,
D'aultre soulas ne veulx jouyr:
O Treshault, je veulx en cantique
Celebrer ton Nom autentique:
Pource que par ta grand' vertu
Mon ennemy s'enfuyt battu,
Desconfit de corps, et courage,
Au seul regard de ton visage.
Car tu m'a esté si humain,
Que tu as prins ma cause en main,
Et t'es assis, pour mon refuse,
En chaire, comme juste Juge.
Tu as deffaict mes ennemys,
Le meschant en ruyne mys:
Pour tout jamais leur renommée
Tu as estainte, et consumée.
Or çà, ennemy cault, et fin,
As tu mys ton emprinse à fin?
As tu razé noz cités belles?
Leur nom est il mort avec elles?
Non, non: le Dieu, qui est là hault,
En regne, qui jamais ne fault,
Son Throsne a dressé tout propice
Pour faire raison, et justice.
Là jugera il justement
La terre ronde entierement,
Pesant les causes en droicture
De toute humaine creature.
Et Dieu la retraicte sera
Du paovre, qu'on pourchassera,
Voire sa retraicte opportune,
Au plus dur temps de sa fortune.
Dont ceulx, qui ton Nom congnoistront,
Leur asseurance en toy mectront:
Car Seigneur, qui à toy s'addonne,
Ta bonté point ne l'abandonne.
Chantez en exultation
Au Dieu, qui habite en Sion:
Noncez à gens de toutes guises
Ses oeuvres grandes, et exquises.
Car du sang des justes s'enquiert,
Luy en souvient, et le requiert:
Jamais la clameur il n'oublie
De l'affligé, qui le supplie.
Seigneur Dieu, ce disoys je en moy,
Voy par pitié, que j'ay d'esmoy
Par mes ennemys remplys d'ire,
Et du pas de mort me retire:
Affin qu'au milieu de l'enclos
De Sion, j'annonce ton los:
En demenant resjouyssance,
D'estre recoux par ta puissance.
Incontinent les malheureux,
Sont cheutz au piege faict par eulx:
Leur pied mesme s'est venu prendre
Au filé, qu'ilz ont osé tendre.
Ainsi est congneu l'immortel,
D'avoir faict ung jugement tel,
Que l'inique a senty l'oultrage,
Et le mal de son propre ouvrage.
Croyez, que tousjours les meschants
S'en iront à bas tresbuchants,
Et toutes ces gens insensées
Qui n'ont point Dieu en leurs pensées.
Mais l'homme paovre humilié
Ne sera jamais oublié:
Jamais de l'humble estant en peine,
L'esperance ne sera vaine.
Vien Seigneur, monstre ton effort,
Que l'homme ne soit le plus fort:
Ton pouvoir les gens venir face
En jugement devant ta face.
Seigneur Dieu, qui immortel es,
Tressaillir de crainte fay les:
Donne leur à congnoistre, comme
Nully d'entre eulx n'est rien, fors qu'homme.
X
Pseaulme Dixiesme à deux versetz pour couplet à chanter
Domine ut quid recessisti longe.
Argument: Icy les biens vivans se plaignent à Dieu que toutes manieres de meschantz regnent au monde, dont les povres et petits sont oppressez: et y sont descriptes les meschancetez dont envers eulx usent les mal vivans. Pseaulme propre pour le temps qui court.
Dont vient cela, Seigneur, je te supply,
Que loing de nous te tiens, les yeulx couverts?
Te caches tu, pour nous mectre en oubly?
Mesmes au temps, qui est dur, et divers?
Par leur orgueil sont ardants les pervers
A tourmenter l'humble, qui peu se prise:
Fais que sur eulx tombe leur entreprise.
Car le maling se vante, et se faict seur,
Qu'en ses desirs n'aura aulcun deffault:
Ne prisant rien que l'avare amasseur,
Et mesprisant l'Eternel de là hault.
Tant est il fier, que de Dieu ne luy chault:
Mais tout cela, qu'il pense en sa memoyre,
C'est Dieu n'est point, et si ne le veult croyre.
Tout ce qu'il fait tend à mal sans cesser,
De sa pensée est loing ton jugement:
Tant est enflé, qu'il cuyde renverser
Ses ennemys, à souffler seullement.
En son cueur dit: D'esbranler nullement
Garde je n'ay: car je sçay qu'en nul eage
Ne peult tomber sur moy aulcun dommage.
D'ung parler feint, plein de deception,
Le faulx parjure est tousjours embouché:
Dessoubs sa langue avec oppression,
Desir de nuyre est tousjours embusché.
Semble au brigand, qui sur les champs caché,
L'innocent tue en caverne secrette,
Et qui de l'oeil paovres passants aguette.
Aussi l'inique use du tour secret
Du Lyon cault en sa taniere, helas,
Pour attraper l'homme simple, et paovret,
Et l'engloutir, quand l'a prins en ses laqs.
Il faict le doulx, le marmiteux, le las:
Mais soubs cela, par sa force perverse,
Grand' quantité de paovres gens renverse.
Et dit encor, en son cueur vicieux,
Que Dieu ne veult la souvenance avoir
De tout cela: et qu'il couvre ses yeulx,
A celle fin de jamais n'en rien veoir.
Leve toy doncq, Seigneur, pour y pourveoir:
Haulse ta main dessus, je te supplie,
Et ceulx qui sont persecutés n'oublie.
Pourquoy irrite, et contemne en ses faicts
L'homme meschant le Dieu doulx, et humain?
En son cueur dit qu'enqueste tu n'en fais:
Mais tu vois bien son meffaict inhumain,
Et voyant tout prends les causes en main.
Voylà pourquoy s'appuye le debile
Sur toy, qui es le support du pupille.
Brise la force, et le bras plein d'exces
Du malfaicteur inique, et reprouvé:
Fais de ses maulx l'enqueste, et le proces,
Plus n'en sera par toy ung seul trouvé.
Lors à jamais, Roy de touts approuvé,
Regnera Dieu: et de sa terre saincte
Sera la race aux iniques estaincte.
O Seigneur doncq, s'il te plaist tu oyrras
Ton paovre peuple, en ceste aspre saison:
Et bon courage, et espoir luy donras,
Prestant l'oreille à son humble oraison:
Qui est de faire aux plus petits raison,
Droict aux foullés: si que l'homme de terre
Ne vienne plus leur faire peur ne guerre.
XI
Pseaulme Unziesme, à deux coupletz, différents de chant, chascun couplet d'ung verset
In Domino confido.
Argument: Il se complainct de ceulx qui le chassoyent de toute la terre d'Israel. Puis chante sa confiance en Dieu, et le jugement d'icelluy sur les bons, et sur les mauvais. Pseaulme consolatif pour ceulx qui sont en tribulation, et mis hors de grâce de leurs seigneurs.
Veu que du tout en Dieu mon cueur s'appuye,
Je m'esbahy, comment de vostre mont,
Plustost qu'oyseau dictes que je m'enfuye.
Vray est que l'arc les malings tendu m'ont,
Et sur la corde ont assis leurs sagettes,
Pour contre ceulx, qui de cueur justes sont,
Les descocher, jusques en leurs cachettes.
Mais on verra bien tost à neant mise
L'intention de telz malicieux,
Quel' faulte aussi a le juste commise?
Sachez que Dieu a son Palays aux cieulx:
Dessus son Throsne est l'Eternel Monarque:
Là hault assis, il voyt tout de ses yeulx,
Et son regard les humains note, et marque.
Tout il espreuve, et le juste il approuve:
Mais son cueur hayt, qui ayme extorsion,
Et l'homme en qui violence se trouve.
Pleuvoir fera feu de punition
Sur les malings, soulphre chaud, flamme ardente,
Vent fouldroyant: voylà la portion
De leur brevage, et leur paye evidente.
Car il est juste, et pource ayme justice:
Tournant tousjours par doulce affection
Vers l'homme droict son oeil doulx, et propice.
XII
Pseaulme Douziesme à ung verset pour couplet à chanter
Salvum me fac Domine.
Argument: il parle contre les flatteurs de la cour de Saül, qui par flatteries, dissimulations et arrogance, estoient molestes à chascun, et prie Dieu y donner ordre. Pseaulme pour tout peuple vexé de gouverneurs de princes.
Donne secours, Seigneur, il en est heure,
Car d'hommes droictz sommes touts desnués:
Entre les filz des hommes, ne demeure
Ung qui ayt foy, tant sont diminués.
Certes chascun, vanité, menteries,
A son prochain dit ordinairement:
Aux levres n'a l'homme, que flatteries,
Et disant l'ung, son cueur parle aultrement.
Dieu vueille doncq ces levres blandissantes
Tout à travers, pour jamais, inciser:
Pareillement ces langues arrogantes,
Qui bravement ne font que deviser.
Qui mesmement entre eulx ce propos tiennent:
Nous serons grands par noz langues su touts,
A nous, de droict, noz levres appartiennent,
Flattons, mentons: qui est maistre sur nous?
Pour l'affligé, pour les petits, qui crient,
Dit le Seigneur, ores me leveray:
Loing les mectray des langues, qui varient,
Et de leurs laqs chascun d'eulx saulveray.
Certes de Dieu la parolle se treuve
Parolle nette, et trespure est sa voix:
Ce n'est qu'argent affiné à l'espreuve,
Argent au feu espuré par sept foys.
Toy doncq, Seigneur, ta promesse, et tes hommes,
Garde, et maintiens par ta gratuité:
Et de ces gens dont tant molestés sommes,
Delivre nous à perpetuité.
Car les malings à grands trouppes cheminent
Deçà, delà, tout est plein d'inhumains,
Lors que d'iceulx les plus meschants dominent,
Et qu'eslevés sont entre les humains.
XIII
Pseaulme Treiziesme à ung verset pour couplet à chanter
Usquequo Domine oblivisceris.
Argument: Après plusieurs batailles perdues, il se plainct, de ce que Dieu tarde tant à le secourir: puis le prie luy donner la joye de victoire obtenue. Pseaulme pour chefz de guerre infortunez.
Jusques à quand as estably,
Seigneur, de me mectre en oubly?
Est ce à jamais? pour combien d'eage
Destourneras tu ton visage
De moy, las, d'angoisse remply?
Jusques à quand sera mon cueur
Veillant, conseillant, praticqueur,
Et plein de soucy ordinaire?
Jusques à quand mon adversaire
Sera il dessus moy vainqueur?
Regarde moy, mon Dieu puissant,
Responds à mon cueur gemissant,
Et mes yeulx troublés illumine:
Que mortel dormir ne domine
Dessus moy quasi perissant.
Que celluy, qui guerre me faict
Ne dye point, je l'ay deffaict:
Et que touts ceulx, qui tant me troublent,
Le plaisir qu'ilz ont ne redoublent,
Par me veoir tresbucher de faict.
En toy gist tout l'espoir de moy.
Par ton secours fais que l'esmoy
De mon cueur en plaisir se change.
Lors à Dieu chanteray louange:
Car de chanter j'auray de quoy.
XIV
Pseaulme quatorziesme à ung verset pour couplet à chanter
Dixit insipiens in corde suo.
Argument: Il dit que tout est plain d'infideles et ethniques, descript leur entendement corrompu: souhaicte et predict leur ruine et la delivrance du peuple de Dieu, par eulx devoré. Pseaulme contre les ennemis de Dieu et de ceulx qui l'ayment.
Le fol maling en son cueur dict, et croyt,
Que Dieu n'est point: et corrompt, et renverse
Ses meurs, sa vie, horribles faicts exerce:
Pas ung tout seul ne faict rien bon ne droict,
Ny ne vouldroit.
Dieu du hault ciel a regardé icy
Sur les humains, avecques diligence,
S'il en verroit quelcun d'intelligence,
Qui d'invocquer la divine mercy
Fust en soucy.
Mais tout bien veu a trouvé que chascun
A forvoyé, tenant chemins dammables
Ensemble touts sont faicts abominables:
Et n'est celluy, qui face bien aulcun,
Non jusqu'à ung.
N'ont ilz nul sens, touts ces pernicieux,
Qui font tout mal, et jamais ne se changent?
Qui comme pain mon paovre peuple mangent,
Et d'invocquer ne sont point soucieux
Le Dieu des cieulx?
Certainement [tant] esbahys seront,
Que sur le champ ilz trembleront de craincte:
Car l'Eternel, par sa faveur tressaincte,
Tiendra pour ceulx qui droicts se trouveront,
Et l'aymeront.
Ha malheureux, vous vous estudiez
A vous mocquer de l'intention bonne,
Que l'immortel au paovre affligé donne,
Pource qu'ilz sont sur luy touts appuyés,
Et en riez.
O qui, et quand de Syon sortira
Pour Israel secours en sa souffrance?
Quand Dieu mectra son peuple à delivrance,
De joye adoncq Israel jouyra,
Jacob rira.
XV
Pseaulme Quinziesme à ung verset pour couplet à chanter
Domine, quis habitabit.
Argument: Ce Pseulme chante de quelles meurs doivent estre ornez les vrays citoyens des cieulx. Pseaulme propre pour inciter à bien vivre.
Qui est ce qui conversera,
O Seigneur, en ton Tabernacle?
Et qui est celluy qui sera
Si heureux, que par grâce aura
Sur ton sainct Mont seur habitacle?
Ce sera celluy droictement
Qui va rondement en besongne:
Qui ne faict rien que justement,
Et dont la bouche appertement
Verité en son cueur tesmoigne:
Qui par sa langue point ne faict
Rapport, qui loz d'aultruy efface:
Qui à son prochain ne meffaict:
Qui aussi ne souffre de faict,
Qu'opprobre à son voysin on face:
Ce sera l'homme contemnant
Les vicieux: aussi qui prise
Ceulx, qui craignent le Dieu regnant:
Ce sera l'homme bien tenant
(Fust ce à son dam) la foy promise:
Qui à usure n'entendra:
Et qui si bien justice exerce,
Qui le droict d'aultruy ne vendra:
Que le charier ainsi vouldra,
Craindre ne fault, que jamais verse.
XVI
Pseaulme Dixneufviesme à ung verset pour couplet à chanter
Coeli enarrant gloriam Dei.
Argument: Il monstre, par le merveilleux ouvraige des cieulx, combien Dieu est puissant: loue et exalte la loy divine: et en fin prie le seigneur qu'il le preserve de peché, affin de luy estre agreable. Pseaulme pour faire contempler la puissance et bonté de Dieu.
Les cieulx, en chascun lieu;
La puissance de Dieu
Racomptent aux humains:
Ce grand entour espars
Nonce de toutes pars
L'ouvrage de ses mains.
Jour apres jour coulant
Du Seigneur va parlant
Par longue experience:
La nuict, suyvant la nuict,
Nous presche, et nous instruict
De sa grand'sapience.
Et n'y a nation,
Langue, prolation,
Tant soit d'estranges lieux,
Qui n'oyt bien le son,
La maniere, et façon
Du langage des cieulx.
Leur tour par tout s'estend,
Et leur propos s'entend
Jusques au bout du monde:
Dieux en eulx a posé
Palays bien composé
Au Soleil clair, et munde.
Dont il sort ainsi beau
Comme ung espoux nouveau
De son paré pourpris:
Semble ung grand prince à veoir,
S'esgayant pout avoir
D'une course le pris.
D'ung bout des cieulx il part,
Et attaint l'aultre part
En ung jour, tant est viste:
Oultre plus, n'y a rien
En ce val terrien
Qui sa chaleur evite.
La tresentiere Loy
De Dieu souverain Roy,
Vient l'âme restaurant:
Son tesmoignage seur,
Sapience en doulceur
Monstre à l'humble ignorant.
D'icelluy Roy des Roys
Les mandements sont droicts,
Et joye au cueur assignent:
Les Commandements sainctz
De Dieu sont purs, et sains,
Et les yeulx illuminent.
L'obeissance à luy
Est ung tressainct appuy
A perpetuité:
Dieu ne faict jugement,
Qui veritablement
Ne soit plein d'equité.
Ces choses sont encor
Plus desirables qu'or,
Fust ce fin or de touche:
Et en ung cueur sans fiel,
Sont plus doulces que miel,
Ne pain de miel en bouche.
Qui servir te vouldra,
Par ces poinctz apprendra
A ne se forvoyer:
Et en les observant,
En aura le servant
Grand, et riche loyer.
Mais où se trouvera
Qui ses faultes sçaura
Nombrer, penser, ne dire?
Las de tant de pechés,
Qui me sont touts cachés,
Purge moy, trescher Sire:
Aussi des grands forfaictz
Temerairement faictz,
Soit ton serf relasché,
Qu'ilz ne regnent en moy:
Si seray hors d'esmoy,
Et net de grand peché.
Ma bouche prononcer,
Ne mon cueur rien penser
Ne puisse, qui ne plaise
A toy, mon deffendeur,
Saulveur, et amendeur
De ma vie maulvaise.
XVII
Deus meus respice in me, quare dereliq.
Argument: Prophetie de Jesuchrist, en laquelle David chante d'entrée sa basse et honteuse dejection: puis l'exaltation et l'estendue de son royaulme jusques aux fins de la terre, et la perpetuelle durée d'icelluy. Pseaulme propre pour chanter à la passion du redempteur.
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu laissé,
Loing de secours, d'ennuy tant oppressé,
Et long du cry, que je t'ay addressé
En ma complaincte?
De jour, mon Dieu, je t'invocque sans faincte,
Et toutesfoys ne respond ta voix saincte:
De nuict aussi, et n'ay, de quoy estaincte
Soit ma clameur.
Helas, tu es le Sainct, et la tremeur,
Et d'Israel le resident bonheur,
Là où t'a pleu que ton los, et honneur
On chante, et prise.
Noz Peres ont leur fiance en toy mise,
Leur confiance ilz ont sur toy assise:
Et tu les as de captifz, en franchise
Tousjours boutés.
A toy criants, d'ennuy furent ostés,
Esperé ont en tes sainctes bontés,
Et ont receu, sans estre reboutés,
Ta grâce prompte.
Mais moy, je suis ung verm, qui rien ne monte,
Et non plus homme, ains des hommes la honte:
Et plus ne sers que de fable, et de compte
Au peuple bas.
Chascun qui voit comme ainsi tu m'abas,
De moy se mocque, et y prend ses esbas:
Me font la mouë: et puis hault, et puis bas,
Hochent la teste.
Puis vont disant: Il s'appuye, et s'arreste
Du tout sur Dieu, et luy faict sa requeste:
Donc qu'il le saulve, et que secours luy preste,
S'il l'ayme tant.
Si m'as tu mys hors du ventre pourtant:
Causes d'espoir tu me fus apportant:
Des que j'estoys les mammelles tetant
De ma nourrice.
Et qui plus est, sortant de la matrice,
Me recueillit ta saincte Main tutrice,
Et te monstras estre mon Dieu propice
Des que fus né.
Ne te tien donc de moy si destourné:
Car le peril m'a de pres adjourné:
Et n'est aulcun par qui me soit donné
Secours ne grâce.
Maint gros Taureau m'environne, et menace:
Les gros Taureaux de Basan terre grasse,
Pour m'assieger m'ont suivy à la trace
En me pressant:
Et tout ainsi qu'ung Lyon ravissant,
Apres la proye en fureur rugissant,
Ilz ont ouvert dessus moy languissant
Leur gueule gloute.
Las, ma vertu comme eau' s'escoule toute,
N'ay os qui n'ayt la joincture dissoulte:
Et comme cire en moy fond goutte à goutte
Mon cueur fasché.
D'humeur je suis comme tuylle asseiché:
Mon palais est à ma langue attaché:
Tu m'as faict prest d'estre au tumbeau couché,
Reduict en cendre.
Car circuy m'ont les chiens pour me prendre:
La faulse trouppe est venue m'offendre,
Venue elle est me transpercer, et fendre
Mes piedz, et mains.
Compter je puis mes os du plus au moins:
Ce que voyants les cruelz inhumains,
Touts resjouys me jectent regards maints,
Avec risée.
Jà ma despouille entre eulx ont divisée:
Entre eulx desjà ma robbe deposée
Ilz ont au sort hazardeux exposée,
A qui l'aura.
Seigneur, ta main donc ne s'eslongnera:
Ains par pitié secours me donnera:
Et s'il te plaist, elle se hastera,
Mon Dieu, ma force:
Saulve de glaive, et de mortelle estorce,
Mon âme, helas, que de perdre on s'efforce:
Delivre la, que du Chien ne soit morse,
Chien enragé.
Du Leonin gosier encouragé
Delivre moy: responds à l'affligé,
Qui est par grands Licornes assiegé
Des cornes d'elles.
Si compteray à mes freres fideles
Ton Nom treshault: tes vertus immortelles
Diray parmy les assemblées belles,
Parlant ainsi:
Vous craignants Dieu, confessez le sans si:
Filz de Jacob, exaltez sa Mercy:
Crains le tousjours toy d'Israel aussi,
La race entiere:
Car rebouté n'a l'humble en sa priere,
Ne destourné de luy sa Face arriere:
S'il a crié, sa bonté singuliere
L'axaulcé.
Ainsi ton los par moy sera haulsé
En grande trouppe: et mon voeu jà dressé
Rendray, devant le bon peuple amassé,
Qui te craint, Sire.
Là mangeront les paovres à suffire,
Beneira Dieu, qui Dieu craint, et desire,
O vous ceulx là, sans fin (je le puis dire)
Voz cueurs vivront.
Cela pensant, touts se convertiront
Les boutz du monde, et à Dieu serviront:
Brief, toutes gens leurs genoulx fleschiront
En ta presence.
Car ilz sçauront qu'à la divine essence
Seulle appartient Regne, et magnificence:
Dont sur les gens seras par excellence
Roy conquerant.
Gras, et repeuz te viendront adorant:
Voire le maigre à la fossé courant,
Et dont la vie est hors de restaurant,
Te donna gloire.
Puis leurs enfants à te servir, et croire
S'enclineront: et en tout territoyre
De filz en filz il sera faict memoyre
Du Toutpuissant.
Tousjours viendra quelcun d'entre eulx yssant,
Lequel au peuple à l'advenir naissant,
Ira par tout ta bonté annonçant
Sur moy notoyre.
XVIII
Pseaulme Vingtquatriesme à deux versetz pour couplet à chanter
Domini est terra, et plenitudo.
Argument: David feit ce Pseaulme pour dire quand on ameneroit l'arche où habitoit la divinité, dedans le temple que Salomon devoit faire. Et est ledict Pseaulme propre pour chanter à la consecration d'ung nouveau temple.
La terre au Seigneur appartient,
Tout ce qu'en sa rondeur contient,
Et ceulx qui habitent en elle.
Sur mer fondement luy donna,
L'enrichit, et l'environna
De maint riviere tresbelle.
Mais sa Montaigne est ung sainct lieu:
Qui viendra doncq au Mont de Dieu?
Qui est ce, qui là tiendra place?
L'homme de mains, et cueur lavé,
En vanités non eslevé,
Et qui n'a juré en fallace.
L'homme tel, Dieu le beneira:
Dieu son saulveur le munira
De misericorde, et clemence.
Telle est la generation
Cherchant, cherchant d'affection
Du Dieu de Jacob la presence.
Haulsez voz testes grands portaulx,
Huys eternelz, tenez vous haultz,
Si entrera le Roy de gloire.
Qui est ce Roy tant glorieux?
C'est le fort Dieu victorieux,
Le plus fort qu'en guerre on peult croire.
Haulsez voz testes grands portaulx,
Huys eternelz tenez vous haultz,
Si entrera le Roy de gloire.
Qui est ce Roy tant glorieux?
Le Dieu d'armes victorieux,
C'est luy, qui est le Roy de gloire.
XIX
Pseaulme Trentedeuxiesme à ung verset pour couplet à chanter
Beati quorum remissae sunt iniquit.
Argument: David puny par maladie, pour son peché, chante que heureux sont ceulx qui par leur couple ne tumbent point en l'inconvenient où il est: confesse son peché: Dieu luy pardonne: enhorte les mauvais à bien vivre et lesbons à se resjouyr. Pseaulme pour quiconques pense le mal qu'il ha, venir de son peché.
O bien heureux celluy dont les commises
Transgressions, sont par grâce remises:
Duquel aussi les iniques pechés
Devant son Dieu sont couverts, et cachés.
O combien plein de bonheur je repute
L'homme, à qui Dieu son peché point n'impute:
Et en l'Esprit duquel n'habite point
D'hypocrisie, et de fraude ung seul poinct.
Durant mon mal, soit que vinse à me taire,
Las de crier: soit que me prinse à braire,
Et à gemir tout le jour sans cesser,
Mes os n'ont faict que fondre, et s'abaisser.
Car jour et nuict ta main dure ay sentie,
Par mon peché, sur moy appesantie:
Si que l'humeur de moy ainsit traicté,
Sembloit du tout seicheresse d'esté.
Mais mo peché je t'ay declairé, Sire,
Caché ne l'ay: et n'ay sceu si tost dire,
Il fault à Dieu confesser mon meffaict,
Que ta bonté vray pardon ne m'ait faict.
Pour ceste cause, à heure propre, et bonne,
Te requerra toute saincte personne:
Et quand de maulx ung deluge courroit,
D'icelle adonc approcher ne pourroit.
C'est toy qui es mon Fort, et ma retraicte:
C'est toy qui fais qu'ennuy mal ne me traicte:
C'est toy pa qui à touts coups m'est livré
De quoy chanter, par me veoir delivré.
Vien çà chascun, je te veulx faire entendre,
Et te monstrer la voye, où tu doibs tendre,
En ayant l'oeil droit dessus toy planté,
Pour t'addresser, comme experimenté.
Ne sois semblable au cheval, et la mule,
Qui n'ont en eulx intelligence nulle:
Pour les garder de mordre, tu refreins
Leurs dentz, et gueule, avecques mors, et freins.
L'homme endurcy sera dompté de mesmes,
Par maulx sans nombre, et par douleurs extresmes.
Mais qui en Dieu mectra tout son appuy,
Par grand' doulceur sera traité de luy.
Or ayez donc de plaisir jouyssance:
Et touts en Dieu prenez resjouyssance
Justes humains: menez joye orendroict
Chascun de vous, qui avez le cueur droict.
XX
Pseaulme Trenteseptiesme à deux versetz pour couplet à chanter
Noli aemulari in malignantibus.
Argument: Affin que les bons se s'esbahissent de veoir prosperer les mauvais, David chante que toutes choses viendront à souhaict à ceulx qui ayment et craignent Dieu. Et que ceulx qui n'en font compte (combien qu'ilz semblent florir pour quelque temps) seront en fin deracinez. Pseaulme pour consoler les pauvres bien vivantz.
Ne sois fasché si durant ceste vie
Souvent tu voys prosperer les meschants,
Et des malings aux biens ne porte envie:
Car en ruine à la fin tresbuschants,
Seront fauschés comme foin, en peu d'heure,
Et seicheront comme l'herbe des champs.
En Dieu te fie, à bien faire labeure:
La terre auras pour habitation,
Et jouyras de rente vraye, et seure.
En Dieu sera ta delectation:
Et des souhaitz, que ton cueur vouldra faire,
Te donnera pleine fruition.
Remects en Dieu et toy, et ton affaire,
En luy te fie: et il accomplira
Ce que tu veulx accomplir, et parfaire.
Ta preud'hommie en veue il produira,
Comme le jour, si que ta vie bonne,
Comme ung midy par tout resplendira.
Laisse Dieu faire, attends le, et ne te donne
Soucy aulcun, regret, ne desplaisir
Du prosperant, qui à fraude s'addonne.
Si dueil en as, vueilles t'en dessaisir:
Et de te joindre à eulx n'aye courage,
Pour faire mal, et suyvre leur desir:
Car il cherra sur les malins orage.
Mais ceulx qui Dieu attendront constamment,
Possederont la terre en heritage.
Le faulx fauldra si tost, et tellement,
Que quand sa place yras chercher, et querre,
N'y trouveras la trace seullement.
Mais les benings heriteront la terre,
Et y auront, sans moleste d'aultruy,
Tout le plaisir que l'homme sçauroit querre.
Il est certain que tout mal, et ennuy,
L'homme pervers au bien vivant machine,
Et par fureur grince les dents sur luy:
Mais ce pendant la majesté divine
Ryt du meschant: car de ses yeulx ouverts
Voyt bien venir le jour de sa ruine.
Tirer leur glaive on verra les pervers,
Et bander l'arc, pour l'humble, et paovre battre,
Et [touts] les bons ruer morts à l'envers:
Mais leur cousteau sera pour les combattre,
Et percera leur cueur, tant soit il cault,
Verront leur arc aussi rompre, et abbattre.
Certes le peu de l'homme juste, vault
Mille foys mieulx, que la riche abondance
D'ung mal vivant, tant soit eslevé hault.
Car du meschant le bras, et la puissance
Seront rompuz: mais le Dieu supernel
Sera des bons tousjours la soustenance.
Il voyt, et sçait par ung soing paternel,
Les jours de ceulx qui ont vie innocente:
Et d'iceulx est l'heritage eternel.
Point ne seront frustrés de leur attente
Au maulvais temps: et si seront saoulés
Aux plus longs jours de famine dolente.
Mais les malings periront desolés:
Et n'aymants Dieu, s'en yront en fumée,
Ou deviendront comme gresse escoulés.
Leur main sera d'emprunter affamée,
Sans pouvroi rendre: et les justes auront
Dequoy monstrer charité enflammée:
Car les beneits de Dieu possederont
Finablement terre pleine de gresse:
Et les mauldicts en paovreté cherront.
Dieu touts les pas du vertueux addresse,
Et au chemin qu'il veult suyvre, et tenir,
Donne faveur, et l'unist, et le dresse.
Si de tomber ne se peult contenir,
D'estre froissé ne luy fault avoir craincte:
Car Dieu viendra la main luy soustenir.
J'ay esté jeune, et vieillesse ay attaincte,
Et n'ay point veu le juste abandonner,
Ne ses enfants mendier par contraincte:
Ains chascun jour ne faire que donner,
Prester, nourrir: et si voyt on sa race
Accroistre en heur, et en biens foisonner.
Fuy doncq le mal, suy le bien à la trace:
Et de durer à perpetuité
Le Seigneur Dieu te donnera la grâce.
Car il ne perd (tant il ayme equité)
Nul de ses bons, ilz ont garde eternelle:
Mais il destruict les filz d'iniquité.
Les biens vivants en joye solennelle
Possederont la terre, qui produyt,
Et à jamais habiteront en elle.
Du bien vivant la bouche rien n'istruict
Que sapience: et sa langue n'expose
Rien, qui ne soit tres juste, et plein de fruict:
Car en son cueur la Loy de Dieu repose.
Parquoy son pied ne sera point glissant,
Quelcque chemin que tirer il propose.
Il est bien vray, que l'inique puissant
Le juste espie: et pour à mort le mectre
Par tout le quiert comme ung loup ravissant.
Mais en sa main Dieu ne vouldra permectre
Qu'il soit submys, ne le veoir condamner,
Quand à justice il se viendra submectre.
Dieu doncq attends, vueille en luy cheminer:
Hault te mectra sur la terre seconde,
Et les malings verras exterminer.
J'ay veu l'inique enflé, et craint au monde,
Qui s'estendant grand, et hault verdissoit,
Comme ung laurier, qui en rameaulx abonde
Puis repassant par où il fleurissoit,
N'y estoit plus, et le cherchay à force:
Mais ne le sceu trouver en lieu qui soit.
Garde de nuyre, à veoir le droict t'efforce:
Car l'homme tel en fin, pour son loyer
Aura repos, loing d'ennuy, et divorce.
Mais touts fauldront les prompts à forvoyer:
Et des nuysants tout le dernier salaire,
Sera que Dieu les viendra fouldroyer.
Que diray plus? Dieu est le salutaire
Des bien vivants: c'est celluy qui sera
Tousjours leur force au temps dur, et contraire.
Les secourant, il les delivrera:
Les delivrant, garde il en vouldra faire,
Pource qu'en luy chascun d'eulx espoir a.
XXI
Pseaulme Trentehuictiesme à ung verset pour couplet à chanter
Domine, ne in furore tuo arguas me.
Argument: David ayant la peste, ou quelque aultre hulcere en la cuisse, se plainct fort à Dieu de la vehemence de son mal, du deffault de ses amys, de la cruaulté de ses ennemys, et implore l'ayde de Dieu. Pseaulme propre pour tous pauvres hulcerez.
Las, en ta fureur aigue
Ne m'argue
De mon faict, Dieu tout puissant:
Ton ardeur ung peu retire,
N'en ton ire
Ne me punys languissant.
Car tes flesches descochées
Sont fischées
Bien fort en moy sans mentir:
Et as voulu (dont j'endure)
Ta main dure
Dessus moy appesantir.
Je n'ay sur moy chair ne veine
Qui soit saine,
Par l'ire en quoy je t'ay mys:
Mes os n'ont de repos ferme
Jour ne terme,
Par les maulx que j'ay commys.
Car les peines de mes faultes
Sont si haultes
Qu'elles surmontent mon chef:
Ce m'est ung faix importable
Qui m'accable,
Tant croist sur moy ce meschef.
Mes cicatrices puantes
Sont fluantes
De sang de corruption:
Las, par ma folle sottie
M'est sortie
Toute ceste infection.
Tant me faict mon mal la guerre,
Que vers terre
Suis courbé totallement:
Avec triste, et noyre mine
Je chemine
Tout en pleurs journellement.
Car mes cuisses, et mes aines
Sont jà pleines
Du mal dont suis tourmenté:
Tellement qu'en ma chair toute
N'y a goutte
D'apparence de santé.
Je, qui souloys estre habile,
Suis debile,
Cassé de corps, pieds, et mains:
Si que de la douleur forte
Qu'au cueur porte,
Je jecte cris inhumains.
Or tout ce que je desire,
Trescher Sire,
Tu le voys clair, et ouvert:
Le souspir de ma pensée
Transpercée
Ne t'est caché ne couvert.
Le cueur me bat à oultrance:
Ma puissance
M'a delaissé tout perclus:
Et de mes yeulx la lumiere
Coustumiere,
Voyre mes yeulx, je n'ay plus.
Les plus grands amys que j'aye,
De ma playe
Sont vis à vis, sans grand soing:
Et (hors mys toutes reproches)
Mes plus proches
La regardent de bien loing.
Ceulx, qui à ma mort s'attendent,
Leurs laqs tendent:
D'aultres voulants me grever,
Mille maulx de moy recensent,
Et ne pensent
Que fraudes pour m'achever.
Et je, comme n'oyant goutte,
Les escoute.
Leur cueur ont beau descouvrir:
Je suis là, comme une souche,
Sans ma bouche
Non plus qu'ung muet ouvrir.
Je suis devenu, en somme,
Comme ung homme
Du tout sourd, et qui n'oyt point,
Et qui n'a, quand on le picque
De replicque
Dedans sa bouche ung seul poinct.
Mais avecques esperance,
L'asseurance
De ton bon secours j'attends,
Et ainsi mon Dieu, mon pere,
Que j'espere,
Tu me repondras à temps.
Je le dy, et si t'en prie
Qu'on ne rie
De mon malheureux esmoy:
Car des qu'ung peu mon pied glisse,
Leur malice
S'esjouyt du mal de moy.
Vien doncq, car je suis en voye
Qu'on me voye
Clocher trop honteusement:
Pource que la grand' destresse
Qui m'oppresse
Me poursuyt incessamment.
Las apart moy, avec honte,
Je racompte
Mon trop inique forfaict,
Je resve, je me tourmente,
Je lamente
Pour le peché que j'ay faict.
Et tandis mes adversaires,
Et contraires,
Sont vifs, et fortifiés:
Ceulx, qui m'ont sans cause aulcune
En rancune,
Sont creuz, et multipliés.
Touts encontre moy se bandent,
Et me rendent
Pour le bien, l'iniquité:
Et de leur hayne la source,
Ce fut pource
Que je suivoye equié.
Seigneur Dieu ne m'abandonne,
Moy personne
Deschassé d'ung chascun.
Loing de moy la grâce tienne
Ne se tienne,
D'ailleurs n'ay espoir aulcun.
Vien, et approche toy doncques,
Vien, si oncques
De tes enfants te chalut:
De me secourir te haste:
Je me gaste,
Seigneur Dieu de mon salut.
XXII
Miserere mei Deus, secundum magnam misericordiam tuam.
Argument: Apres la mort de Urie, David congnoissant son peché, demande pardon à Dieu, et qu'il luy envoie son esperit, pour le garder de plus pescher: s'offre à instruire les autres, et prie pour Hierusalem, qui est la vraye eglise. Pseaulme propre pour quiconques se sent griefvement avoir offensé Dieu.
Misericorde au paovre vicieux,
Dieu tout puissant, selon ta grand' clemence.
Use à ce coup de ta bonté immense,
Pour effacer mon faict pernicieux.
Lave moy, Sire, et relave bien fort,
De ma commise iniquité maulvaise:
Et du peché, qui m'a rendu si ord,
Me nettoyer d'eaue de grâce te plaise.
Car de regret mon cueur vyt en esmoy,
Congnoissant, las, ma grand' faulte presente:
Et qui pis est, mon peché se presente
Incessamment noyr, et laid devant moy.
En ta presence à toy seul j'ay forfaict:
Si qu'en donnant arrest pour me deffaire,
Jugé seras avoir justement faict,
Et vaincras ceulx qui diront du contraire.
Helas je sçay, et si l'ay tousjours sceu,
Qu'iniquité print avec moy naissance:
J'ay d'aultre part certaine congnoissance
Qu'avec peché ma mere m'a conceu.
Je sçay aussi que tu aymes de faict
Vraye equité dedans la conscience:
Ce que n'ay heu, moy à qui tu a faict
Veoir les secretz de ta grand' Sapience.
D'ysoppe doncq par toy purgé seray:
Lors me verray plus net que chose nulle.
Tu laveras ma trop noyre macule:
Lors en blancheur la neige passeray.
Tu me feras joye, et liesse ouyr,
Me revelant ma grâce enterinée:
Lors sentiray croistre, et se resjouyr
Mes os, ma force, et vertu declinée.
Tu as heu l'oeil assez sur mes forfaictz:
Destourne d'eulx ta courroucée Face:
Et te supply non seullement efface
Ce mien peché, mais touts ceulx que j'ay faictz.
O Createur, te plaise en moy créer
Ung cueur tout pur, une vie nouvelle
Et pour encor te pouvoir aggréer,
Le vray Esprit dedans moy renouvelle.
De ton regard je ne soys reculé:
Et te supply, pour finir mon martyre,
Ton sainct Esprit de mon cueur ne retire,
Quand tu l'auras en moy renouvellé.
Redonne moy la liesse, que prit
En ton salut mon cueur jadis infirme:
Et ne m'ostant ce libre, et franc Esprit,
En icelluy pour jamais me confirme.
Lors seullement ne suivray tes sentiers,
Mais les feray aux iniques apprendre:
Si que pecheurs à toy se viendront rendre,
Et se vouldront convertir vouluntiers.
O Dieu, ô Dieu de ma salvation,
Delivre moy de ce mien sanglant vice:
Et lors ma bouche en exultation
Chantera hault ta bonté, et justice.
Ha Seigneur Dieu, ouvre mes levres doncq,
Rien bon n'en sort, quand moymesme les ouvre:
Mais si ta main pour les ouvrir y ouvre,
J'annonceray tes louanges adoncq.
Si tu vouloys sacrifice mortel,
De Boucz, et Boeufz, et compte tu en feisses,
Je l'eusse offert: mais en Temple n'Autel,
Ne te sont point plaisants telz sacrifices.
Le sacrifice aggreable, et bien pris
De l'Eternel, c'est une âme dolente,
Ung cueur submys, une âme penitente,
Ceulx là, Seigneur, ne te sont à mespris.
Traicte Sion en ta benignité,
O Seigneur Dieu: et par tout fortifie
Jerusalem ta treshumble cité,
Ses murs aussi en brief temps edifie.
Adoncq auras de cueurs bien disposés
Oblations telles que tu demandes:
Adoncq les Boeufz, ainsi que tu commandes,
Sur ton Autel seront mys, et posés.
XXIII
Benedic anima mea Domino, et omnia.
Argument: Il chante les grandes et diverses bontez de Dieu envers les hommes, puis invite, et eulx, et toutes choses créées à luy donner louenges, et gloire. Pseaulme qui enseigne à congnoistre Dieu et soy mesmes.
Sus louez Dieu mon âme en toute chose,
Et tout cela, qui dedans moy repose,
Louez son Nom tressainct, et accomply:
Presente à Dieu louanges, et services,
O toy mon âme: et tant de benefices
Qu'en as receu ne les metz en oubly:
Ains le beneis, luy qui de pleine grâce
Toutes tes grands iniquités efface,
Et te guerit de toute infirmité.
Luy, qui rachepte, et retire ta vie
D'entre les dentz de mort pleine d'envie,
T'environnant de sa benignité:
Luy, qui de biens, à souhait, et largesse,
Emplit ta bouche en faisant ta jeunesse
Renouveller, comme à l'Aigle royal.
C'est le Seigneur, qui tousjours se recorde
Rendre le droict, par sa misericorde,
Aux oppressés, tant est Juge loyal.
A Moyses, de peur qu'on ne forvoye,
Manifester voulut sa droicte voye,
Et aux Enfantz d'Israel ses haultz faictz.
C'est le Seigneur enclin à pitié doulce,
Prompt à mercy, et qui tard se courrouce:
C'est en bonté le parfaict des parfaictz.
Il est bien vray, quand par nostre inconstance
Nous l'offensons, qu'il nous menace, et tance:
Mais point ne tient son cueur incessamment,
Selon noz maulx point ne nous faict: mais certes
Il est si doulx, que selon noz dessertes
Ne nous veult pas rendre le chastiment.
Car à chacun, qui craint luy faire faulte,
La bonté sienne il demonstre aussi haulte
Comme sont haultz sur la terre les cieulx:
Aussi loing qu'est la part Orientalle
De l'Occident, à la distance esgalle
Loing de nous met touts nos faictz vicieux.
Comme aux Enfants est piteux ung bon pere,
Ainsi (pour vray)à qui luy obtempere,
Le Seigneur est de doulce affection:
Car il congnoist dequoy sont faictz les hommes,
Il sçayt tresbien, helas, que nous ne sommes
Rien, sinon pouldre, et putrefaction.
A herbe, et foin semblent les jours de l'homme:
Par quelcque temps il fleurit, ainsi comme
La fleur des champs, qui nutriment reçoit.
Puis en sentant d'ung froid vent la venue,
Tourne à neant, tant que plus n'est congneue
Du lieu auquel n'agueres fleurissoit.
Mais la mercy de Dieu est eternelle
A qui le craint: et trouveront en elle
Les filz des filz justice, et grand' bonté:
J'entends ceulx là qui son contract observent,
Et qui sa Loy en memoyre reservent,
Pour accomplir sa saincte voulunté.
Dieu a basty (sans qui bransle, n'empire)
Son Throsne aux cieulx: et dessoubs son Empire
Touts aultres sont et submys, et ployés.
Or louez Dieu Anges de vertu grande,
Anges de luy, qui tout ce qu'il commande
Faictes si tost que parler vous l'oyez.
Beneissez Dieu tout son bel exercite,
Ministres siens, qui de son vueil licite
Executer ne fustes oncq oyseux.
Touts ses haultz faictz en chascun sien Royaulme
Beneissez Dieu: et pour clorre mon Pseaulme,
Louez le aussi mon âme avecques eulx.
XXIV
Benedic anima mea Domino, Domine Deus.
Argument: C'est ung cantique beau par excellence, auquel David celebre et glorifie Dieu de la creation, et gratieux gouvernement de toutes choses. Pseaulme pour congnoistre amplement la puissance de Dieu.
Sus, sus, mon âme, il te fault dire bien
De l'Eternel. O mon vray Dieu, combien
Ta grandeur est excellente, et notoyre!
Tu es vestu de splendeur, et de gloire:
Tu es vestu de splendeur proprement,
Ne plus ne moins que d'ung accoustrement:
Pour pavillon, qui d'ung tel Roy soit digne,
Tu tendz le ciel, ainsi qu'une courtine.
Lambrissé d'eaux est ton palais vousté,
En lieu de char sur la nue es porté:
Et les fortz ventz, qui parmy l'air souspirent,
Ton chariot, avec leurs aesles, tirent.
Des ventz aussi diligents, et legers
Fays tes heraults, postes, et messagers:
Et fouldre, et feu, fort promptz à ton service,
Sont les sergents de ta haulte justice.
Tu a assis la terre rondement
Par contrepoys, sur son vray fondement:
Si qu'à jamais sera ferme en son estre,
Sans se mouvoir n'a dextre n'a senestre.
Au paravant, de profonde, et grand'eau
Couverte estoit, ainsi que d'ung manteau:
Et les grands eaux faisoyent toutes à l'heure
Dessus les montz leur arrest, et demeure:
Mais aussi tost que les vouluz tencer,
Bien tost les feis de partir s'advancer:
Et à ta voix, qu'on oyt tonner en terre,
Toutes de peur s'enfuyrent grand' erre.
Montaignes lors vindrent à se dresser:
Pareillement les vaulx à s'abaisser,
En se rendant droict à la propre place
Que tu leur as estably de ta grâce.
Ainsi la mer bornas, par tel compas
Que son limite elle ne pourra pas
Oultrepasser: et feis ce beau chef d'oeuvre,
Affin que plus la terre elle ne coeuvre.
Tu feis descendre aux vallées les eaux:
Sortir y feis fontaines, et ruysseaux;
Qui vont coulant, et passent, et murmurent
Entre les montz, qui les plaines emmurent.
Et c'est affin que les bestes des champs
Puissent leur soif estre là estanchants,
Beuvants à gré toutes de ces breuvaiges,
Toutes, je dy, jusqu'aux Asnes saulvaiges.
Dessus, et pres de ces ruysseaux courants,
Les oyselletz du ciel sont demourants,
Qui du milieu des fueilles, et des branches,
Font resonner leurs voix nettes, et franches.
De tes haultz lieux, par art aultre qu'humain,
Les montz pierreux arrouses de ta main:
Si que la terre est toute saoule, et pleine
Du fruict venant de ton labeur sans peine.
Car ce faisant, tu fays par montz, et vaulx
Germer le foin, pour Jumentz, et Chevaulx.
L'herbe, à servir l'humaine creature,
Luy produisant de la terre pasture:
Le vin, pour estre au cueur joye, et confort,
Le pain aussi, pour l'homme rendre fort:
Semblablement l'huile, affin qu'il en face
Plus reluysante, et joyeuse sa face.
Tes arbres vertz prennent accroissement,
O Seigneur Dieu, les Cedres mesmement
Du mont Liban, que ta bonté supresme,
Sans artifice, a plantés elle mesme.
Là font leurs nidz (car il te plaist ainsi)
Les passereaux, et les passes aussi:
De l'aultre part, sur haultz sapins besongne,
Et y bastit sa maison la Cygoigne.
Par ta bonté les montz droictz, et haultains,
Sont le refuge aux Chevres, et aux Dains:
Et aux Connilz, et Lievres, qui vont viste,
Les rochers creux sont ordonnés pour giste.
Que diray plus? la claire Lune feis,
Pour nous marquer les moys, et jours prefix:
Et le Soleil, des qu'il leve, et esclaire,
De son coucher a congnoissance claire.
Apres en l'air les tenebres espars:
Et lors se faict la nuict de toutes pars,
Durant laquelle, aux champs sort toute beste
Hors des forestz, pour se jecter en queste.
Les Lyonceaulx mesmes lors sont yssants
Hors de leurs creux, bruyants, et rugissants
Apres la proye, affin d'avoir pasture
De toy, Seigneur, qui sçays leur nourriture:
Puis aussi tost que le Soleil faict jour,
A grands trouppeaulx revont en leur sejour:
Là où touts coys se veaultrent, et reposent,
Et en partir tout le long du jour n'osent.
Adoncques sort l'homme sans nul danger,
S'en va tout droict à son oeuvre renger,
Et au labeur, soit de champ, soit de prée,
Soit de jardin, jusques à la vesprée.
O Seigneur Dieu, que tes oeuvres divers
Sont merveilleux, par le monde univers!
O que tu as tout faict par grand' sagesse!
Brief, la terre est plein de ta largesse.
Quant à la grande, et spacieuse mer,
On ne sçauroit ne nombrer, ne nommer
Les animaulx, qui vont nageant illecques,
Moyens, petits, et de bien grands avecques.
En ceste mer, navires vont errant:
Puis la Balaine, horrible monstre, et grand,
Y as formé, qui bien à l'aise y noue,
Et à son gré par les undes se joue.
Touts animaulx à toy vont à recours,
Les yeulx au ciel: affin que le secours
De ta bonté à repaistre leur donne,
Quand le besoing, et le temps s'y addonne.
Incontinent que tu leur fays ce bien
De le donner, ilz le prennent tresbien:
Ta large main n'est pas plustost ouverte
Que de touts biens planté leur est offerte.
Des que ta Face, et tes yeulx sont tournés
Arriere d'eulx, ilz sont touts estonnés.
Si leur Esprit tu retires, ilz meurent,
Et en leur pouldre ilz revont, et demeurent.
Si ton esprit derechef tu transmetz,
En telle vie adoncques les remetz,
Que paravant: et de bestes nouvelles,
En ung moment, la terre renouvelles.
Or soit tousjours regnant, et fleurissant
La Majesté du Seigneur toutpuissant:
Plaise au Seigneur prendre resjouyssance
Aux oeuvres faictz par sa haulte puissance.
Le Seigneur dy, qui faict horriblement
Terre trembler, d'ung regard seullement:
Voire qui faict (tant peu les sache attaindre)
Les plus haultz montz d'ahan suer, et craindre.
Quant est à moy, tant que vivant seray,
Au Seigneur Dieu chanter ne cesseray:
A mon vray Dieu plein de magnificence
Psalmes feray, tant que j'auray essence.
Si le supply; qu'en propos, et en son,
Luy soit plaisante, et doulce ma chanson:
S'ainsi advient, retirez vous tristesse,
Car en Dieu seul m'esjouiray sans cesse.
De terre soyent infideles exclus,
Et les pervers, si bien qu'il n'en soit plus.
Sus, sus, mon cueur, Dieu où tout bien abonde
Te fault louer, louez le tout monde.
XXV
Laudate pueri, Dominum.
Argument: Il invite à louer Dieu, de ce qu'il regarde, gouverne et mue toutes choses selon sa prudence, tousjours eslevant les humbles, et restablissant les miserables. Pseaulme pour consoler les povres et les femmes steriles.
Enfants, qui le Seigneur servez,
Louez le, et son Nom eslevez,
Louez son Nom, et sa haultesse:
Soit presché, soit faict solennel
Le Nom du Seigneur eternel,
Par tout, en ce temps, et sans cesse.
D'Orient jusqu'en Occident
Doibt estre le loz evident
Du Seigneur, et sa renommée:
Sur toutes gens le Dieu des Dieux
Est exalté, et sur les cieulx
S'esleve sa gloyre estimée.
Qui est pareil à nostre Dieu,
Lequel faict sa demeure au lieu
Le plus hault, que l'on sçauroit querre?
Et puis en bas veult devaller,
Pour toutes choses speculer,
Qui se font au ciel, et en terre?
Le paovre sur terre gisant
Il esleve en l'authorisant,
Et le tire hors de la boue,
Pour le colloquer aux honneurs
Des seigneurs, j'entends des seigneurs
Du peuple, que sien il advoue.
C'est luy qui remplit à foison
De tres beaulx enfants la maison
De la femme, qui est sterile:
Et luy faict joye recevoir,
Quand d'impuissante à concepvoir,
Se voyt d'enfants mere fertile.
XXVI
In exitu Israel de Aegypto.
Argument: De la delivrance d'Israel hors d'Egypte, et succinctement, des principaulx miracles, que Dieu feit pour cela.
Quand Israel hors d'Egypte sortit,
Et la maison de Jacob se partit
D'entre le peuple estrange:
Juda fut faict la grand' gloyre de Dieu,
Et Dieu se feit Prince du peuple Hebrieu,
Prince de grand' louange.
La mer le veit, qui s'enfuyt soubdain,
Et contremont l'eaue du fleuve Jourdain
Retourner fut contrainte.
Comme moutons montaignes ont sailly,
Et si en ont les coustaux tressailly,
Comme aigneletz en crainte.
Qu'avoys tu mer, à t'enfuyr soubdain?
Pourquoy amont l'eaue du fleuve Jourdain
Retourner fus contrainte?
Pourquoy avez monts en moutons sailly?
Pourquoy coustaux en avez tressailly,
Comme aigneletz en crainte?
Devant la face au Seigneur, qui tout peult,
Devant le Dieu de Jacob, quand il veult,
Terre trembla craintifve.
Je dy le Dieu, le Dieu convertissant
La pierre en lac, et le rocher puissant
En fontaine d'eaue vifve.
XXVII
Non nobis, Domine, non nobis, sed.
Argument: Il prie Dieu, vouloir (pour sa gloire) si bien traicter son peuple, qu'il congnoisse qu'il est le seul Dieu. Et que les Idoles des Gentilz ne sont rien qu'ouvrages d'hommes. Pseaulme contre les Idolâtres.
Non point à nous, non point à nous, Seigneur,
Mais à ton Nom donne gloyre, et honneur,
Pour ta grand' bonté seure.
Pourquoy diroyent les gens, en se mocquant,
Où est ce Dieu, qu'ilz vont tant invocquant,
Où est il à ceste heure?
Certainement nostre Dieu tout parfaict
Reside aux cieulx: et de là hault il faict
Tout ce qu'il veult en somme.
Mais ce qu'adore une si mal gent,
Idoles sont, faictes d'or, et d'argent,
Ouvrage de main d'homme.
Bouche elles ont, sans parler ne mouvoir:
Elles ont yeulx, et ne sçauroyent rien veoir,
C'est une chose morte:
Oreilles ont, et ne sçauroyent ouyr:
Elles ont nez, et ne sçauroyent jouyr
D'odeur doulce, ne forte:
Elles ont mains, ne pouvants rien toucher:
Elles ont pieds, et ne sçavent marcher:
Gosier, et point ne crient.
Telz, et pareilz sont touts ceulx, qui les font,
Et ceulx lesquelz à leurs recours s'en vont,
Et touts ceulx qui s'y fient.
Toy Israel, arreste ton espoir
Sur le Seigneur, c'est ta force, et pouvoir,
Bouclier, et saulvegarde.
Maison d'Aaron, arreste ton espoir
Sur le Seigneur, c'est ta force, et pouvoir,
Lequel te saulve, et garde.
Qui craignez Dieu, arrestez vostre espoir
Sur tel Seigneur, car c'est vostre pouvoir,
Soubs qui l'ennemy tremble.
Le Seigneur Dieu de nous souvenir a:
Plus que jamais Israel beneira,
Les filz d'Aaron ensemble.
A touts, qui sont de l'offenser craintifs,
Grands biens a faicts, depuis les plus petits.
Jusqu'à ceulx de grand' eage.
Les biens, et dons, que pour vous faicts il a,
Il fera croistre à vous, et à ceulx là
De vostre parentage.
Car favoris estes, et bien aymés
Du grand Seigneur, qui les cieulx a formés,
Et terre confinée.
Le Seigneur s'est reservé seullement
Les cieulx pour soy: la terre entierement
Aux hommes a donnée.
O Seigneur Dieu, l'homme par mort transi
Ne dit ton loz, ne quiconques aussi
En la fosse devalle:
Mais nous vivants, par tout, où nous irons,
De bouche, et cueur le Seigneur beneirons,
Sans fin, sans intervalle.
XXVIII
De profundis clamavi ad te Domine
Argument: Affectueuse priere de celluy, qui par son peché a beaucoup d'adversitez, et toutesfois, par esperance ferme se promect obtenir de Dieu remission de ses pechez, et delivrance de ses maulx. Pseaulme propre pour tous ceulx qui font penitence.
Du fond de ma pensée,
Au fond de touts ennuys,
A toy s'est addressée
Ma clameur jours, et nuycts.
Entends ma voix plaintive,
Seigneur, il est saison,
Ton oreille ententive
Soit à mon oraison.
Si ta rigueur expresse
En noz pechés tu tiens,
Seigneur, Seigneur, qui est ce,
Qui demourra des tiens?
Or n'es tu point severe,
Mais propice à mercy:
C'est pourquoy on revere
Toy, et ta Loy aussi.
En Dieu je me console,
Mon âme si attend,
En sa ferme parolle
Tout mon espoir s'estend:
Mon âme à Dieu regarde
Matin, et sans sejour,
Plus matin, que la garde
Assise au poinct du jour.
Qu'Israel en Dieu fonde
Hardyment son appuy:
Car en Dieu grâce abonde,
Et secours est en luy:
C'est celluy qui sans doubte
Israel jectera
Hors d'iniquité toute,
Et le racheptera.
XXIX
Super flumina Babylonis.
Argument: C'est le cantique des prestres, Levites, et chantres sacrez de Hierusalem, captifz en Babylone. Pseaulme propre pour les Chrestiens prisonniers en Turquie.
Estants assis aux rives aquaticques
De Babylon, pleurions melancholicques,
Nous souvenant du pays de Sion:
Et au milieu de l'habitation,
Où de regret tant de pleurs espandismes,
Aux saules vertz noz harpes nous pendismes.
Lors ceulx, qui là captifz nous emmenarent,
De les sonner fort nous importunarent,
Et de Syon les chansons reciter:
Las dismes nous, qui pourroit inciter
Noz tristes cueurs à chanter la louange
De nostre Dieu, en une terre estrange?
Or toutesfoys, puisse oublier ma dextre
L'art de harper, avant qu'on te voye estre
Hierusalem, hors de mon souvenir:
Ma langue puisse à mon palays tenir
Si je t'oublie, et si jamais ay joye,
Tant que premier ta delivrance j'oye.
Mais doncq Seigneur, en ta memoyre imprime
Les filz d'Edom, qui sur Hierosolyme
Crioyent au jour que l'on la destruysoit:
Souvienne toy que chascun d'eulx disoit,
A sac, à sac, qu'elle soit embrasée,
Et jusqu'au pied des fondements rasée.
Aussi sera Babylon mise en cendre:
Et tresheureux, qui te sçaura bien rendre
Le mal dont trop de pres nous vient toucher:
Heureux celluy, qui viendra arracher
Les tiens enfants d'entre tes mains impures,
Pour les froisser contre les pierres dures.
XXX
Pseaulme Cent quarante et troisiesme
Domine exaudi orationem meam, auribus percipe.
Argument: C'est la priere qu'il feit, quand par craincte de Saül il se cacha en une fosse, où il s'attendoit d'estre pris, dont il estoit en grande angoisse. Pseaulme propre à ceulx qui sont prisonniers pour la foy.
Seigneur Dieu, oy l'oraison mienne:
Jusqu'à tes oreilles parvienne
Mon humble supplication:
Selon la vraye mercy tienne
Responds moy en affliction.
Avec ton serviteur n'estrive;
Et en plein jugement n'arrive,
Pour ses offenses luy prouver:
Car devant toy homme qui vive,
Juste ne se pourra trouver.
Las, mon ennemy m'a faict guerre,
A prosterné ma vie en terre:
Encor ne luy est pas assez,
En obscure fosse m'enserre,
Comme ceulx, qui sont trespassés.
Dont mon âme ainsi empressée,
De douleur se trouve oppressée,
Cuydant que m'as abandonné:
J'en sens dedans moy ma pensée
Troublée, et mon cueur estonné.
En ceste fosse obscure, et noyre,
Des jours passés j'ay heu memoyre:
Là j'ay tes oeuvres medités,
Et pour confort consolatoyre,
Les faicts de tes mains recités.
Là dedans à toy je souspire,
A toy je tends mes mains, ô Sire,
Et mon âme en sa grand'clameur
A soif de toy, et te desire,
Comme seiche terre l'humeur.
Haste toy, soys moy secourable,
L'esprit me fault, de moy damnable
Ne cache ton visage beau:
Aultrement je m'en voys semblable
A ceulx qu'on devalle au tumbeau.
Fais moy doncq ouyr de bonne heure
Ta grâce, car en toy m'asseure:
Et du chemin, que tenir doy,
Donne m'en congnoissance seure,
Car j'ay levé mon cueur à toy.
O Seigneur Dieu, mon esperance,
Donne moy pleine delivrance
De mes poursuyvants ennemys,
Puis que chés toy, pour asseurance,
Je me suis à refuge mys.
Enseigne moy comme il fault faire
Pour bien ta voulunté parfaire,
Car tu es mon vray Dieu entier:
Fais que ton esprit debonnaire
Me guide, et meine au droict sentier.
O Seigneur, en qui je me fie,
Restaure moy, et vivifie,
Pour ton Nom craint, et redoubté:
Retire de langueur ma vie,
Pour monstrer ta juste bonté.
Touts les ennemys qui m'assaillent,
Fais par ta mercy qu'ilz deffaillent:
Et rends confonduz, et destruicts
Touts ceulx qui ma vie travaillent,
Car ton humble serviteur suis.
Fin
* La mort n'y mord *
Vingt Pseaulmes
nouvellement mis en Françoys, & envoyés au Roy, par Clement Marot

Beginning of Psalm 18 in the Geneva edition of Jean Girard, 1543
I
Diligam te Domine.
Argument: Hymne tresexcellent lequel David chanta au seigneur Dieu apres qu'il l'eut rendu paisible et victorieux sur Saul et sur tous ses autres ennemys, prophetisant de Jesuchrist en la conclusion du pseaulme.
Je t'aymeray en toute obeyssance, Tant que vivray, ô mon Dieu, ma puissance. Dieu, c'est mon roc, mon rempar hault, et seur, C'est ma rençon, c'est mon fort deffenseur, En luy seul gist ma fiance parfaicte, C'est mon pavoys, mes armes, ma retraicte: Quand je l'exalte, et prie en ferme foy, Soubdain recoux des ennemys me voy. Dangers de mort ung jour m'environnarent, Et grands torrents de malings m'estonnarent. J'estoys bien pres du sepulchre venu, Et des filés de la Mort prevenu: Ainsi pressé, soubdain j'invocque, et prie Le Toutpuissant, hault à mon Dieu je crie: Mon cry au ciel jusqu'à luy penetra, Si que ma voix en son oreille entra. Incontinent tremblarent les Campaignes: Les fondements des plus haultes Montaignes Touts esbranlés, s'esmeurent grandement: Car il estoit courroucé ardamment. En ses naseaulx luy monta la fumée, Feu aspre yssoit de sa bouche allumée, Si enflambé en son couraige estoit, Qu'ardants charbons de toutes pars jectoit. Baissa le Ciel, de descendre print cure, Ayant soubz piedz une brouée obscure: Monté estoit sur ung Esprit mouvent, Volloit guindé sur les aeles du vent, Et se cachoit dedans les noires Nues, Pour Tabernacle autour de luy tendues. En fin rendit, par sa grande clarté, Ce gros amas de Nues escarté, Gresles jectant, et charbons vifz en terre, Au ciel menoit l'Eternel grand tonnerre, L'Altitonant sa voix grosse hors mist, Et gresle, et feu sur la terre transmist: Lança ses Dards, rompit toutes leurs bandes, Doubla l'esclair, leur donna frayeurs grandes. A ta menace, et du fort vent poulsé Par toy, Seigneur, en ce poinct courroucé, Furent canaulx desnués de leur unde, Et descouvertz les fondements du Monde. Sa main d'enhault icy bas me tendit, Et hors des eaux sain, et sauf me rendit: Me recourut des puissants, et haulsaires (Et plus que moy renforcés) adversaires. A mes dangers, il preveut, et prevint: Quand il fut temps secours de Dieu me vint, Me mist au large, et si feit entreprise De me garder, car il me favorise. Or m'a rendu selon mon equité, Et de mes mains selon la purité, Car du Seigneur j'avoys suivy la voye, Ne revolté mon cueur de luy n'avoye: Ains tousjours heu devant l'oeil touts ses ditz, Sans rejecter ung seul de ses editz. Si qu'envers luy entier en tout affaire Me suis monstré, me gardant de mal faire. Or m'a rendu selon mon equité, Et de mes mains selon la purité. Certes, Seigneur, qui sçais telles mes oeuvres, Au bon tresbon, pur au pur, te descoeuvres: Tu es entier, à qui entier sera, Et defaillant, à qui failly aura. Les humbles vivre en ta garde tu laisses, Et les sourcilz des braves tu rabaisses, Aussi mon Dieu, ma Lanterne allumas, Et esclairé en tenebres tu m'as, Par toy donnay à travers la bataille, Mon Dieu devant, je saultay la muraille. C'est l'Eternel, qui entier est trouvé, Son parler est, comme au feu, esprouvé, C'est ung bouclier de forte resistance Pour touts ceulx là, qui ont en luy fiance. Mais qui est Dieu, sinon le supernel? Ou qui est fort, si ce n'est l'Eternel? De hardiesse, et force il m'environne, Et seure voye à mes emprises donne: Mes piedz à ceulx des Chevreulz faict esgaulx, Pour monter lieux difficiles, et haultz: Ma main par luy aux armes est apprise, Si que du bras ung Arc d'acier je brise. De ton secours l'escu m'a apporté, Et m'a ta dextre au besoing supporté, Ta grand' bonté, où mon espoir mectoye, M'a faict plus grand encor' que je n'estoye: Preparer vins mon chemin soubz mes pas, Dont mes talons glissants ne furent pas: Car ennemys sceu poursuyvre, et attaindre, Et ne revins sans du tout les estaindre: Durer n'on peu, tant bien les ay secoux, Ains à mes piedz tresbucharent de coups: Circuy m'as de belliqueuse force, Ployant soubz moy, qui m'envahir s'efforce, Tu me monstras le doz des ennemys, Et mes hayneux j'ay en ruine mys: Ilz ont crié, n'ont heu secours quelconques, Mesmes à Dieu, et ne les ouyt oncques, Comme la pouldre au vent les ay rendus, Et comme fange en la place estendus. Delivré m'as du mutin populaire, Et t'a pleu chef des nations me faire, Voyre le peuple, à moy peuple incongnu, Soubz mon renom obeir m'est venu: Maintz estrangers par servile contraincte M'ont faict honneur d'obeyssance faincte, Maintz estrangers redoubtants mes effortz, Espouventés, ont tremblé en leurs fortz. Vive mon Dieu, à mon saulveur soit gloyre, Exalté soit le Dieu de ma victoyre, Qui m'a donné pouvoir de me venger, Et qui soubz moy les peuples faict renger: Me garentit qu'ennemys ne me grevent, M'esleve hault sur touts ceulx qui s'eslevent Encontre moy, me delivrant à plain De l'homme ayant le cueur d'oultrage plein. Pourtant, mon Dieu, parmy les gens estranges Te beneiray, en chantant tes louanges: Ce Dieu, je dy, qui magnificquement Saulva son Roy, et qui unicquement David, son oingt, traicte en grande clemence: Traictant, de mesme, à jamais sa semence. |

Ps. 18 from the Oeuvres printed by Dolet, 1543
II
Dominus regit me, et nihil
Argument: Il chante les biens et la felicité qu'il a et d'une merveilleuse fiance se promet que dieu duquel ce bien luy vient le traictera tousjours de mesmes.
Mon Dieu me paist soubs sa puissance haulte,
C'est mon berger, de rien je n'auray faulte.
En tect bien seur, joignant les beaulx herbages,
Coucher me faict, me meine aux clairs rivages,
Traicte ma vie en doulceur treshumaine,
Et pour son Nom, par droicts sentiers me meine
Si seurement, que quand au val viendroye
D'umbre de mort, rien de mal ne craindroye,
Car avec moy tu es à chascune heure:
Puis ta houlette, et conduicte m'asseure.
Tu enrichys de vivres necessaires
Ma table, aux yeulx de touts mes adversaires.
Tu oings mon chef d'huyles, et senteurs bonnes,
Et jusqu'aux bords pleine tasse me donnes,
Voyre, et feras que ceste faveur tienne,
Tant que vivray compaignie me tienne,
Si que tousjours de faire ay esperance
En la maison du Seigneur demourance.
III
Ad te Domine levavi animam
Argument: Icy l'homme pressé de ses pechez et de la malice de ses ennemys prie le Seigneur Dieu pour soy et generalement pour tout le peuple.
A Toy, mon Dieu, mon cueur monte,
En Toy mon espoir ay mys,
Fais que je ne tombe à honte,
Au gré de mes ennemys.
Honte n'auront voyrement
Ceulx qui dessus toy s'appuyent,
Mais bien ceulx qui durement
Et sans cause les ennuyent.
Le chemin que tu nous dresses
Fays moy congnoistre, Seigneur,
De tes sentes, et addresses
Vueilles moy estre enseigneur.
Achemine moy au cours
De ta verité patente,
Comme Dieu de mon secours,
Où j'ay chascun jour attente.
De tes bontés te recorde,
Metz en memoyre, et estends
Ceste grand' misericorde,
Dont usé a de tout temps.
Oublye la mauvaistié
De l'orde jeunesse mienne,
De moy, selon ta pitié,
Par ta bonté te souvienne.
Dieu est bon, et veritable,
L'a esté, et le sera,
Parquoy en voye equitable
Les pecheurs raddressera.
Les humbles fera venir
A vie juste, et decente,
Aux humbles fera tenir
L'Eternel sa droicte sente.
Bonté, seurté, souvenance,
Ce sont de Dieu les sentiers,
A ceulx, qui sa convenance
Gardent bien, et vouluntiers.
Helas Seigneur tout parfaict,
Pour l'amour de ton Nom mesme,
Pardonne moy mon forfaict,
Car c'est ung forfaict extresme.
Quel homme c'est, à vray dire,
Qui en Dieu son desir a,
Du chemin qu'il doibt eslire
L'Eternel l'advertira.
A repos parmy ses biens
Vivra son cueur en grand' eage,
Puis auront les Enfants siens
La terre pour heritage.
Dieu faict son secret paroistre
A ceulx qui l'ont en honneur,
Et leur monstre, et faict congnoistre
De son contract la teneur.
Quant à moy, yeulx, et espritz
En tout temps à Dieu je tourne,
Car mes piedz, quand ilz sont pris,
Du filé tire, et destourne.
Jecte doncq sur moy ta veuë,
Prens de moy compassion,
Personne suis despourveuë,
Seulle, et en affliction.
Jà mon cueur sent empirer,
Et augmenter ses destresses,
Las, vueille moy retirer
De ces miennes grands oppresses.
Tourne à mon tourment ta face,
Voy ma peine, et mon soucy,
Et touts mes pechés efface,
Qui sont cause de cecy.
Voy mes ennemys, qui sont
Non seullement grosse bande,
Mais qui sur moy certes ont
Hayne furieuse, et grande.
Preserve de leur embusche
Ma vie, et delivre moy,
Qu'à honte je ne tresbuche,
Puis que j'ay espoir en toy.
Que ma simple integrité
(Comme à l'ung des tiens) me serve,
Et de toute adversité
Israel tire, et conserve.
IV
Exultate justi in Domino, rectos
Argument: C'est ung bel hymne auquel le prophete invite d'entrée à celebrer le tout puissant: puis chante que tout est plein de sa bonté, recite ses merveilles, admonneste les princes de ne se fier en leurs forces et que dieu assiste à ceulx qui les reverent: puis invoque sa bonté.
Resveillez vous chascun fidele,
Menez en Dieu joye orendroit,
Louange est tresseante, et belle
En la bouche de l'homme droit:
Sur la doulce harpe
Pendue en escharpe
Le Seigneur louez,
De Luz, d'Espinettes,
Sainctes chansonnettes
A son Nom jouez.
Chantez de luy par melodie,
Nouveau vers, nouvelle chanson,
Et que bien on la psalmodie,
A haulte voix, et plaisant son.
Car ce que Dieu mande,
Qu'il dit et commande,
Est juste, et parfaict:
Tout ce qu'il propose,
Qu'il faict, et dispose,
A fiance est faict.
Il ayme d'amour souveraine,
Que droit regne, et justice ayt lieu:
Quand tout est dit, la terre est pleine
De la grande bonté de Dieu.
Dieu par sa Parolle
Forma chascun pole,
Et Ciel precieux,
Du vent de sa bouche
Feit ce qui attouche
Et orne les cieulx.
Il a les grands eaux amassées
En la mer, comme en ung vaisseau,
Aux abysmes les a mussées,
Comme ung thresor en ung monceau.
Que la terre toute
Ce grand Dieu redoubte,
Qui feit tout de rien:
Qu'il n'y ait personne,
Qui ne s'en estonne,
Au val terrien.
Car toute chose qu'il a dite
A esté faicte promptement,
L'obeyssance aussi subite
A esté, que le mandement.
Le conseil, l'emprise
Des gens il desbrise,
Et mect à l'envers:
Vaines, et cassées
Il rend les pensées
Des peuples divers.
Mais la divine providence
Son conseil sçait perpetuer,
Ce que son cueur une foys pense,
Dure à jamais, sans se muer.
O gent bienheurée,
Qui, toute asseurée,
Pour son Dieu le tient:
Heureux le lignage,
Que Dieu en partage
Choysit, et retient.
Le Seigneur Eternel regarde
Icy bas du plus hault des cieulx:
Dessus les humains il prend garde,
Et les voit touts devant ses yeulx.
De son Throsne stable,
Paisible, equitable,
Ses clairs yeulx aussi
Jusqu'au fons visitent
Touts ceulx qui habitent
En ce monde icy.
Car luy seul, sans aultruy puissance,
Forma leurs cueurs, telz qu'ilz les ont:
C'est luy seul qui a congnoissance
Quelles toutes leurs oeuvres sont.
Nombre de gensd'armes,
En assaultz n'alarmes,
Ne saulvent le Roy:
Bras ny halebarde,
L'homme fort ne garde,
De mortel desroy.
Celluy se trompe, qui cuyde estre
Saulvé par cheval bon, et fort:
Ce n'est point par sa force adextre,
Que l'homme eschappe ung dur effort.
Mais l'oeil de Dieu veille
Sur ceulx, à merveille,
Qui de voulunté
Craintifz le reverent:
Qui aussi esperent
En sa grand' bonté.
Affin que leur vie il delivre,
Quand la Mort les menacera:
Et qu'il leur donne de quoy vivre
Au temps, que famine sera.
Que doncques nostre âme
L'Eternel reclame,
S'attendant à luy.
Il est nostre addresse,
Nostre forteresse,
Pavoys, et appuy.
Et par luy grand' resjouyssance
Dedans noz cueurs tousjours aurons,
Pourveu qu'en la haulte puissance
De son Nom sainct nous esperons.
Or ta bonté grande
Dessus nous s'espande,
Nostre Dieu, et Roy,
Tout ainsi qu'entente,
Espoir, et attente
Nous avons en toy.
V
Dixit injustus, ut delinquat in semetipso
Argument: Il s'esmerveille de la grand bonté de Dieu, laquelle est si espandue par tout que mesmes les mauvais s'en sentent: puis chante que les esleuz la sentent singulierement sur tous comme par benediction et prie Dieu la continuer plus longuement à ceulx qui le congnoissent et le garder de la violence des mauvais desquelz il predit aussi la ruine.
Du maling les faictz vicieux
Me disent que devant ses yeulx
N'a point de Dieu la crainte:
Car tant se plaist en son erreur,
Que l'avoir en hayne, et horreur,
C'est bien force, et contraincte.
Son parler est nuysant, et fin:
Doctrine va fuyant, affin
De jamais bien ne faire.
Songe en son lict meschanceté:
Au chemin tors est arresté:
A nul mal n'est contraire.
O Seigneur, ta benignité
Touche aux cieulx, et ta verité
Dresse aux Nues la teste.
Tes jugements semblent haultz monts,
Ung abysme tes actes bons,
Tu gardes homme, et beste.
O que tes grâces nobles sont
Aux hommes, qui confiance ont
En l'ombre de tes aesles!
De tes biens saoules leurs desirs,
Et au fleuve de tes plaisirs,
Pour boyre les appelles.
Car source de vie en toy gist,
Et ta clarté nous eslargist
Ce qu'avons de lumiere.
Continue, ô Dieu tout puissant,
A tout cueur droict te congnoissant,
Ta bonté coustumiere.
Que le pied de l'homme inhumain
De moy n'approche, et que sa main
Ne m'ebranle ne greve.
C'est faict, les iniques cherront,
Et repoulsés tresbucheront;
Sans qu'ung d'eulx se releve.
VI
Deus, Deus meus, ad te [This is the incipit of Vulgate Psalm 62 (LXII). The error is probably Marot's, since it is copied always afterwards. The correct incipit of Psalm 43 (XLII) is “Iudica me Deus.” BTW: notice the dyslectic potential of the Roman numerals].
Argument: Il prie estre delivré de ceulx qui avoient conjuré avec Absalon affin qu'il puisse à bon escient publier les louanges de Dieu en la saincte congregation.
Revenge moy, prends la querelle
De moy, Seigneur, par ta mercy,
Contre la gent faulse, et cruelle:
De l'homme, remply de cautelle,
Et en sa malice endurcy,
Delivre moy aussi.
Las, mon Dieu, tu es ma puissance,
Pourquoy t'enfuys, me reboutant?
Pourquoy permectz qu'en desplaisance
Je chemine, soubz la nuysance
De mon adversaire, qui tant
Me va persecutant?
A ce coup ta lumière luyse,
Et ta Foy veritable tien,
Chascune d'elles me conduyse
En ton sainct Mont, et m'introduyse
Jusqu'au Tabernacle tien,
Avecq humble maintien.
Là dedans prendray hardiesse
D'aller de Dieu jusqu'à l'autel,
Au Dieu de ma joye, et liesse,
Et sur la harpe chanteresse
Confesseray qu'il n'est Dieu tel
Que toy, Dieu immortel.
Mon cueur, pourquoy t'esbahys ores?
Pourquoy te debatz dedans moy?
Attends le Dieu que tu adores,
Car grâces luy rendray encores,
Dont il m'aura mys hors d'esmoy,
Comme mon Dieu, et Roy.
VII
Eructavit cor meum verbum bonum
Argument: C'est le chant nuptial de Jesuchrist et de son eglise soubz la figure de Salomon et de sa principale femme, fille de Pharaon.
Propos exquis fault que de mon cueur sorte,
Car du Roy veulx dire Chanson, de sorte
Qu'à ceste foys ma langue mieulx dira
Qu'un Scribe prompt de plume n'escrira.
Le mieulx formé tu es d'humaine race,
En ton parler gist merveilleuse grâce:
Parquoy Dieu faict que toute nation
Sans fin te loue en benediction.
O le plus fort que rencontrer on puisse,
Accoustre, et ceintz sur ta robuste cuisse
Ton glaive aigu, qui est la resplendeur,
Et l'ornement de Royalle grandeur.
Entre en ton Char, triumphe à la bonne heure
En grand honneur, puis qu'avecq toy demeure
Verité, Foy, Justice, et cueur humain,
Veoir te feras de grands choses ta main.
Tes Dards luysants, et tes Sagettes belles
Poignantes sont: les cueurs à toy rebelles
Seront au vif d'icelles transpercés,
Et dessoubz toy les peuples renversés.
O divin Roy, ton Throsne venerable
C'est un hault Throsne, à jamais perdurable:
Le Sceptre aussi de ton Regne puissant,
C'est d'equité le Sceptre fleurissant.
Iniquité tu hays, aymant justice,
Pour ces raisons, Dieu, ton Seigneur propice,
Sur tes consors t'ayant le plus à gré,
D'huyle de joye odorant t'a sacré.
De tes habits les plys ne sentent qu'Ambre,
Et Musc, et Myrrhe, en allant de ta Chambre
Hors ton Palays d'yvoire, hault et fier,
Là où chascun te vient gratifier.
Avecq toy sont filles de Roys bien nées,
De tes presents moult precieux ornées,
Et la nouvelle Espouse à ton costé,
Qui d'or d'Ophir couronne sa beaulté.
Escoute fille en beaulté nonpareille,
Entends à moy, et me preste l'oreille:
Il te convient ton peuple familier,
Et la maison de ton pere oublier.
Car nostre Roy, nostre souverain Sire,
Moult ardamment ta grand' beaulté desire
D'oresnavant ton Seigneur il sera,
Et de toy humble obeyssance aura.
Peuples de Tyr, peuples pleins de richesses,
D'honneur, et dons te feront grands largesses,
Ce ne sera de la Fille du Roy,
Soubz manteau d'or, sinon tout noble arroy.
D'habits brodés richement atournée,
Elle sera devers le Roy menée,
Avecq le train des Vierges, la suyvants,
Et de ses plus prochaines, la servants.
Pleines de joye, et d'ennuy exemptées,
Au Roy seront ensemble presentées:
Elles, et toy, en triumphe, et bonheur,
L'yrez trouver en son Palays d'honneur.
Ne plainds doncq point de laisser pere, et mere:
Car en lieu d'eulx, mariage prospere
Te produyra beaulx, et nobles enfants,
Que tu feras par tout Roys triumphants.
Quant est de moy, à ton Nom, et ta gloyre
Feray escriptz d'eternelle memoyre,
Et par lesquelz les gens, à l'advenir,
Sans fin vouldront te chanter, et benir.
VIII
Deus noster refugium, et virtus
Argument: Les bons chantent icy quelle fiance et seureté ilz ont en tous perilz ayans Dieu pour leur garde.
Des qu'adversité nous offense,
Dieu nous est appuy, et deffense,
Au besoing l'avons esprouvé,
Et grand secours en luy trouvé:
Dont plus n'aurons crainte ne doubte,
Et deust trembler la terre toute,
Et les Montaignes abysmer
Au milieu de la haulte mer.
Voyre deussent les eaux profondes
Bruyre, escumer, enfler leurs undes,
Et par leur superbe pouvoir
Rochers, et Montaignes mouvoir.
Au temps de tourmente si fiere,
Les ruysseaux de nostre riviere
Resjouyront la grand' cité,
Lieu tressainct de la deité.
Il est certain qu'au milieu d'elle
Dieu faict sa demeure eternelle,
Rien esbranler ne la pourra,
Car Dieu prompt secours luy donra.
Trouppes de gens sur nous coururent,
Meuz contre noz Royaulmes furent,
Du bruyt des voix tout l'air fendoit,
Et soubz eulx la terre fondoit.
Mais pour nous, en ces durs alarmes,
A esté le grand Dieu des armes.
Le Dieu de Jacob, c'est ung Fort
Pour nous, encontre tout effort.
Venez, contemplez en vous mesmes
Du Seigneur les actes supresmes,
Et ces lieux terrestres voyez,
Comment il les a nettoyés.
Il a estaint cruelle guerre,
Par tout, jusqu'aux fins de la terre,
Brisé Lances, rompu les Arcs,
Et par feu les Chariotz ards.
Cessez, dit il, et congnoissance
Ayez de ma haulte puissance,
Dieu suis, j'ay exaltation
Sur toute terre, et nation.
Conclusion, le Dieu des armes
Des nostres est en touts alarmes:
Le Dieu de Jacob, c'est ung Fort
Pour nous encontre tout effort.
IX
Deus deorum dominus locutus est
Argument: Il prophetise comment Dieu debvoit appeller à soy toutes nations par l'evangille et ne demander aux siens pour tous sacrifices sinon confession et predication de sa bonté, detestant ceulx qui se vantent d'observer sa religion sans que leur cueur soit touché de zele ne d'amour en luy.
Le Dieu, le fort, l'Eternel parlera,
Et hault, et clair la terre appellera,
De l'Orient jusques à l'Occident.
Devers Syon Dieu clair, et evident
Apparoistra, orné de beaulté toute:
Nostre grand Dieu viendra, n'en faictes doubte,
Ayant ung feu devorant devant luy,
D'ung vehement tourbillon circuy.
Lors huchera et terre, et ciel luysant,
Pour juger là tout son peuple, en disant:
Assemblez moy mes sainctz, qui par fiance
Sacrifiants ont prins mon alliance,
(Et vous les cieulx, direz en tout endroit
Son jugement, car Dieu est Juge droit)
Entends mon peuple, et à toy parleray,
Ton Dieu je suis, rien ne te celeray:
Par moy reprins ne seras des offrandes
Qu'en sacrifice ay voulu que me rendes,
Je n'ay besoing prendre en nulle saison
Bouc de tes parcs, ne Boeuf de ta maison:
Touts animaulx des boys sont de mes biens,
Mille trouppeaulx en mille monts sont miens,
Miens je congnoys les Oyseaulx des montaignes,
Et Seigneur suis du bestail des campaignes:
Si j'avoys faim, je ne t'en diroys rien,
Car à moy est le monde, et tout son bien.
Suis je mangeur de chair de gros Taureaux?
Ou boy je le sang de Boucz, ou de Chevreaux?
A l'Eternel louange sacrifie,
Au Souverain rends tes voeux, et t'y fie:
Invocque moy, quand oppressé seras,
Lors t'aideray, puis honneur m'en feras.
Aussi dira l'Eternel au meschant,
Pourquoy va tu mes editz tant preschant,
Et prens ma Loy en ta bouche maline,
Veu que tu as en hayne discipline,
Et que mes dictz jectes, et ne reçoys?
Si ung larron d'adventure apperçoys,
Avecq luy cours: car aultant que luy vaux,
T'accompaignant de paillards, et ribaux:
Ta bouche metz à mal, et mesdisances,
Ta langue brasse et fraudes, et nuisances,
Causant assis pour ton prochain blasmer,
Et pour ton frere, ou cousin diffamer:
Tu fays ces maulx, et ce pendant que riens
Je ne t'en dy, tu m'estimes, et tiens
Semblable à toy: mais, quoy que tard le face,
T'en reprendray quelcque jour à ta face.
Or entendez cela, je vous supply,
Vous, qui mectez l'Eternel en oubly,
Que sans secours ne soyez tous deffaictz.
Sacrifiant louange, honneur me fays,
Dit le Seigneur, et qui tient ceste voye,
Doubter ne fault que mon salut ne voye.
X
Deus judicium tuum regi da
Argument: Il prie que le regne de Dieu advienne par Jesuchrist prophetisant l'estendue, l'equité, felicité et longue durée d'icelluy regne, le tout soubz la figure de celluy de Salomon.
Tes jugements, Dieu veritable,
Baille au Roy pour regner,
Vueilles ta justice equitable
Au filz du Roy donner.
Il tiendra ton peuple en justice,
Chassant iniquité:
A tes paovres sera propice,
Leur gardant equité.
Les peuples verront aux montaignes
La paix croistre, et meurir,
Et par coustaux, et par campaignes,
La justice fleurir.
Ceulx du peuple, estants en destresse,
L'auront pour deffenseur:
Les paovres gardera d'oppresse,
Reboutant l'oppresseur.
Aussi ung chascun, et chascune,
O Roy, t'honnorera,
Sans fin, tant que Soleil, et Lune,
Au monde esclairera.
Il vient comme pluye agreable
Tombant sur prés fauchés,
Et comme rosée amiable
Sur les terroirs sechés:
Luy regnant, fleuriront par voye
Les bons, et gracieux
En longue paix, tant qu'on ne voye
De Lune plus aux cieulx.
De l'une mer large, et profonde
Jusques à l'aultre mer,
D'Euphrates, jusqu'au bout du monde,
Roy se fera nommer.
Ethiopes viendront grand erre
Se cliner devant luy,
Ses hayneux baiseront la terre,
A l'honneur d'icelluy.
Roys d'Isles, et de la mer creuse,
Viendront à luy presents,
Et Roys d'Arabie l'heureuse,
Pour luy faire presents.
Touts aultres Roys viendront, sans doubte,
A luy s'humilier,
Et le vouldra nation toute
Servir, et supplier.
Car delivrance il donra bonne
Au paovre à luy pleurant,
Et au chetif, qui n'a personne,
Qui luy soit secourant.
Aux calamiteux, et pleurables,
Sera doulx, et piteux,
Saulvant les vies miserables
Des paovres souffreteux.
Les gardera de violence,
Et dol pernicieux,
Ayant leur sang, par sa clemence,
Moult cher, et precieux.
Chascun vivra, l'Or Arabicque
A touts departira,
Dont, sans fin, Roy tant magnificque,
Par tout on beneira.
De peu de grains, force blé: somme,
Les espis chascun an
Sur les monts bruyront en l'air, comme
Les arbres de Liban.
Fleurira la tourbe civile
Des bourgeoys, et marchants,
Multipliants dedans la ville,
Comme herbe par les champs.
Sans fin bruyra le Nom, et gloyre
De ce Roy nompareil,
De son renom sera memoyre
Tant qu'y aura Soleil.
Toutes nations, asseurées
Soubz Roy tant valeureux,
S'en yront vantant bienheurées,
Et le diront heureux.
Dieu, le Dieu des Israelites,
Qui sans secours d'aulcun
Faict des merveilles non petites
Soit loué de chascun.
De sa gloyre tresaccomplie
Soit loué le renom,
Soit toute la terre remplie
Du hault loz de son Nom.
Amen.
XI
Deus venerunt gentes in haereditatem tuam
Argument: Il se complainct de la calamité advenue en Hierusalem par Antichus contre lequel il demande aussi l'ayde de Dieu.
Les gens entrés sont en ton heritage,
Ilz ont pollu, Seigneur, par leur oultrage,
Ton Temple sainct, Hierusalem destruicte,
Si qu'en monceaulx de pierres l'ont reduicte.
Ilz ont baillé les corps
De tes serviteurs morts
Aux Corbeaux, pour les paistre:
La chair des bien vivants
Aux animaulx suyvants
Boys, et plaine champestre.
Entour la ville, où fut ce dur esclandre,
Las, on a veu le sang d'iceulx espandre,
Ainsi comme eau' jectée à l'adventure,
Sans que vivant leur donnast sepulture.
Ceulx, qui noz voysins sont,
En opprobre nous ont,
Nous mocquent, nous despitent:
Ores sommes blasmés,
Et par ceulx diffamés
Qui entour nous habitent.
Helas, Seigneur, jusques à quand sera ce?
Nous tiendra tu pour jamais hors de grâce?
Ton ire ainsi embrasée, ardra elle,
Comme une grand' flambe perpetuelle?
Tes indignations
Espands sur nations
Qui n'ont ta congnoissance:
Ce mal viendroit appoint
Aux Royaulmes, qui point
N'invocquent ta puissance.
Car ceulx là ont toute presques estaincte
Du bon Jacob la posterité saincte,
Et en desert totallement tournée
La demourance à luy par toy donnée.
Las, ne nous ramentoy
Les vieulx maulx contre toy
Perpetrés à grands sommes:
Haste toy, vienne avant
Ta bonté, nous saulvant,
Car moult affligés sommes.
Assiste nous, nostre Dieu secourable,
Pour l'honneur hault de ton Nom venerable:
Delivre nous, soys piteux, et paisible
En noz pechés, pour ta gloyre indicible.
Qu'on ne die au milieu
Des gens, où est leur Dieu?
Ains punis leurs offenses,
Vueilles de toutes pars
Des tiens le sang espars
Venger, en noz presences.
Des prisonniers le gemissement vienne
Jusques au ciel, en la presence tienne:
Les condamnés, et ceulx qui jà se meurent,
Fays que vivants par ton pouvoir demeurent.
A noz voysins aussi
En leur sein endurcy,
Sept foys vueilles leur rendre
Le blasme, et deshonneur
Que contre toy, Seigneur,
Ont osé entreprendre.
Et nous alors ton vray peuple, et tes hommes,
Et qui trouppeau de ta pasture sommes,
Te chanterons par siecles innombrables,
De filz en filz preschant tes faictz louables.
XII
Inclina Domine aurem tuam, et ex
Argument: David requiert à Dieu premierement qu'il le face vivre sans peché, secondement qu'il l'asseure de ses ennemys, luy donnant vie heureuse: puis racompte la puissance et bonté de Dieu jà manifestée et qu'il doibt encores manifester à luy et aux autres.
Mon Dieu, preste moy l'oreille,
Par ta bonté nompareille:
Responds moy, car plus n'en puis,
Tant paovre, et affligé suis.
Garde, je te pry, ma vie,
Car de bien faire ay envie:
Mon Dieu, garde ton servant,
En l'espoir de toy vivant.
Las, de faire te recorde
Faveur, et misericorde
A moy, qui tant humblement
T'invocque journellement.
Et donne liesse à l'âme
Du serf, qui seigneur te clame,
Car mon cueur, ô Dieu des Dieux,
J'esleve à toy jusqu'aux cieulx.
A toy mon cueur se transporte,
Car tu es de bonne sorte,
Et à ceulx pleins de secours,
Qui à toy vont à recours.
Doncques la priere mienne
A tes oreilles parvienne.
Entends, car il est saison,
La voix de mon oraison.
Des qu'angoisse me tourmente,
A toy je crie, et lamente,
Pource qu'à ma triste voix
Tu responds souventesfoys.
Il n'est Dieu à toy semblable,
Ny à toy accomparable,
Ne qui se sceust usiter
A tes oeuvres imiter.
Toute humaine creature,
Qui de toy a prins facture
Viendra te glorifier,
Et ton Nom magnifier.
Car tu es grand à merveilles,
Et fays choses nompareilles:
Aussi as tu l'honneur tel,
D'estre seul Dieu immortel.
Mon Dieu, monstre moy tes voyes,
Affin qu'aller droict me voyes,
Et sur tout, mon cueur non fainct
Puisse craindre ton Nom sainct.
Mon Seigneur Dieu, ta haultesse
Je veulx celebrer sans cesse,
Et ton sainct Nom je pretends
Glorifier en tout temps.
Car tu as à moy indigne
Monstré grand' bonté benigne,
Tirant ma vie du bort
Du bas Tumbeau de la mort.
Mon Dieu, les pervers m'assaillent,
A grands trouppes sur moy saillent,
Et cherchent à mort me veoir,
Sans à toy regard avoir.
Mais tu es Dieu pitoyable,
Prompt à mercy, et ployable,
Tardif à estre irrité,
Et de grand' fidelité.
En pitié doncq me regarde,
Baille ta force, et ta garde,
Au foyble serviteur tien,
Et ton esclave soustien.
Quelcque bon signe me donne,
Qui mes ennemys estonne,
Quand verront que toy, Saulveur,
Me presteras ta faveur.
XIII
Qui habitat in adjutorio altissimi
Argument: Le prophete chante en quelle seureté vit et de combien de maulx est exempté celluy qui d'une ferme fiance se soubmet du tout à Dieu.
Qui en la garde du hault Dieu
Pour jamais se retire,
En umbre bonne, et en fort lieu
Retiré se peult dire.
Concluz doncq en l'entendement,
Dieu est ma garde seure,
Ma haulte tour, et fondement,
Sur lequel je m'asseure:
Car du subtil laqs des chasseurs,
Et de toute l'oultrance
Des pestiferes oppresseurs,
Te donra delivrance.
De ses plumes te couvrira,
Seur seras soubz son aesle,
Sa deffense te servira
De targe, et de rondelle,
Si que de nuict ne craindras point
Chose qui espouvante,
Ne dard ne sagette qui poingt,
De jour en l'air vollante.
N'aulcune peste cheminant
Lors qu'en tenebres sommes,
Ne mal soubdain exterminant
En plein midy les hommes.
Quant à ta dextre il en cherroit
Mille, et mille à senestre,
Leur mal de toy n'approcheroit,
Quelcque mal que puisse estre:
Ains, sans effroy, devant tes yeulx
Tu les verras deffaire,
Regardant les pernicieux
Recevoir leur salaire.
Et tout, pour avoir dict à Dieu,
Tu es la garde mienne,
Et d'avoir mis en si hault lieu
La confiance tienne.
Malheur ne te viendra chercher,
Tien le pour chose vraye,
Et de ta maison approcher
Ne pourra nulle playe.
Car il fera commandement
A ses Anges tresdignes,
De te garder songneusement,
Quelcque part que chemines.
Par leurs mains seras soubzlevé,
Affin que d'adventure
Ton pied ne choppe, et soit grevé
Contre la pierre dure.
Sur Lyonceaux, et sur Aspics,
Sur Lyons pleins de rage,
Et sur Dragons, qui vallent pis,
Marcheras sans dommage.
Car voicy, que Dieu dict de toy
D'ardante amour m'honnore:
Garder, et secourir le doy,
Car mon Nom il adore.
S'il m'invocque, l'exaulceray:
Aussi pour le deffendre
En mal temps avecq luy seray:
A son bien veulx entendre,
Et faire de ses ans le cours
Tout à son desir croistre:
En effect, quel est mon secours
Je luy feray congnoistre.
XIV
Misericordiam, et judicium cantabo
Argument: David n'estant encores roy paisible, promet à Dieu, des qu'il le sera, faire l'office d'ung bon prince, c'est assavoir vivre sans faire tort, estre rigoreux aux mauvais et eslever les gens de bien.
Vouloir m'est prins de mectre en escripture
Psalme, parlant de bonté, et droicture,
Et si le veulx à toy, mon Dieu, chanter,
Et presenter.
Tenir je veulx la voye non nuysible,
Quand viendras tu me rendre Roy paisible?
D'ung cueur tout pur conduiray ma maison,
Avecq raison.
Rien de maulvais y veoir n'auray envie,
Car je hay trop les meschants, et leur vie,
Ung seul d'entre eulx autour de moy adjoinct
Ne sera point.
Tout cueur ayant pensée desloyalle,
Deslogera hors de ma Court Royalle,
Et le nuysant n'y sera bien venu,
Non pas congnu.
Qui par mesdire apart son prochain greve,
Qui a cueur gros, et les sourcilz esleve,
L'ung mectray bas, l'aultre souffrir, pour vray,
Je ne pourray.
Mes yeulx seront fort diligents à querre
Les habitants fideles de la terre,
Pour estre à moy: qui droicte voye yra,
Me servira.
Qui s'estudie à user de fallace,
En ma maison point ne trouvera place:
De moy n'aura mensonger, ne baveur,
Bien, ne faveur.
Ains du pays chasseray de bonne heure
Touts les meschants, tant qu'ung seul n'y demeure,
Pour du seigneur nettoyer la cité
D'iniquité.
XV
Confitemini Domino; quoniam bonus
Argument: Le Psalmiste dit que toutes afflictions viennent et s'en vont par volunté divine et allegue sur ce les perilz et calamitez des errans aux desertz, des prisonniers, des malades et des agitez sur la mer, la requeste qu'ilz font à Dieu, comment ilz l'obtiennent, comment ilz en rendent grâces et comment Dieu tient toutes choses en sa main et les change comme il luy plaist.
Donnez au Seigneur gloyre,
Il est doulx, et clement,
Et sa bonté notoyre
Dure eternellement.
Ceulx qu'il a racheptés,
Qu'ilz chantent sa haultesse,
Et ceulx qu'il a jectés
Hors de la main d'oppresse.
Les ramassant ensemble
D'Orient, d'Occident,
De l'Aquilon qui tremble,
Et du Midy ardent.
Si d'aventure errants
Par les deserts se treuvent,
Demourance querants,
Et que trouver n'en peuvent:
Et si l'aspre famine
Et la soif sans liqueur
Les travaille, et leur mine
Et le corps, et le cueur:
Pourveu qu'à tel besoing
Criants, à Dieu lamentent,
Subit il les mect loing
Des maulx, qui les tourmentent.
Et droict chemin passable
Leur monstre, et faict tenir,
Pour en ville habitable
Les faire parvenir.
Lors de Dieu vont chantant
Les bontés nompareilles,
Cà, et là racomptant
Aux hommes ses merveilles.
D'avoir l'âme assouvie,
Qui de soif languissoit,
Saoulant de biens la vie,
Qui de faim perissoit.
Ceulx qui sont resserrés
En tenebres mortelles,
Enchesnés, enferrés,
Et souffrants peines telles,
Pour avoir la Parolle
De Dieu, mise à despris,
Et tenant pour frivolle
Son conseil de hault pris,
Quand par tourments leurs cueurs
Humiliés demeurent,
Abbatuz de langueurs,
Sans que nulz les sequeurent.
Pourveu qu'à Dieu s'addressent,
L'appellants au besoing,
Touts les maulx qui les pressent,
Il les renvoye au loing.
Des prisons les mect hors,
Mortelles, et obscures,
Rompant leurs lyens forts,
Cordes, et chesnes dures.
Les bontés nompareilles
De Dieu lors vont chantant,
Cà, et là ses merveilles
Aux hommes racomptant.
D'avoir jusqu'aux courreaux
Brisé d'arain les portes,
Et de fer les barreaux
Rompu de ses mains fortes.
Les folz, qui les supplices
Sentent de leurs pechés,
Et qui sont par leurs vices
Malades, assechés,
Dont le cueur, tout repas
Et viande abhomine,
Et qui sont pres du pas
De la mort, qui les mine,
Pourveu qu'à Dieu s'addressent,
L'appellants au besoing,
Touts les maulx qui les pressent
Il les renvoye au loing.
D'un seul mot qu'[il] transmet
Leur donne santé telle,
Que du tout hors les met
De ruyne mortelle.
Les bontés nompareilles
De Dieu lors vont chantant,
Cà, et là ses merveilles
Aux hommes racomptant.
A Dieu d'ardant desir
Louange sacrifient,
Et avecq grand plaisir
Ses oeuvres magnifient.
Ceulx qui dedans gallées
Dessus la mer s'en vont,
Et en grands eaux sallées
Mainte trafficque font:
Ceux là voyent de Dieu
Les oeuvres merveilleuses,
Sur le profond milieu
Des vagues perilleuses.
Le vent, s'il luy commande,
Souffle tempestueux,
Et s'enfle en la mer grande
Le flot impetueux:
Lors montent au ciel hault,
Puis aux gouffres descendent,
Et d'effroy, peu s'en fault
Que les âmes ne rendent.
Chancellent en yvrongne,
Troublés du branlement,
Tout leur sens les eslongne,
Perdent l'entendement.
Mais si à tel besoing
Criants, à Dieu lamentent,
Subit il les mect loing
Des maulx qui les tourmentent.
Faict au vent de tempeste
Sa fureur rabaisser,
Faict que la mer s'arreste,
Et ses undes cesser.
L'orage retiré,
Chascun joye demeine,
Et au port desiré
Le Seigneur Dieu les meine.
Les bontés nompareilles
De Dieu lors vont chantant,
Cà, et là ses merveilles
Aux hommes racomptant.
Parmy le peuple bas
Le surhaulsent en gloyre,
Et ne le taisent pas
Des grands au consistoyre.
Luy, qui les eaux profondes
En desert convertit,
Et les sources des undes
Asseche, et divertit.
Luy, qui steriles faict
Terres grasses, et belles,
Et tout pour le forfaict
Des habitants d'icelles.
Qui desertz d'humeur vuydes
Convertit en grands eaux,
Et lieux secz, et arides,
En sources, et ruisseaux.
Et qui là faict venir
Ceulx qui de faim languissent,
Lesquelz, pour s'y tenir,
Des Villes y bastissent:
Y semer champs se peinent,
Et vignes y planter,
Qui touts les ans ameinent
Fruict, pour les sustenter.
Là, les fortune en biens,
Les croist, les continue,
Et leur bestail en riens
Il ne leur diminue.
Puis descroissent de nombre,
Viennent à rarité,
Par maulx, et par encombre,
Et par sterilité.
Riches, nobles, et grands,
Mesprisés il renvoye,
Par deserts lieux errants,
Où n'a chemin, ne voye.
Et esleve, et delivre
Le paovre hors d'ennuy,
Et force gens faict vivre,
Comme ung trouppeau, soubs luy.
Ce voyant, ont aux cueurs
Les justes joye enclose,
Et de Dieu les mocqueurs
S'en vont la bouche close.
Qui a sens, et prudence,
Garde à cecy prendra:
Lors la grande clemence
Du Seigneur entendra.
XVI
Dixit Dominus Domino meo
Argument: Il chante le regne de Christ lequel commença en Sion et de là pervint jusques aux fins de la terre et continuera jusques à ce que Christ soit adoré universellement et que de ses ennemys il ayt fait son marchepied.
L'Omnipotent à mon Seigneur, et maistre
A dit ce mot: A ma dextre te sieds,
Tant que j'auray renversé, et faict estre
Tes ennemys le scabeau de tes pieds.
Le sceptre fort de ton puissant Empire
En fin sera loing de Syon transmys
Par l'Eternel, lequel te viendra dire:
Regne au milieu de touts tes ennemys.
De son bon gré ta gent bien disposée,
Au jour tressainct de ton sacre courra:
Et aussi dru qu'au matin chet rosée,
Naistre en tes filz ta jeunesse on verra.
Car l'Eternel, sans muer de courage,
A de toy seul dit, et juré avec:
Grand Prebstre, et Roy, tu seras en tout eagé,
Ensuyvant l'ordre au bon Melchisedec.
A ton bras droict Dieu ton Seigneur, et Pere,
T'assistera aux belliqueux arroys,
Là, où pour toy, au jour de sa colere,
Rompra la teste à Princes, et à Roys.
Sur les Gentilz exercera justice,
Remplira tout de corps morts envahis,
Et frappera, pour le dernier supplice,
Le chef regnant sur beaulcoup de pays.
Puis, en passant au milieu de la plaine,
Des grands ruisseaux de sang s'abbruvera.
Par ce moyen, ayant victoire pleine,
La teste hault, tout joyeulx, levera.
XVII
Confitemini Domino, quoniam
Argument: C'est ung hymne par lequel David delivré de tous maulx et eslevé Roy sur tout Israel, rendit publicquement grâces à Dieu au tabernacle de l'alliance, là où d'ung grand cueur il celebra la bonté dont il avoit usé envers luy et là se monstre clairement figure de Jesuchrist.
Rendez à Dieu louange, et gloire,
Car il est bening, et clement.
Qui plus est, sa bonté notoire
Dure perpetuellement.
Qu'Israel ores se recorde
De chanter solennellement,
Que sa grande misericorde
Dure perpetuellement.
La maison d'Aaron ancienne
Vienne tout hault presentement
Confesser que la bonté sienne
Dure perpetuellement.
Touts ceulx qui du seigneur ont crainte,
Viennent aussi chanter comment
Sa bonte pitoyable, et saincte,
Dure perpetuellement.
Ainsi que j'estoys en destresse,
En invocquant sa Majesté,
Il m'ouyt, et de ceste presse
Me mist au large, à saulveté.
Le tout puissant, qui m'ouyt plaindre,
Mon party tousjours tenir veult,
Qu'ay je doncq que faire de craindre
Tout ce que l'homme faire peult?
De mon costé il se retire
Avecq ceulx qui me sont amys:
Ainsi, cela que je desire
Je verray en mes ennemys.
Mieulx vault avoir en Dieu fiance
Qu'en l'homme, qui est moins que riens:
Mieulx vault avoir en Dieu fiance
Qu'aux Princes, et grands terriens.
Beaulcoup de gens, c'est chose seure,
M'assiegearent de touts costés:
Au nom de Dieu, ce dy je à l'heure,
Ilz seront par moy reboutés.
Ilz m'avoyent enclos par grand' ire,
Enclos m'avoyent touts mutinés:
Au nom de Dieu, ce vins je à dire,
Ilz seront par moy ruinés.
Ilz m'avoyent enclos comme abeilles,
Et furent, les folz, et haultains,
Au nom du grand Dieu des merveilles,
Comme feu d'espines estainds.
Tu as, importun adversaire,
Rudement contre moy couru,
Pour du tout tresbucher me faire,
Mais l'Eternel m'a secouru.
Le Toutpuissant, c'est ma puissance,
C'est l'argument, c'est le discours
De mes vers pleins d'esjouyssance,
C'est de luy que j'ay heu secours.
Aux maisons de mon peuple juste
On n'oyt rien que joye, et confort,
On chante, on dit, le bras robuste
Du Seigneur a faict grand effort.
De l'Eternel la main adextre
S'est eslevée à ceste foys,
Dieu a faict vertu par sa dextre,
Telle est du bon peuple la voix.
Arriere ennemys, et envie,
Car la mort point ne sentiray,
Ainçoys demoureray en vie,
Et les faicts du Seigneur diray.
Chastié m'a, je le confesse,
Chastié m'a, puny, battu,
Mais point n'a voulu sa haultesse
Que par mort je fusse abattu.
Ouvrez moy les grands portes belles
Du sainct Temple aux justes voué,
Affin que j'entre par icelles
Et que Dieu soit par moy loué.
Ces grands portes sumptueuses
Sont les portes du Seigeur Dieu:
Les justes gens, et vertueuses,
Peuvent passer tout au milieu.
Là diray ta gloyre supreme,
Là par moy seras celebré,
Car en adversité extreme
Exaulcé m'as, et delivré.
La pierre par ceulx rejectée
Qui du bastiment ont le soing,
A esté assise, et plantée
Au plus hault du principal coing.
Cela, c'est une oeuvre celeste,
Faicte, pour vray, du Dieu des dieux,
Et ung miracle manifeste,
Lequel se presente à noz yeulx.
La voicy l'heureuse journée
Que Dieu a faicte à plein desir,
Par nous soit joye demenée,
Et prenons en elle plaisir.
Or te prions, Dieu nostre Pere,
En ta garde à ce coup nous tien,
Et en fortune si prospere
D'orenavant nous entretien.
Beneit soit qui au Nom tresdigne
Du Seigneur est venu icy:
O vous, de la maison divine,
Nous vous beneissons touts aussi.
Dieu est puissant, doulx, et propice,
Et nous donra lumiere à gré:
Lyez le boeuf du sacrifice
Aux cornes de l'autel sacré.
Tu es le seul Dieu que j'honnore,
Aussi sans fin te chanteray:
Tu es le seul Dieu que j'adore,
Aussi sans fin t'exalteray.
Rendez à Dieu louange, et gloyre,
Car il est bening, et clement.
Qui plus est, sa bonté notoyre
Dure perpetuellement.
XVIII
Beati omnes, qui timent Dominum
Argument: Il dit que ceulx qui vrayment craignent et ayment Dieu sont heureux soit en public soit en privé.
Bienheureux est quiconques
Sert à Dieu vouluntiers,
Et ne se lassa oncques
De suyvre ses sentiers.
Du labeur que sçays faire
Vivras commodement,
Et yra ton affaire
Bien, et heureusement.
Quant à l'heur de ta ligne,
Ta femme en ta maison
Sera comme une vigne,
Portant fruict à foison.
Et autour de la table
Seront tes enfants beaulx,
Comme ung reng delectable
D'oliviers touts nouveaulx.
Ce sont les benefices
Dont seras jouyssant
Celluy qui, fuyant vices,
Craindra le Toutpuissant.
De Syon Dieu sublime
Te fera tant de bien,
De veoir Hierosolyme
En tes jours aller bien.
Et verras de ta race
Double posterité,
Et sur Israel grâce,
Paix, et felicité.
XIX
Pseaulme Cent trentehuictiesme
Confitebor tibi Domine in toto corde
Argument: Il celebre la bonté de Dieu qui l'avoit retiré de tous perilz et heureusement eslevé en dignité royale: puis chante qu'il en rendra grâces à Dieu et que mesmes tous autres Roys luy en donneront louange: se promet aussi qu'à l'advenir le secours de Dieu ne luy fauldra point.
Il fault que de touts mes Espritz
Ton loz, et pris
J'exalte, et prise.
Devant les grands me presenter,
Pour te chanter,
J'ay faict emprise.
En ton Sainct Temple adoreray,
Celebreray
Ta renommée,
Pour l'amour de ta grand' bonté
Et feaulté
Tant estimée.
Car tu as faict ton Nom moult grand
En te monstrant
Vray en parolles:
Des que je crie, tu m'entends.
Quand il est temps
Mon cueur consoles.
Dont les Roys de chascun pays
Moult esbahys
T'ont loué, Sire,
Apres qu'ilz ont congneu que c'est
Ung vray arrest
Que de ton dire.
Et de Dieu, ainsi que je fays,
Chantent les faictz
A sa memoyre,
Confessants que du Toutpuissant
Resplendissant
Grande est la gloyre.
De veoir si bas tout ce qu'il fault
De son plus hault
Throne celeste,
Et de ce qu'estant si loingtain,
Grand, et haultain,
Se manifeste.
Si au milieu d'adversité
Suis agité,
Vif me preserves,
Sur mes ennemys inhumains
Jectes les mains,
Et me conserves.
Et parferas mon cas tout seur,
Car ta doulceur
Jamais n'abaisses:
Ce qu'une foys as commencé,
Et advancé,
Tu ne delaisses.
XX
Luc II
Nunc dimittis servum tuum Domine
Or laisses, Createur,
En paix ton serviteur
Ensuyvant ta promesse:
Puis que mes yeulx ont heu
Ce credit d'avoir veu
De ton Salut l'addresse.
Salut mys au devant
De ton peuple vivant,
Pour l'ouyr, et le croyre:
Ressourse des petitz,
Lumiere des Gentilz,
Et d'Israel la gloyre.
Fin des vingt Psalmes derniers, traduitz par Clement Marot: comprins le Cantique de Simeon.